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Think Culture 2019 : « Le partage de la valeur résolu avec des valeurs partagées » (B. Boutleux, Adami)

Paris - Actualité n°155665 - Publié le 16/09/2019 à 16:30
©  Seb Lascoux
©  Seb Lascoux

« On a aujourd’hui un souci de partage de la valeur. Et ce souci de partage de la valeur pourrait être partiellement résolu si nous avions ensemble des valeurs partagées. Ces valeurs ne sont en effet pas encore partagées, ce qui se voit dans l’organisation des sociétés de gestion collective : là où les anglo-saxons sont souvent pragmatiques avec une seule société de gestion collection pour gérer perception et rémunération des producteurs, des éditeurs, des auteurs et des interprètes, tant pour le droit d’auteur que pour les droits voisins, nous en avons cinq en France. (…) L’enjeu urgent, pour les sociétés de gestion collective en France, est de se rassembler et de mettre en partage des outils et des valeurs », déclare Bruno Boutleux, directeur général de l’Adami Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes , durant le débat « Le partage de la valeur sur Internet : comment continuer le combat ? » lors de la 4e édition de Think Culture, organisée par News Tank Culture à l’université Paris-Dauphine le 10/09/2019. 

Dans le cadre de la transposition de la directive Droit d’auteur votée au Parlement européen le 26/03/2019 et publié au JOUE Journal officiel de l’Union européenne le 17/05/2019, « la nouvelle loi audiovisuelle devra apporter une réponse pour les industries culturelles aujourd’hui et à court terme. Mais aussi se poser la question de demain. (…) Mais si Netflix, Disney, Fox, Amazon et quelques autres continuent d’imposer le buyout Contrat forfaitaire libératoire du droit d’auteur , qui est une négation du droit d’auteur, alors ce sera le modèle mis en place en Europe et dans une grande partie du monde depuis deux siècles qui peut être mis à bas. Or il y a aujourd’hui, tant chez les cinéastes que chez les scénaristes et les compositeurs de musique de film, des contrats proposés - et acceptés - en buyout », déclare quant à lui Jean-Noël Tronc, directeur général de la Sacem Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique .  

« Les moteurs de recherche d’images affichent des murs d’images qui, déjà, offrent un ensemble de réponses sans souci du droit d’utilisation ou de reproduction des images. Ensuite, il est possible à l’utilisateur de télécharger ou de partager une image sans passer par le site d’origine. Que celui-ci demande les autorisations et paye des droits n’empêche pas qu’il soit au même niveau qu’un site qui ne respecte aucune réglementation. De fait, les moteurs de recherche court-circuitent les métadonnées et le modèle économique de sites respectueux du droit d’auteur comme Getty Images ou la RMN-GP Réunion des Musées Nationaux - Grand Palais  », déclare Marie-Anne Ferry-Fall, directrice générale de l’ADAGP Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques

Émilie Cariou, députée (LREM La République En Marche , 2e circonscription de la Meuse), Hervé Rony, directeur général de la SCAM Société civile des auteurs multimédia , et Alexandre Lasch, directeur général du SNEP Syndicat national de l’édition phonographique , participaient également à cette table ronde, modérée par Christophe Tardieu, inspecteur des finances.

News Tank rend compte des échanges.

Les intervenants
  • Bruno Boutleux, directeur général de l’Adami
  • Émilie Cariou, députée, Assemblée nationale
  • Marie-Anne Ferry-Fall, directrice générale de l’ADAGP
  • Alexandre Lasch, directeur général du SNEP
  • Hervé Rony, directeur général de la SCAM
  • Jean-Noël Tronc, directeur général de la Sacem
  • Modération : Christophe Tardieu, inspecteur des finances, ex-directeur général délégué du CNC et ex-directeur adjoint de l’ONP Opéra national de Paris

« Ce consensus n’aurait pas pu être trouvé à Bruxelles dix ans plus tôt » (Émilie Cariou)

