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Think Culture 2022 : « Notre public attend qu’on se conforme à une éthique » (Christophe Mali, Tryo)

News Tank Culture - Paris - Actualité n°263064 - Publié le 08/09/2022 à 09:40
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©  Seb Lascoux
Bertrand Dicale, Christophe Mali et Pierre Pauly - ©  Seb Lascoux

« Une nouvelle génération - y compris chez des artistes internationaux comme Billie Eilish - permet de faire avancer les choses comme Tryo l’avait fait. Mais le public aura toujours envie d’être émerveillé par une forme de gigantisme. C’est peut-être dans la conception et les outils utilisés que les choses vont avancer. (…) Les avancées technologiques amélioreront les choses, mais il ne faut pas s’attendre à ce que les artistes aient l’envie de n’avoir que trois lumières sur scène », déclare Pierre Pauly, directeur artistique des Francofolies de La Rochelle • Festival de musique créé en 1985 à La Rochelle (Charente-Maritime) par Jean-Louis Foulquier• Racheté par Morgane Productions en 2004• 41e édition, du 10 au 14/07/2025• 40e édition, du 10 au… , lors du débat « La fin de l’artiste star ? » dans le cadre de la 7e édition de Think Culture, dédiée à la transition écologique, le 06/09/2022 au Centre Pompidou (Paris 4e).

« En 2008, nous avons fait appel à l’Ademe Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie pour faire notre bilan carbone - le premier groupe à le faire en France, inspirés par des groupes internationaux qui l’avaient déjà fait. C’était assez simple, à l’époque, de prendre des initiatives nouvelles : en France, il n’y avait rien par rapport à l’écologie dans ce métier. (…) [Aujourd’hui], notre public est extrêmement conscientisé par rapport à l’écologie et attend de nous qu’on se conforme clairement à une certaine éthique », explique pour sa part Christophe Mali, chanteur du groupe Tryo.

News Tank rend compte des échanges.


« Quelque chose qui, à un moment donné, est totalement marginal, peut changer le regard et devenir la norme » (Christophe Mali)

  • Au début de Tryo, Guizmo et moi avions, pour résumer, une culture « écolo » en raison de notre éducation familiale à l’un et l’autre. Nous étions déjà sur ces sujets mais nous ne nous posions peut-être pas de questions sur ces problèmes quand nous sommes partis sur les routes avec L’Hymne de nos campagnes et le premier album de Tryo. Notre énergie était de jouer et de faire connaître le groupe coûte que coûte.
  • Mais quand nous avons signé avec une maison de disques (Sony Music, en 1999) et à être très connus, il a commencé à nous sauter aux yeux ce paradoxe de chanter l’écologie dans un secteur où rien n’était prévu dans ce sens. C’est pourquoi nous avons très vite collaboré avec des associations ou offert un stand à Greenpeace sur nos concerts pour prolonger ce que disait Tryo sur scène. Puis, en 2008, nous avons fait appel à l’Ademe pour faire notre bilan carbone - le premier groupe à le faire en France, inspirés par des groupes internationaux qui l’avaient déjà fait.  
  • C’était assez simple, à l’époque, de prendre des initiatives nouvelles : en France, il n’y avait rien par rapport à l’écologie dans ce métier. Et on nous considérait, de toute manière, comme les zadistes à cheveux longs et en pantacourt qui chantaient du reggae.
  • Il me parait intéressant que quelque chose qui, à un moment donné, est totalement marginal, puisse changer le regard et, si on s’en donne les moyens, devienne la norme. Vous vous souvenez des gobelets jetables en plastique partout dans tous les concerts. Il y a une douzaine d’années, nous avons été un des premiers groupes à faire des Ecocup pour notre tournée, et les salles nous regardaient avec des yeux ronds. Nous avons fait fabriquer des verres en plastique réutilisables avec notre nom. Nous avions engagé quelqu’un qui faisait la tournée dans un camion avec des gobelets et des lave-vaisselle. Et comme beaucoup de gens gardaient les gobelets, l’argent des consignes finançait en partie cet emploi. Nous avons contribué à insuffler cette idée chez les salles et les festivals. 
    Christophe Mali - ©  Seb Lascoux
  • On a essayé aussi de lancer le covoiturage. Notre bilan carbone nous avait révélé que la plus grosse part des émissions de Co2 venait du public. Alors, en 2012, nous avons mis en place un site dédié. Si les spectateurs partageaient une voiture, ils pouvaient avoir une place gratuite. Un échec total. Les gens n’étaient pas prêts au covoiturage.
  • Nous avons mené des actions simples pour résoudre ou tout au moins relever ce paradoxe. Et encore aujourd’hui en tournée, nous avons des demandes sur nos riders qui sont assez simples par rapport aux circuits courts, au tri sélectif, au catering, et nous faisons très attention au routing.
  • Mais, très clairement, toutes ces actions ont leurs limites. On a beau avoir une conscience et une éthique, il y a un certain nombre de paradoxes que l’on n’arrive pas à résoudre.

