Think Culture 2017 : « La fusion des opérateurs culturels n’aurait pas de sens » (Arnaud Littardi)
« Le changement de perspective que nous essayons de mettre en application est de travailler non plus seulement sur des centres mais surtout sur la constitution de réseaux. Le Sodavi
Schéma d’orientation pour le développement des arts visuels
en est un excellent exemple. Nous systématisons la démarche de cartographie pour cibler les points forts et les faire travailler ensemble. Nous évitons les fusions car elles n’ont pas de sens. Ce n’est pas parce qu’il n’y a qu’une seule région qu’il y aura un seul lycée, un seul théâtre. La fusion est une problématique administrative mais, en ce qui concerne les opérateurs, il n’y a aucune raison pour que nous appliquions ce processus. Au contraire, il faut jouer de la diversification et essayer de faire travailler tout le monde ensemble », déclare Arnaud Littardi
Président du CA @ Ensap Bordeaux • Directeur @ DRAC Nouvelle-Aquitaine
• Diplômé de l’École normale supérieure
• Agrégé de Lettres classiques
• Chevalier de l’Ordre des arts et des lettres
, DRAC
Directeur/directrice régional(e) des affaires culturelles
Nouvelle-Aquitaine, lors de l’atelier « Les nouvelles grandes régions : quelles politiques culturelles ? », organisé dans le cadre de Think Culture
Événement dédié à l’innovation dans le pilotage de la culture, organisé par News Tank Culture
2017 à l’université Paris-Dauphine le 05/09/2017.
« Sur la culture, la notion de compétence partagée est à travailler. Dans le contexte budgétaire actuel, tout le monde ne peut pas continuer à tout faire. Nous questionnons actuellement les départements sur ce sujet. Il reste un travail important à effectuer avec les intercommunalités car, aujourd’hui, beaucoup se réfugient derrière le fait de ne pas avoir la compétence culturelle. Or, à l’échelle d’une politique régionale, les intercommunalités sont un des échelons de travail pour créer de la proximité, pour être vigilant à l’égalité des territoires et pour faire un travail structurant en profondeur. La transversalité des politiques régionales est également un enjeu très important. Il faut mettre en place une lecture non plus sectorielle mais d’objectifs et transversale de l’intervention publique. C’est comme cela que nous arriverons à créer une cohésion dans nos territoires », ajoute Emmanuelle Dormoy
Chargée de la culture et des monuments historiques @ Ville de Caen
, vice-présidente chargée de la Culture au conseil régional de Normandie.
News Tank rend compte des échanges.
Intervenants
- Emmanuelle Dormoy, vice-présidente chargée de la Culture au Conseil Régional de Normandie
- Arnaud Littardi, DRAC Nouvelle-Aquitaine
- Catherine Texier, co-directrice du FRAC Limousin
- Modération : Calixte de Procé, News Tank Culture
« La transversalité des politiques régionales est un enjeu très important » (Emmanuelle Dormoy)
- « Concernant la fusion des régions, nous sommes encore en questionnement. C’est un chantier très vaste. Même si la Normandie ne fait pas partie des régions problématiques en termes de périmètre territorial, néanmoins, elle doit réfléchir à des problématiques que connaissent toutes les nouvelles régions.
- Plus les frontières s’élargissent, plus le dialogue et le lien sont importants dans le cadre de nos réflexions. C’est pourquoi en Normandie nous avons très rapidement mis en place des instances de travail partagées pour aborder des questions fondamentales en espérant une efficience maximale.
- La succession des réformes territoriales est déstabilisante pour les territoires. Nous assistons à une addition de mouvements, aussi bien à l’échelle des régions que des intercommunalités, des agglomérations, des métropoles ou encore des communautés urbaines.
- Ces décisions ont été prises de manière autoritaire. Les régions manquent d’une réflexion de fond. Or, c’est un échelon très important. Son périmètre implique un rôle fédérateur, d’animateur du territoire.
