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« Acquérir du public chinois coûte a minima 25 K€ à 50 K€ annuels » (Caroline Paul, Talents Travel)

Paris - Interview n°127480 - Publié le 29/08/2018 à 17:20
©  Talents Travel
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« Le tourisme chinois fait face à une importante mutation. En 2015, étaient comptabilisés 80 % de touristes en groupes et 20 % de touristes individuels, alors qu’aujourd’hui nous tendons vers le ratio inverse. Les lieux culturels doivent toucher des millennials Enfants du millénaire, nés entre le début des années 1980 et le début des années 2000  qui préparent seuls leur voyage en ligne via des OTA Online Travel Agencies  chinoises, exactement comme le font les jeunes européens ou américains. Néanmoins, l’approche numérique et culturelle n’est pas du tout la même. Les touristes chinois ont leur propre écosystème numérique et sont davantage sensibles aux contenus sur les personnages historiques ayant habité un monument que sur l’architecture du monument », déclare Caroline Paul Directrice générale @ Talents Travel
, fondatrice et directrice générale de l’agence de communication Talents | China Travels, à News Tank le 29/08/2018. 

« La France a pris tardivement conscience des spécificités des touristes chinois, et même si aujourd’hui quelques lieux culturels sont prêts à mettre en place des dispositifs adaptés d’autres problèmes se posent. Acquérir du public chinois coûte cher, ce n’est pas du tout la même chose qu’entrer sur le marché américain. Il faut compter a minima entre 25 000 à 50 000 € annuels pour se lancer sur le marché et garantir un retour sur investissement alors que le budget de certains établissements en la matière ne dépasse pas 5 000 €. En outre la communication française reste trop conservatrice par rapport à celle des Chinois, plus ludique », précise Caroline Paul. 

Domaines d’expertise et organisation de l’agence, spécificités des touristes chinois et de leur écosystème numérique, résistances des lieux culturels français, méthodes d’évaluation des résultats sur WeChat et Sina Weibo, projets de développement, Caroline Paul répond aux questions de News Tank, en amont de l’expert-room « Pourquoi et comment attirer les clients chinois ? », organisée lors de Think Culture à l’université Paris-Dauphine le 04/09/2018.

Pourquoi avoir créé Talents | China Travels en 2012 ? Avec quelles institutions travaillez-vous ?

Les châteaux de Chambord, Versailles et Fontainebleau ainsi que le CMN comptent parmi nos clients  »

L’agence a été fondée pour accompagner la transformation digitale des acteurs des industries du tourisme, de la culture et du luxe en France et les aider à acquérir et accompagner les touristes individuels des marchés émetteurs internationaux. Notre principale expertise reste néanmoins le marché chinois. Nous avons, en ce sens, implanté un bureau à Shanghai et recruté une dizaine d’employés chinois dans notre agence parisienne. Nous avons, entre autres, comme clients les châteaux de Chambord, de Versailles et de Fontainebleau, le CMN Centre des monuments nationaux et une fondation d’art contemporain, qui compte parmi ses cinq espaces culturels internationaux un lieu à Pékin. Nous venons également de gagner un appel d’offres pour accompagner la Région Centre-Val-de-Loire dans sa promotion des châteaux de la Loire auprès du public chinois.

Quelles sont les spécificités des touristes chinois ?

Le tourisme chinois fait face à une importante mutation. En 2015, étaient comptabilisés 80 % de touristes en groupes et 20 % de touristes individuels, alors qu’aujourd’hui nous tendons vers le ratio inverse. Les lieux culturels doivent toucher des millennials Enfants du millénaire, nés entre le début des années 1980 et le début des années 2000 qui préparent seuls leur voyage en ligne via des OTA Online Travel Agencies chinoises, exactement comme le font les jeunes européens ou américains. Néanmoins, l’approche numérique et culturelle n’est pas du tout la même que pour la plupart des touristes internationaux.

Tout d’abord, les touristes chinois, qui n’ont pas accès aux GAFA Google, Apple, Facebook et Amazon. à cause de la censure, ont leur propre écosystème numérique. Les deux principales plateformes sont Sina Weibo, premier réseau social chinois accessible à tous comme l’est un site Internet, et WeChat, plateforme sociale plébiscitée par un milliard d’utilisateurs, mais qui fonctionne avec des comptes fermés accessibles sur abonnement et qui nécessite de créer une communauté de followers.

Les touristes chinois ont leur propre écosystème numérique et ne sont pas sensibles aux mêmes contenus culturels que les autres touristes internationaux »

La deuxième spécificité est que le visiteur chinois prépare de façon assez minutieuse son voyage et qu’il n’est pas sensible aux mêmes contenus que les autres touristes internationaux. La différence culturelle est forte. Quand il visite un château, ce n’est pas l’architecture qui l’intéresse en premier lieu, mais plutôt l’histoire des personnages qui y ont habité, les anecdotes, la vie de la cour, les éléments vestimentaires de l’époque, etc. Par exemple, pour la communication autour du château de Fontainebleau, nous mettons largement en avant le couple impérial de Napoléon et Joséphine.