  • « J’ai eu dans ma carrière un parcours assez atypique puisque j’ai quitté Bercy pour entrer au cabinet du ministre de la Culture comme conseillère chargée des affaires européennes, internationales et du numérique. Mais une ancienne inspectrice des impôts s’y sent bien parce que le système français d’exception culturelle fonctionne largement sur des systèmes de financement de la culture, lesquels passent souvent par l’impôt.
  • Chaque maillon de la chaîne de création et distribution, dans tous les domaines culturels, passe par un système de financement qui en assure la pérennité.
  • La précédente mandature du parlement européen avait très mal commencé avec un discours de Jean-Claude Juncker qui prônait l’abolition des frontières en matière culturelle. Cela risquait évidemment de porter atteinte à tout ce qui permet un mécanisme de financement - notamment dans l’audiovisuel -, c’est-à-dire des mécanismes territorialisés.
  • C’était une obsession des commissaires que tout soit disponible depuis Bruxelles - les cartes de crédit, la culture…
  • Émilie Cariou - ©  Seb Lascoux
    Nous avons donc travaillé sur l’objectif de renforcer le droit d’auteur. Les grands acteurs d’internet ont été exonérés de toute responsabilité à une époque où les plateformes B2C business to consumer ou C2C Consumer to consumer n’existaient pas. Quand ont été créés les concepts d’éditeurs et d’hébergeurs, ces plateformes n’existaient pas encore. Elles sont nées en utilisant une qualification d’hébergeur qui concernait au départ des services transportant des données sans rapport avec la création culturelle.
  • L’objet de la directive Droit d’auteur est de responsabiliser ces plateformes qui, de fait, sont des diffuseurs culturels, par exemple à son article 13. La transposition est à venir en France, certaines dispositions l’étant dès la loi audiovisuelle à venir.
  • L’article 11 créant un droit voisin pour la presse est déjà transposé.
  • La directive SMA Services de médias audiovisuels aussi a amené des avancées, notamment avec des quotas de diversité culturelle - la France avait des exigences très fortes en matière de quotas mais elle n’a pas été suivie par d’autres États.
  • Il y a eu des avancées mais ce consensus n’aurait pas pu être trouvé à Bruxelles dix ans plus tôt.
  • La fiscalité et la culture vont bien ensemble. La « taxe YouTube », la « taxe Netflix » mais aussi tout un historique de taxes affectées alimentent le CNC Centre national du cinéma et de l’image animée mais aussi, par l’intermédiaire de son fonds d’aide, alimente d’autres secteurs comme le clip, le jeu vidéo…
  • Ces taxes visent des acteurs qui jusqu’alors ne payaient pas beaucoup d’impôts et, en ce qui les concerne, la question fiscale avance aussi. Les règles d’imposition, fondées sur des principes des années 50 comme la présence de personnel, l’adresse de facturation ou la localisation physique d’un établissement n’ont plus aucun sens dans l’économie numérique. Malgré des avancées à l’OCDE Organisation de coopération et de développement économiques sur la fiscalité de ces entreprises, on cherche encore.
  • On aboutit donc à la « taxe Gafa », qui naît notamment de la frustration de ne pas savoir définir ce qu’est un « établissement stable », pour reprendre la terminologie fiscale. Il faut continuer à pousser à l’OCDE et à Bruxelles.
  • En ce qui concerne la création du CNM Centre national de la musique à laquelle j’ai travaillé, nous avons essayé - avec mon collègue Pascal Bois - de mettre en place les modalités administratives et le financement du CNM. Pour financer la montée en puissance de la filière musicale, nous avons préconisé de prendre sur la TOCE le financement des nouvelles missions du CNM. Je continuerai à défendre cette solution tant qu’il manquera encore la brique financement de CNM. »

    Émilie Cariou

« Le grand sujet pour nous, acteurs des arts visuels, reste les moteurs de recherche d’images » (Marie-Anne Ferry-Fall)