    Christophe Mali

« Si l’on pose des questions aux producteurs et aux artistes, ils repensent leur modèle » (Pierre Pauly)

  • Un festival qui n’est pas vigilant sur ces questions serait  isolé aujourd’hui. Beaucoup de festivals se regroupent en associations pour essayer de limiter l’impact écologique. Mais, du fait qu’un public se déplace pour des artistes venant de plus ou moins loin, on peut difficilement atteindre un bilan neutre sur un festival.
  • Aujourd’hui, ces questions sont très prégnantes au sein des équipes des festivals, notamment aux Francofolies. Il ne s’agit pas seulement d’une démarche du festival mais de nos propres valeurs personnelles. Les équipes n’imagineraient plus travailler sur un festival qui ne mettrait pas tout en œuvre pour limiter son impact.
  • On remarque aussi que si l’on pose des questions aux producteurs et aux artistes, ces interrogations leur permettent mécaniquement de repenser leur modèle. Par exemple, quand je programme un artiste, je demande systématiquement comment il va se déplacer. Nous n’en sommes pas à faire des choix en fonction de ce critère mais le fait de poser la question induit une réflexion. Et des décisions sont bien comprises, comme le fait de refacturer les repas qui ne sont pas consommés par les artistes pour éviter le gaspillage de nourriture.  
  • Il est évident qu’à La Rochelle, avec la gare et la proximité des hébergements, le public n’est pas obligé de reprendre sa voiture après les concerts. Nous avons des dispositifs de réduction de prix pour le TER, le bus ou le covoiturage. Le festival est certifié ISO Organisation internationale de normalisation 20121 depuis l’année dernière.
    Pierre Pauly - ©  Seb Lascoux
  • Le fait de programmer relativement peu d’artistes internationaux aux Francofolies réduit la trace carbone de la programmation, évidemment. A contrario, Motocultor est un festival de niche, forcément plus compliqué car les artistes n’ont pas la capacité de faire vingt concerts en France. Et, comme le public metal aime se rassembler pour découvrir des groupes tout au long de la journée, beaucoup d’artistes font l’aller-retour en avion et nous allons les accueillir à l’aéroport de Nantes avec un runner.
  • D’ailleurs, on ne peut pas toujours invoquer des clauses d’exclusivité. Beaucoup de managements d’artistes internationaux décident de trente dates de concerts en Europe - deux en Suède, trois en France, trois en Allemagne… Dans le meilleur des cas, ce sont des tournées européennes en tour bus. Mais c’est encore beaucoup de voyages.

    Pierre Pauly

 

« Le public aura toujours envie d’être émerveillé par une forme de gigantisme » (Pierre Pauly)