Rencontrez-vous des résistances pour convaincre les lieux culturels français de s’intéresser à ce nouveau type de public ?

La France a pris tardivement conscience des opportunités à saisir pour l’art et la culture dans le tourisme chinois »

La France a pris tardivement conscience des spécificités des touristes chinois, contrairement à d’autres pays comme le Royaume-Uni qui a su y voir les fortes opportunités pour l’art et la culture. Nous avons rencontré beaucoup de monuments et musées français qui n’envisageaient pas, voire qui excluaient, de cibler les touristes chinois dans leur stratégie, considérant encore que ces derniers ne s’intéressent pas à la culture et ne voyagent qu’en groupes, alors qu’il y a un véritable engouement des jeunes touristes chinois pour la culture et les musées.

Aujourd’hui, la situation évolue, quelques lieux culturels sont prêts à mettre en place des dispositifs adaptés mais d’autres problèmes se posent :

  • le manque de budget dédié : acquérir des publics chinois coûte cher, il faut adapter tout l’écosystème numérique, produire un storytelling action de raconter une histoire affinitaire adapté à leurs codes et à leurs attentes, pour pouvoir les séduire. Ce n’est pas du tout la même chose qu’entrer sur le marché américain. Certains établissements culturels français disposent d’un budget annuel de 5 000 € pour réaliser l’ensemble de ces missions alors qu’il faut compter a minima entre 25 000 à 50 000 € annuels pour se lancer sur le marché et garantir un retour sur investissement. Et il ne suffit pas d’ouvrir un compte sur Sina Weibo ou WeChat pour que ça marche. 
  • Les outils de communication français encore trop conservateurs : les lieux culturels chinois adoptent une communication totalement disruptive par rapport à celle de la France. L’enjeu est donc d’aller dans une communication plus ludique, moins traditionnelle, tout en respectant l’histoire de France. La Cité interdite de Pékin, par exemple, décline des jeux utilisant des mascottes des personnages historiques pour promouvoir son site.

Avez-vous des résultats chiffrés d’acquisition de nouveaux touristes ?

Il est trop tôt pour obtenir ce type d’informations, mais nous en disposerons fin 2019. Néanmoins nous disposons d’excellents taux d’engagement taux d’ouverture ou de clics sur les réseaux sociaux chinois. Ceux-ci sont des indicateurs-clés, car contrairement aux nombres de fans ou de vues, ils ne peuvent être gonflés par l’achat de fake followers ou views, via des systèmes de robots, qui se pratiquent beaucoup en Chine et qui sont utilisés par d’autres agences de communication pour abuser leurs clients.

Nous disposons d’excellents taux d’engagement - taux d’ouverture de contenu - indicateurs plus fiables que le nombre de followers ou de vues »

Nous sommes également capables de savoir quel sujet a le mieux fonctionné pour chacun de nos clients et d’adapter ainsi nos contenus au fil des posts. Par exemple, sur la période allant de janvier à juillet 2018, le taux d’engagement de nos clients « châteaux et musées » sur WeChat se situe entre 10 % et 17 % selon les établissements. Il est important de noter que, compte-tenu du contexte d’extrême concurrence sur WeChat, le taux d’ouverture moyen du marché est de 4,63 % et que nous le dépassons donc à chaque fois.

Quels sont vos projets de développement dans les prochaines années ?

Nous souhaitons accompagner les sites culturels dans le lancement de plateformes M-ticketing et développer des outils de médiation intégrés sur WeChat »

Nous souhaitons accompagner les sites culturels dans le lancement de plateformes M-ticketing Service de billets dématérialisés à télécharger sur son téléphone portable sur WeChat, à l’image du château de Chambord qui propose depuis août 2018 d’acheter ses billets en propre sur la plateforme. Là encore, une bonne connaissance du marché chinois est nécessaire pour que le dispositif fonctionne. Face aux tarifs très alléchants des agences de voyages chinoises, les monuments doivent envisager une véritable stratégie de l’offre.

Nous travaillons également à développer des solutions de revenus complémentaires (hors tickets) pour les sites et monuments d’exception, par exemple de nouveaux concepts de boutiques, pour leur permettre d’acquérir davantage de touristes chinois et d’augmenter leur panier moyen. Nous aimerions aussi développer des outils de médiation intégrés à WeChat, qui viendraient en complément des Histopads outils de médiation numérique développés par Histovery disponibles en chinois dans plusieurs monuments, pour apporter un contenu personnalisé et correspondant à la communication faite autour du site en amont.

Enfin, nous poursuivrons et approfondirons nos partenariats avec les acteurs-clés du marché chinois que sont Alibaba et Ctrip (qui représentent 85 % de part de marché du voyage en ligne chinois).

Caroline Paul

Email : cpaul@talentstravel.com

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Fiche n° 28862, créée le 15/02/2018 à 20:12 - MàJ le 29/08/2018 à 16:19

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