  • « L’ADAGP Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques œuvre sur un secteur un peu méconnu du droit d’auteur, par rapport à d’autres secteurs qui sont plus des industries. Dans les arts visuels, qui réunissent des disciplines très diverses - la peinture, la sculpture, l’architecture, la photographie… - il n’y a pas d’industrie qui structure le secteur.
  • L’ADAGP est une société de gestion collective qui existe depuis 65 ans. Elle est sans doute moins connue que d’autres parce que le droit d’auteur est vécu dans le secteur des arts visuel comme quelque chose d’anodin. Malgré les 180 000 artistes que nous défendons, nous sommes une toute petite société. Pourquoi ? Parce que le droit d’auteur est moins défendu dans les arts visuels qu’ailleurs. En Europe, la directive de 2001 qui harmonise le droit d’auteur a prévu que les états membres peuvent créer une vingtaine d’exceptions facultatives, de la musique dans les fanfares, au droit de citation ou de polémique… Les arts visuels sont concernés par 12 des 20 exceptions !
  • Le droit d’auteur ne sous-tend pas et ne protège pas économiquement une filière des arts visuels, contrairement à l’industrie de la musique ou à l’édition littéraire.
  • Dans les arts visuels, le droit d’auteur est vécu sur le mode de l’incongruité - l’exposition, la reproduction sur Internet, l’édition de monographies sont volontiers affirmées être des publicités pour les artistes, donc personne ne voit pourquoi il faudrait payer des droits.
  • Quand un combat doit être mené sur la régulation, les artistes et leur société se mobilisent mais ils n’ont pas une industrie pour les accompagner.
  • Les œuvres sont diffusées massivement sur les plateformes Internet. Quand un accord a été conclu il y a quelques années avec YouTube, on aurait pu croire que cela lancerait un mouvement vertueux. Mais cette démarche volontaire n’a pas été suivie par Flicker, Pinterest, Instagram, Facebook ou Twitter et cet accord reste le seul.
  • Marie-Anne Ferry-Fall - ©  Seb Lascoux
    Le grand sujet pour nous, acteurs des arts visuels, reste les moteurs de recherche d’images qui ne fonctionnent pas de la même manière que les moteurs traitant des requêtes texte. Google, Qwant, Bing et tous les moteurs de recherche d’images affichent des murs d’images qui, déjà, offrent un ensemble de réponses sans souci du droit d’utilisation ou de reproduction des images. Ensuite, il est possible à l’utilisateur de télécharger ou de partager une image sans passer par le site d’origine. Que celui-ci demande les autorisations et paye des droits n’empêche pas qu’il soit au même niveau qu’un site qui ne respecte aucune réglementation. De fait, les moteurs de recherche court-circuitent les métadonnées et le modèle économique de sites respectueux du droit d’auteur comme Getty Images ou la RMN.
  • La loi LCAP Liberté de création, architecture et patrimoine  de 2016 reconnaît que ces sites doivent rémunérer les auteurs mais une cascade de recours font que la loi n’est toujours pas appliquée, ce qui devrait être possible avec la transposition de la directive Droit d’auteur.
  • Un des enjeux de cette directive est de mettre en place au niveau européen le dispositif des licences collectives étendues, qui vient à l’origine de Scandinavie et permet d’organiser des négociations entre les sociétés collectives et les opérateurs d’Internet de manière à ce que les accords qui en résultent puissent être étendus et régulent tout un secteur, y compris pour les ayants-droit qui n’appartiennent pas à la société de gestion collective. Deux opérateurs élaborent un modus operandi pour rémunérer les auteurs, qui est ensuite étendu à l’ensemble des ayants-droit et des opérateurs.
  • L’ADAGP a beaucoup de membres dont les œuvres sont utilisées au sein des publications de presse. Le droit voisin des éditeurs de presse était donc attendu. Mais il fallait aussi que les auteurs journalistes mais aussi non journalistes - auteurs de dessins, de photos, de cartes, d’infographies - puissent bénéficier de ces rémunérations. Nous avons été en partie entendus pour la transposition de cette partie de la directive Droit d’auteur dans la loi française.
  • Nous avons un gros réseau de sociétés sœurs, en majorité européennes, et je tiens à relever que l’action de la France pour obtenir la directive européenne a été soulignée partout. De même, cette communauté internationale des arts visuels nous donne aujourd’hui l’ardente obligation de transposer rapidement cette directive en droit français. »

    Marie-Anne Ferry-Fall

« Nous sommes dans un contexte de remise en cause du droit d’auteur par les diffuseurs » (Hervé Rony)