- La notion de cohérence est un enjeu essentiel. Nous sommes dans une problématique de construction de nouveaux territoires. Nous avons souhaité être dans l’appropriation, considérer cette fusion comme une opportunité. Ce nouveau territoire implique un temps de questionnement et donne l’occasion de poser à plat certaines choses.
- Nous avons effectué un diagnostic de l’existant à l’échelle des deux régions qui ont fusionné et avons défini des objectifs politiques stratégiques.
- Nous nous sommes vite aperçus que le périmètre régional suppose la concertation et la coopération avec les autres territoires et les autres collectivités. La notion de compétence partagée a été posée, elle a été entendue par tous mais elle est complexe.
- Sur la culture, cette notion de compétence partagée est à travailler. Dans le contexte budgétaire actuel, tout le monde ne peut pas continuer à tout faire. Nous questionnons actuellement les départements sur ce sujet.
- Il reste un travail important à effectuer avec les intercommunalités car aujourd’hui, beaucoup se réfugient derrière le fait de ne pas avoir la compétence culturelle. Or, à l’échelle d’une politique régionale, les intercommunalités sont un des échelons de travail pour créer de la proximité, pour être vigilant à l’égalité des territoires et pour faire un travail structurant en profondeur.
- La transversalité des politiques régionales est également un enjeu très important. Il faut mettre en place une lecture non plus sectorielle mais d’objectifs et transversale de l’intervention publique. C’est comme cela que nous arriverons à créer une cohésion dans nos territoires.
- Je pense qu’aujourd’hui nous arrivons à un point de saturation de la décentralisation qui, en France, n’est toujours pas réellement assumée. »
Emmanuelle Dormoy, vice-présidente chargée de la Culture au conseil régional de Normandie
« Mettre les différents secteurs culturels en réseaux » (Arnaud Littardi)
- « La réforme territoriale est arrivée à un moment où il y avait un questionnement sur les politiques culturelles.
- Ce processus de fusion nous amène à reposer, dans un cadre différent, les questions sur les politiques culturelles.
- La région Nouvelle-Aquitaine est immense, issue de la fusion de trois anciennes régions. Avec une étendue de ce type, j’essaie de m’enraciner sur le terrain aussi souvent que possible.
- Le premier enjeu est celui de la proximité vis-à-vis de nos partenaires. Nous avons mis en place une organisation administrative tout en gardant des interlocuteurs de proximité. Mais le DRAC Directeur/directrice régional(e) des affaires culturelles ne peut plus être partout. Cela crée une frustration dans certaines collectivités.
- L’autre enjeu est la transversalité. C’est un combat permanent.
- Les trois anciennes régions étaient différentes et la façon de travailler des trois anciennes DRAC était adaptée aux territoires et aux besoins des populations. Ces différences sont justifiées. Nous sommes obligés d’harmoniser mais il faut éviter de tomber dans l’excès, à savoir l’uniformisation. Il faut accepter les différences.
- Il faut essayer, avec l’harmonisation nécessaire, de sortir par le haut, en compilant tout ce qu’il y a de bien dans les anciennes régions. La difficulté est que cela a un coût. Si nous voulons étendre à tout le nouveau territoire ce qu’il y a de mieux dans chaque ancienne région, cela équivaudra à une augmentation de budget de 50 %. Nous ne pouvons donc pas effectuer cette opération brutalement, mais il faut toujours l’avoir en perspective.
- Le changement de perspective que nous essayons de mettre en application est de travailler non plus seulement sur des centres mais surtout sur la constitution de réseaux. Le Sodavi Schéma d’orientation pour le développement des arts visuels en est un excellent exemple.
- En Nouvelle-Aquitaine, nous essayons de mettre les différents secteurs culturels en réseaux : les musiques actuelles, les musiques savantes, le théâtre, les marionnettes… Nous systématisons la démarche de cartographie pour cibler les points forts et les faire travailler ensemble.