  • Nos demandes sont toujours à peu près les mêmes. Mais on se rend compte qu’il y a déjà une conscience écologique dans la plupart des festivals qui nous programment. Parfois, des choses ne sont pas prévues dans ce qui est proposé à tous les artistes, comme le locavore, mais nous l’obtenons sans peine.
  • Puisque l’on parle d’artiste star, il faut faire attention à la portée de certaines demandes. Beaucoup de festivals ont des runners en véhicule électrique. Mais, en tant qu’artiste, peut-on l’exiger de festivals associatifs qui n’en n’ont pas forcément les moyens ?
  • Le contexte a son importance, dans la situation présente. Par exemple, nous avions beaucoup travaillé sur le routing intelligent de notre tournée prévue en 2020. Le Covid a tout bouleversé. Avec les reports et les reports des reports, nous en sommes venus à faire ce que nous refusions. Nous avions prévu en outre-mer une tournée au routing très rationnel ; finalement, pour aller partout où nous nous étions engagés à le faire, nous avons dû voyager de Paris à chaque territoire séparément.
  • Le monde du live vit une situation difficile actuellement et nous, qui sommes nos propres producteurs, devons accepter des choses que l’on aurait refusées autrement - traverser la moitié de la France pour une date, par exemple. Et encore, Tryo est un groupe avec un public et une certaine solidité, ce qui n’est vraiment pas le cas de beaucoup d’artistes.

    Christophe Mali

  • On ne va pas se voiler la face : les shows sont de plus en plus gros. Ce n’est pas contradictoire : ils sont à la fois plus gros mais mieux pensés. Le décor de Clara Luciani, par exemple, est très impressionnant mais ne demande pas un convoi de semi-remorques. Donc on peut faire plus beau sans faire plus coûteux.
  • Mais, sur les Francofolies, on fait entrer au chausse-pied une importante programmation dans un cadre technique serré. Il n’est pas facile d’avoir toujours des enchaînements fluides entre les besoins techniques et les envies des artistes. Nous nous demandons si nous n’allons pas, à un moment donné, avoir un traitement égal à artiste égal. Nous y travaillons déjà, d’une certaine manière, puisque tout le monde arrive sur une scène avec le son et les lumières installés, en apportant seulement des éléments scénographiques. Et cela fait qu’une tournée des festivals est moins coûteuse qu’une tournée en salles.

    Pierre Pauly
  • Spectateur, j’aime les scénographies de Coldplay, par exemple. Mais quand on voit la débauche de moyens dans certains festivals pour une heure de jeu, je n’adhère pas du tout. Pourquoi des murs de LED diode électroluminescente installés uniquement parce qu’on pense que le public veut de l’image ? Je ne sais pas…
  • Avec Tryo, même pour Bercy, nous tournons maintenant avec des choses extrêmement simples qui peuvent être conservées sur les festivals. Notre public est extrêmement conscientisé par rapport à l’écologie et attend de nous qu’on se conforme clairement à une certaine éthique.

    Christophe Mali

  • Il est clair qu’une nouvelle génération - y compris chez des artistes internationaux comme Billie Eilish - permet de faire avancer les choses comme Tryo l’avait fait. Mais le public aura toujours envie d’être émerveillé par une forme de gigantisme. C’est peut-être dans la conception et les outils utilisés que les choses vont avancer. On le voit bien dans le matériel lumière, chaque année de moins en moins énergivore et de plus en plus léger, comme avec les grappes de son de plus en plus petites et directionnelles. Je pense que les avancées technologiques amélioreront les choses, mais qu’il ne faut pas s’attendre à ce que les artistes aient l’envie de n’avoir que trois lumières sur scène.
  • Mais il y a une vraie prise de conscience, notamment du côté du public. Quand on intervient dans des collèges et lycées, les premières questions vont vers la maîtrise de l’impact écologique, comme vers les questions de parité. On ne pourra pas revenir en arrière.

    Pierre Pauly

Christophe Mali


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Parcours

Tryo
Membre fondateur, chanteur, guitariste, accordéoniste, pianiste
Groupe Boulevard des airs
Metteur en scène

Fiche n° 46493, créée le 20/06/2022 à 12:59 - MàJ le 24/08/2022 à 09:28

Pierre Pauly


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Parcours

Francofolies de la Rochelle
Directeur artistique
Ora Management & Publishing (Ezekiel, Cult Of Luna, Angélique Ionatos…)
Cofondateur
L’Echonova
Chef de projet puis programmateur/directeur
Jardin du Michel
Directeur artistique
Prodige Music
Assistant de direction

Fiche n° 33093, créée le 24/10/2018 à 09:03 - MàJ le 10/06/2024 à 19:07

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Bertrand Dicale, Christophe Mali et Pierre Pauly - ©  Seb Lascoux