  • « La SCAM est au carrefour de la presse et de l’audiovisuel. Et la grande question des journalistes est de savoir ce qui va concrètement déboucher du texte qui dit « une part des droits va aux journalistes ». Si la négociation aboutit à ce qui s’est passé avec la loi Hadopi Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet après laquelle 5 % seulement des droits de reprographie sont reversés aux journalistes, ce sera évidemment une déception pour eux.
  • La part des journalistes doit être substantielle. La SCAM est actuellement en contact avec le CFC Centre français d’exploitation du droit de copie . La loi ne parle pas de gestion collective obligatoire.
  • Le partage de la valeur, ce n’est pas seulement le partage entre acteurs historiques et acteurs nouveaux.
  • Hervé Rony - ©  Seb Lascoux
    On s’est réjoui à juste titre que le quota d’œuvres originales européennes sur les plateformes soit de 20 % dans un premier temps puis de 30 %. Je rappelle que l’Assemblée européenne, présidée par Simone Veil, à l’époque de la directive Télévision sans frontières - texte fondateur de l’intervention de l’Union européenne dans notre secteur - fixait à 60 % le quota d’œuvres d’expression européenne. On voit là combien l’Europe a peur d’elle-même parce que l’on arrive à trouver héroïque d’imposer à un continent entier un quota de 30 % d’œuvres européennes. Vous imaginez ce qui se passerait aux États-Unis si on envisageait de proposer un quota de 30 % d’œuvres originales américaines.
  • C’est une victoire dans un paysage qui, moi, me laisse pantois. Donc il va falloir transposer. On parle de 40 % d’œuvres françaises, il va falloir penser aux modèles de diffusion et de production, réfléchir à la ventilation des quotas par type de répertoire - animation, documentaire, fiction… Il va falloir aussi réfléchir à la présentation de cette offre sur les plateformes, également. Tout cela est difficile à résoudre, et pas uniquement par des textes de loi.
  • Aujourd’hui, dans cette question de la transposition de la directive, nous sommes dans un contexte de remise en cause du droit d’auteur par les diffuseurs. Il y a un paradoxe : avec la SCAM et l’ADAGP, j’ai signé il y a quelques années un accord avec YouTube, alors même qu’en Europe nous prenions des positions en flèche, notamment avec la Sacem, pour critiquer les géants d’Internet dont YouTube. Mais cela prouve bien la puissance de l’écosystème de la gestion collective : si l’on veut faire du business en France, la gestion collective est incontournable, il faut accepter que tôt ou tard on en passera par une négociation avec une société de gestion collective.
  • Le partage de la valeur ne doit pas être un marché de dupes : aujourd’hui des chaînes de télévision française (dont France Télévisions, ce que je trouve troublant) nous demandent de « faire un effort sur la rémunération des auteurs. Or le droit d’auteur est fait de telle manière que nous percevions un pourcentage du chiffre d’affaire de ces opérateurs. Il faudrait donc que nos auteurs aient des revenus qui baissent plus vite que la décrue des recettes publicitaires ou des subventions publiques.  
  • Je ne dis pas qu’il faut augmenter le droit d’auteur. Nous pouvons redéfinir la manière de travailler avec certaines chaînes mais nous ne voulons pas être les dindons de la farce. Et ce n’est pas parce que les modèles économiques sont en cours de révision que nous devons accepter une baisse des rémunérations.
  • Et il ne faut pas non plus que les seuls à faire un effort soient les nouveaux acteurs. »

    Hervé Rony

« La perte de souveraineté numérique de l’Europe conduit à la perte de souveraineté culturelle et à la perte de souveraineté tout court » (Jean-Noël Tronc)