- Nous évitons les fusions. Ce n’est pas parce qu’il n’y a qu’une seule région qu’il y aura un seul lycée, un seul théâtre. La fusion est une problématique administrative mais, en ce qui concerne les opérateurs, il n’y a aucune raison pour que nous appliquions ce processus. Au contraire, il faut jouer de la diversification et essayer de faire travailler tout le monde ensemble.
- Nous ne sommes pas du tout dans une logique d’économie mais plutôt dans une logique de meilleure performance au service de la démocratisation culturelle et du citoyen.
- Les villes petites et moyennes sont celles qui sont le plus en danger sur le territoire de la Nouvelle-Aquitaine. Aujourd’hui, il est plus rapide d’aller à Paris depuis Bordeaux qu’à Pau ou à Limoges. C’est un problème. Environ 20 % de la population régionale est concentrée dans l’aire urbaine de Bordeaux. Le défi est de maintenir des villes petites et moyennes en équilibre. C’est là que se trouve l’avenir du maillage à peu près équilibré pour notre politique culturelle. »
Arnaud Littardi, DRAC Directeur/directrice régional(e) des affaires culturelles Nouvelle-Aquitaine
« Les responsables politiques ont plus que du mal à défendre des projets culturels » (Catherine Texier)
- « La réforme territoriale et les enjeux qu’elle implique arrive à une période où les structures, les réseaux, les artistes s’interrogeaient pour réinventer de nouveaux modèles fondés sur la création.
- J’évolue dans un secteur très fragile, qui n’a pas la même structuration que les autres disciplines qui composent le secteur culturel.
- Au moment de la réforme territoriale, nous avons commencé à regarder comment agir au mieux dans une région qui allait avoir trois FRAC Fonds régional d’art contemporain , trois collections, trois modes d’actions et trois projets artistiques et culturels très différents les uns des autres. Ces trois FRAC Fonds régional d’art contemporain n’avaient pas fait de coproductions ensemble. Ces trois structures ont donc à faire plus que cohabiter dans cette nouvelle grande région.
- Un groupe de travail s’est rapidement mis en place : le Sodavi Schéma d’orientation pour le développement des arts visuels . Cette concertation, à l’échelle de la grande région, devait nous permettre de faire émerger plusieurs ambitions.
- Les responsables politiques ont plus que du mal à défendre des projets culturels, à mettre sur la table une politique culturelle ambitieuse. Dans le même temps, nous voyons chaque jour grandir les besoins de la population.
- Aujourd’hui, si les structures des arts visuels se retiraient totalement des partenariats avec l’éducation nationale, la place de la création contemporaine dans les établissements scolaires serait réduite.
- Les acteurs culturels ont une place très importante et dialoguent chaque jour avec la population. On demande beaucoup au secteur culturel. C’est certainement une bonne chose mais il y a aujourd’hui un paradoxe entre cette difficulté qu’ont les élus à porter des projets culturels et les besoins de la population.
- Le Sodavi vient cristalliser ce que les acteurs voyaient sur le terrain et la création d’un espace de travail avec les partenaires publics à tous les niveaux.
- Cette concertation a produit un mouvement très intéressant à l’échelle de notre secteur, que ce soit du point de vue des FRAC ou des centres d’art que du point de vue des artistes.
- Les deux grands axes autour desquels nous avons articulé la concertation étaient la question du travail de l’artiste et la question du développement territorial avec toutes ces déclinaisons.
- Nous arrivons en fin de concertation et avons déterminé un inventaire articulé autour de onze grandes problématiques.
- Cette concertation est très utile pour nous permettre de travailler ensemble et pour porter aux côtés des partenaires publics des ambitions pour un secteur qui en a bien besoin.
- Sur le secteur des arts plastiques, nous ne pouvons pas dire que nous sommes en avance en termes d’innovation et de numérique. C’est un enjeu phénoménal à l’échelle d’une région. »
Catherine Texier Directrice @ FRAC-Artothèque Nouvelle-Aquitaine
, co-directrice du FRAC Fonds régional d’art contemporain Limousin
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