  • « J’ai écrit « Et si on recommençait par la culture ? » à la suite d’un moment d’exaspération qui aurait pu transformer le passionné d’Europe que je suis en europhobe. C’était une audition au Parlement européen, le 11/11/2014. On a eu le sentiment que la machine bruxelloise était devenue une machine à détruire de la valeur dans les industries culturelles. Pour ma part, c’était une audition au cours de laquelle on nous avait demandé de faire un point sur digital et création et, quand je suis arrivé, j’ai vu que l’événement s’intitulait « Modernization of Coypright » - alors que « droit d’auteur » se traduit par « author’s right ».
  • Émilie Cariou citait tout à l’heure les propos de Jean-Claude Juncker. En fait, il était beaucoup plus violent que ça : « We should break the bias of copyright. » Il y avait une logique de destruction.
  • Dans ce livre, je défends essentiellement deux thèses. La première est le paradoxe à voir l’activité bruxelloise qui est en général hostile aux auteurs (chaque fois que l’on est parvenu à rééquilibrer les choses, ce sont les défenseurs des artistes avec l’aide des députés européens et de certains gouvernements comme celui de la France) et l’étude France Créative qui montre que les industries créatives pèsent 545 milliards d’euros et 7 millions d’emplois et sont un des secteurs dans lesquels on peut continuer à créer de la valeur et des emplois non délocalisables.
  • Certes, cette étude a changé la vision des choses, notamment à la Commission. Mais il n’y a pas que là : on se réjouit que la directive Droit d’auteur ait créé un droit voisin de la presse. Or nous aurions pu l’avoir dès 2012 quand l’Allemagne a proposé de l’instituer et que la France ne l’a pas suivie.
  • Ma deuxième thèse est que la perte de souveraineté numérique de l’Europe conduit à la perte de souveraineté culturelle et à la perte de souveraineté tout court. Il faut que l’Europe assume une politique de création de valeur et de protection des filières.
  • La meilleure nouvelle pour le cinéma et l’audiovisuel, et qui se confirme depuis deux ans, c’est qu’on peut passer d’un modèle du tout-piraté et du tout-gratuit à un modèle de création de valeur : c’est ce que les grandes plateformes de la musique ont réussi à créer. Ce qu’il faut, aujourd’hui, c’est se pencher sur le partage de la valeur.
  • Jean-Noël Tronc - ©  Seb Lascoux
    Si la gestion collective n’existait pas, il faudrait l’inventer. La Sacem en France collecte des droits pour ses membres - auteurs, compositeurs, éditeurs, auteurs-réalisateurs du monde entier, c’est-à-dire des millions d’ayants-droit - mais aussi pour des membres de l’Adami, de l’ADAGP, de la SCAM, etc. C’est un système dans lequel nous essayons de mutualiser les moyens, les réseaux de collecte. L’enjeu est aussi de simplifier la vie de gens qui utilisent la musique de nos membres et ainsi s’enrichissent grâce à nous.
  • Si aujourd’hui la question est le partage de la valeur, la vraie menace dans un environnement globalisé et numérique, est qu’on ne maintienne pas un certain nombre de règles d’équité.  Il est ainsi inadmissible qu’un président d’une chaîne privée de télévision demande une baisse de 30 % de la rémunération de nos sociétaires. J’espère que le gouvernement et le Parlement feront une exigence de départ de maintenir la défense des créateurs.
  • En ce qui concerne la diversité culturelle, Hervé Rony a raison de rappeler la baisse des exigences de quotas européens. Or la musique est la première des industries qui, après le jeu vidéo, a failli mourir du piratage. La musique a inventé le modèle légal, payant ou gratuit, qui permet de créer de la valeur - le streaming. Et pourtant, quand les Européens se sont mis d’accord sur les 30 % de création européenne sur les réseaux numériques, ils ont encore oublié la musique.
  • On ne va évidemment pas réguler les playlists des abonnés de Spotify ou Deezer, mais quand une plateforme éditorialise un certain nombre de playlists, elle ne fait rien d’autre que ce que fait une station de radio. Je rappelle que les quotas radio ont été inventés par l’Australie en 1942, pour se défendre de la toute-puissance des industries américaine et britannique de la musique. Depuis un an, l’industrie de la musique australienne, unie, a lancé le débat sur l’augmentation des quotas de productions australiennes à la radio et sur leur apparition dans le streaming.
  • La nouvelle loi audiovisuelle devra apporter une réponse pour les industries culturelles aujourd’hui et à court terme. Mais aussi se poser la question de demain. La perte de souveraineté de l’Europe est faite. Mais si Netflix, Disney, Fox, Amazon et quelques autres continuent d’imposer le buyout Contrat forfaitaire libératoire du droit d’auteur , qui est une négation du droit d’auteur, alors ce sera le modèle mis en place en Europe et dans une grande partie du monde depuis deux siècles qui peut être mis à bas. Or il y a aujourd’hui, tant chez les cinéastes que chez les scénaristes et les compositeurs de musique de film, des contrats proposés - et acceptés - en buyout. C’est le vrai débat. »

    Jean-Noël Tronc

« L’enjeu urgent, pour les sociétés de gestion collective en France, est de se rassembler et de mettre en partage des outils et des valeurs » (Bruno Boutleux)

  • « Jean-Claude Juncker avait commencé son mandat en disant qu’il fallait briser les barrières nationales du droit d’auteur. Un sursaut remarquable des parlementaires européens a permis d’inverser cette tendance. C’est le droit d’auteur tel que nous le concevons qui l’a emporté. Le lobbying intense de Google les a aussi probablement interrogés sur le rôle qui pourrait être le leur s’ils décidaient d’y céder.
  • Tout cela pour rappeler que la directive DAMUN Droit d’auteur dans le marché unique numérique vient dans un monde de la création qui, tout au moins en France, est extrêmement protégé. Je suis très heureux d’avoir un environnement législatif aussi protecteur et aussi ancien - depuis la loi de 1957, puis dans les années 1980 la réglementation de la copie privée (cette rémunération est un élément important du financement de la chaîne, des producteurs aux auteurs et aux artistes interprètes, mais aussi de la culture dans son ensemble puisque 25 % des sommes perçues doivent être affectées à des actions culturelles), la directive de 2011 qui a étendu la durée des droits et notamment des droits voisins tant pour les producteurs de la musique enregistrée que pour les artistes interprètes de la musique…
  • Encore plus près de nous, la loi Création a consacré un certain nombre de mécanismes de rémunération, et notamment dans la problématique de partage de la valeur. Elle a dit deux choses : extension au webcasting Diffusion de contenus sous forme de flux sur Internet d’une licence légale qu’on connaissait bien dans la radio, et par ailleurs une garantie de rémunération minimale pour les artistes interprètes au titre de l’exploitation des enregistrements diffusés par streaming.
  • Enfin, la directive Droit d’auteur votée très récemment et qui universalise le principe de la rémunération proportionnelle - le mécanisme de partage de la valeur qui est le plus équitable possible.
  • Bruno Boutleux - ©  Seb Lascoux
    Voici pour le tableau législatif idyllique. Mais qu’en est-il de la réalité ? Pour la copie privée, chaque adoption de barème fait l’objet de nombreux recours de la part des industriels de la copie privée qui ralentissent considérablement leur mise en œuvre. La loi Création de 2016 met en place deux mécanismes de rémunération. Or, sur la rémunération équitable sur le webcasting Diffusion de contenus sous forme de flux sur Internet , nous sommes trois ans après l’adoption de la loi, dans un univers où les évolutions technologiques et les usages évoluent à une vitesse accélérée et il n’y a pas de barème de rémunération adopté pour les artistes et les producteurs en raison de recours lancés non par les redevables, c’est-à-dire les radios, mais par les producteurs phonographiques qui doivent être les bénéficiaires de cette rémunération. Sur la garantie de rémunération minimale, nous sommes deux ans après la fin des négociations mais il n’y a toujours pas de garantie de rémunération mise en place.
  • Nous avons un arsenal législatif formidable mais certains des acteurs de l’écosystème en bloquent la mise en œuvre et conduisent à des situations parfois ubuesques. Et, souvent, la victime est l’auteur ou l’artiste interprète, la partie visible de cette chaîne de la création.
  • Qu’en est-il aujourd’hui ? Les études que nous avions produites à l’Adami sur la rémunération au titre de la diffusion de leurs œuvres sur Internet sont toujours valables. Sur un abonnement à 9,90 euros sur Deezer ou Spotify, les artistes se partagent 46 centimes.
  • Il suffit de 11 passages radio, 100 albums vendus mais 1 million de vue sur YouTube pour atteindre 100 euros de rémunération pour un artiste interprète.
  • Je suis ravi d’avoir entendu de mes collègues des sociétés d’auteur des propos laudateurs sur la gestion collective. Mais le problème de la gestion collective est qu’elle est présentée, du point de vue du droit d’auteur, comme le nec plus ultra de l’adaptation à l’exploitation massive que permet le numérique et, du point de vue des droits voisins, du côté notamment des producteurs, elle est encore vécue comme un pis aller, comme l’ultime recours si véritablement on ne peut pas faire autrement et si seulement la loi y oblige.
  • On a aujourd’hui un souci de partage de la valeur. Et ce souci de partage de la valeur pourrait être partiellement résolu si nous avions ensemble des valeurs partagées. Ces valeurs ne sont en effet pas encore partagées, ce qui se voit encore dans l’organisation des sociétés de gestion collective : là où les anglo-saxons sont souvent pragmatiques avec une seule société de gestion collection pour gérer perception et rémunération des producteurs, des éditeurs, des auteurs et des interprètes, tant pour le droit d’auteur que pour les droits voisins, nous en avons cinq en France. 2,7 milliards d’euros de droits d’auteurs collectés dans notre pays, divisés par 26 sociétés, cela fait 90 millions par société. Que peuvent et que pèsent ces sociétés face aux géants du numérique ? L’enjeu urgent, pour les sociétés de gestion collective en France, est de se rassembler et de mettre en partage des outils et des valeurs. »

    Bruno Boutleux

« Les 30 millions d’euros que YouTube apporte à la filière en France sont l’équivalent des achats de disques vinyle » (Alexandre Lasch)

  • « 2018 est la 3e année consécutive de hausse du marché de la musique enregistrée en France. Certes, cette hausse est  de 2 %, c’est-à-dire le niveau de l’inflation. Après 15 ans de crise du disque, nous avons perdu 60 % de notre chiffre d’affaires. Le phénomène est donc enrayé, s’il n’est pas effacé.
  • La hausse est portée par le streaming audio par abonnement, c’est-à-dire Deezer, Spotifiy, Apple ou Qobuz. C’est l’abonnement qui porte la valeur. YouTube représente peu sinon rien dans l’assiette des revenus des producteurs et des artistes.
  • Quand un utilisateur moyen dépense 18 $ par an sur Spotify, il dépense 1$ pour YouTube.
  • Pourtant, YouTube est la première plateforme d’écoute de la musique en ligne - plus de 50 % du temps passé à écouter la musique, les trois quarts des internautes écoutant de la musique en passant par YouTube.
  • Les 30 millions d’euros que YouTube apporte à la filière en France sont l’équivalent des achats de disques vinyle.
  • Ce value gap s’est opéré au fil des années. Aujourd’hui, l’objectif est de donner du pouvoir aux ayants-droit, de rééquilibrer le rapport de forces.
  • Derrière la transposition, il y a la négociation. Il y a matière à doubler les revenus que les producteurs et donc les artistes tirent de YouTube.
  • Le piratage, contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, n’a pas disparu. Il prend un nouveau visage avec le convertisseur de liens ou stream reaper, qui permet de générer un fichier à partir d’une adresse YouTube. Cette problématique recouvre la majorité du piratage aujourd’hui : un jeune de moins de 25 ans sur deux y a recours.
  • Or il ne serait pas difficile à YouTube d’identifier et de bloquer les pirates. La directive Droit d’auteur peut l’obliger à prendre des mesures contre ce piratage.
  • Alexandre Lasch / Think 2019 - ©  Seb Lascoux
    Le streaming a longtemps été vécu comme n’apportant pas grand-chose aux artistes, ou en étant perçu qu’avec un effet retard, notamment pour les artistes issus des répertoires adultes. Les plateformes étant jeunes et s’adressant d’abord à un public jeune, ce format implique un effet loupe sur les musiques urbaines. Mais il y a deux bonnes nouvelles : grâce aux mécanismes de recommandation mis en place par les plateformes de streaming, les jeunes n’écoutent pas que de la musique urbaine. Sur Spotifiy, un utilisateur de moins de 25 ans écoute en moyenne 7 genres musicaux différents. Par ailleurs, le streaming se développe dans toutes les tranches de la population : un abonné sur qautre a plus de 55 ans - et ce n’est pas seulement un parent qui prend l’abonnement pour ses enfants, c’est un utilisateur lui-même.
  • La question de la diversité musicale est extrêmement importante pour nous et va pouvoir se régler au fur et à mesure que l’usage s’étend.
  • Pour répondre à Bruno Boutleux, il y a beaucoup de choses sur le webcasting, sur la garantie de rémunération minimale, qui sont issues de la loi de 2016. Effectivement, les producteurs ont introduit des recours sur l’extension de la licence légale au webcasting parce qu’on porte atteinte à un droit de propriété. Surtout on a pu démontrer que la fixation par une commission administrative des tarifs produisait quelque chose de moins bon que ce que les acteurs du marché pouvaient négocier.
  • Sur la question des rémunérations minimales, un accord a été négocié, signé puis dénoncé par les syndicats d’artistes. Nous sommes actuellement en négociation sur cette question avec ces syndicats. Cela prend du temps. »

    Alexandre Lasch

Parcours

Adami
Directeur général
ALCA Nouvelle-Aquitaine
Président
JM France (JMF)
Directeur général
Fonds pour la Création Musicale (FCM)
Directeur
CIR (Centre d’information du rock et des variétés)
Directeur
CIR (Centre d’information du rock et des variétés)
Directeur du FAIR (Fonds d’action et d’initiative pour le rock)
Société Turbulences
Entrepreneur de spectacles

Fiche n° 191, créée le 17/10/2013 à 14:19 - MàJ le 05/07/2023 à 13:55

Parcours

2e circonscription de la Meuse
Députée (Écologie, démocratie, solidarité)
Assemblée nationale
Vice-présidente de la commission des finances
Ministère de la Culture
Mission de préfiguration du CNM
Ministère de la Culture
Conseillère chargée des affaires européennes, internationales et du numérique auprès d’Audrey Azoulay
Ministère de la Culture
Conseillère chargée du financement de la création, du développement de l’offre légale et du droit d’auteur auprès de Fleur Pellerin
Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC)
Directrice adjointe en charge du budget et des financements
Ministère des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Economie numérique
Conseillère juridique et fiscale du ministre
Autorité des marchés financiers
Service des enquêtes
Ministère de l’Economie et des Finances
Direction de la législation fiscale
Direction générale des Finances publiques
Direction des Vérification Nationales et Internationales

Fiche n° 5707, créée le 03/09/2014 à 11:10 - MàJ le 17/06/2022 à 17:38

Marie-Anne Ferry-Fall


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Parcours

Sorimage
Présidente
AVA (Arts visuels associés)
Présidente

Fiche n° 1594, créée le 07/02/2014 à 11:49 - MàJ le 11/09/2024 à 17:32

Alexandre Lasch


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Parcours

Syndicat National de l’Édition Phonographique (SNEP)
Responsable des affaires juridiques et sociales
SDRM
Rédacteur juridique, en charge du droit de reproduction, au sein du département juridique
SDRM
Chargé de mission au sein de l’équipe en charge des autorisations Internet , au département reproduction, Internet, médias
SDRM
Chargé de mission au sein du service vidéo du département reproduction, Internet, médias

Fiche n° 435, créée le 24/10/2013 à 18:54 - MàJ le 27/06/2024 à 14:56

Hervé Rony


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Parcours

Le FAIR
Président
Centre Français d’exploitation du droit de Copie (CFC)
Président du Comité
RTL
Conseiller auprès de la direction générale pour les affaires juridiques
Maxximum
Directeur général
Maxximum
Responsable des affaires juridiques

Fiche n° 178, créée le 16/10/2013 à 13:22 - MàJ le 16/07/2024 à 09:35

Parcours

Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE)
Fédérateur des industries culturelles et créatives
Centre national d’enseignement à distance (Cned)
Directeur général
Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA)
Membre
Canal Plus Overseas
Président directeur général
Orange France
Directeur général
Orange Réunion
Président du conseil d’administration
Orange
Directeur de la stratégie et de la marque
Chef du Gouvernement - Hôtel de Matignon
Conseiller pour les technologies et la société de l’information
Centre d’Analyse Stratégique
Chargé de mission réseaux de la société de l’information

Établissement & diplôme

Essec Business School (Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales)
Diplômé

Fiche n° 138, créée le 02/10/2013 à 18:33 - MàJ le 08/07/2024 à 10:17


© News Tank Culture - 2024 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »

©  Seb Lascoux
©  Seb Lascoux