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MPSV 2016 : « La culture est de plus en plus réduite à son impact économique » (Xavier Bertrand)

Paris - Actualité n°73026 - Publié le 10/07/2016 à 13:36
©  Daniel Ripolin
©  Daniel Ripolin

« J’ai vraiment la conviction qu’un jour le FN peut gagner. (…) J’estime donc qu’il y a aussi un combat à mener contre le populisme, et ce dont se nourrissent les extrêmes, qui passe par la culture et l'éducation populaire. J’ai donc décidé de faire de la culture un axe central. Pour cela, il faut aussi des moyens, le budget alloué à la culture passera donc de 70 à 110 M€ à la fin du mandat », déclare Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, lors du débat « Création et démocratie, les nouveaux combats de la culture », organisé par le Syndeac Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles dans le cadre de la MPSV Maison professionnelle du spectacle vivant lors du Festival d’Avignon le 09/07/2016. « Dans les discours, la culture est de plus en plus réduite à son impact économique. Cela fait rentrer la culture dans une dimension très utilitariste. Le risque, à terme, est que les décisions et les soutiens aux acteurs culturels locaux soient uniquement fonction de la création d’emploi, ou des retombées économiques, et on aura perdu ce qui en fait la différence, la dimension purement culturelle », ajoute-t-il.

« La première difficulté que nous avons est le désengagement des collectivités. Il faut un pacte renforcé avec la République. Une collectivité a très vite fait de se désengager. On nous dit que c’est comptable, que les artistes ne sont pas pragmatiques…. Mais ce n’est jamais comptable, c’est toujours politique. Ce sont environ 100 M€ de retombées chaque année qui sont générées pour Avignon par le Festival. Ce ne sont pas les artistes qui sont hors sol mais les décideurs politiques qui se retrouvent à assassiner des trésors, comme la décentralisation qui en est un », déclare pour sa part Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon, lors de ce débat auquel participait également Jean-Paul Angot, directeur de la MC2 Grenoble et président délégué du Syndeac, Marie-Claire Martel, présidente de la Cofac Coordination des fédérations et associations de culture et de communication et membre du CESE Conseil économique, social et environnemental , Patrick Bloche, député, président de la commission culture de l’Assemblée nationale et rapporteur de la loi LCAP Liberté de création, architecture et patrimoine , et Jean-Luc Fichet, président de la communauté d’agglomération Pays de Morlaix.

« Il y a comme une rupture du pacte républicain » (Jean-Paul Angot)

  • « Un énorme travail a été réalisé cette année, autour de la loi LCAP Liberté de création, architecture et patrimoine , de l'évolution territoriale, avec arrivée des nouvelles grandes régions, ou encore de l’accord sur la convention Unédic dont le décret est attendu autour du 15 juillet prochain. Dans un climat relativement difficile et tendu, il y a néanmoins eu des avancées en matière d'émission et de confrontation de points de vue.
  • La question budgétaire a fait l’objet d’annonces favorables (budget de la culture en hausse de 5 % annoncé par François Hollande à Arles le 08/07/2016), mais j’ai la sensation que la variable d’ajustement reste la question artistique. L’atteinte centrale, irréductible et irrémédiable est la question de la baisse de l’intervention en matière artistique et ce sont, en premier lieu, les compagnies et les artistes qui souffrent de ces retraits.
  • Il y a comme une rupture du pacte républicain, comme si la question de l'évidence de la création artistique n'était plus à l’ordre du jour, comme si la question de la liberté de création et d’expression était en débat et en question. C’est cela l’enjeu.
  • Il y a une rupture de pacte qui s’installe, l’apparition évidente d’un populisme. Nous sommes juste au bord de quelque chose qui peut basculer. Quelle est la place de la création, de la parole libre dans ce contexte ?
  • La vision utilitariste de la culture oblige à une efficience stricte. La loi est la borne mais c’est l’intention qui nous intéresse. On ne peut pas laisser détricoter 60 ans de politique et de financements culturels croisés. La question utilitariste s’instille partout, quel que soit l'état d’esprit. »

« Une démocratie culturelle, est-ce une logique de la demande ? Je n’en suis pas certaine du tout » (Marie-Claire Martel)

  • « Notre société est en plein bouleversement. Nous sommes confrontés à des transformations économiques, environnementales, où les repères sont de plus en plus difficiles à trouver. Le monde est tellement complexe qu’il devient difficile à penser. Cela crée un boulevard pour le populisme et sa vision simplificatrice du monde. La meilleure réponse, c’est l’art et ce sont les artistes qui peuvent apporter cette réponse. Seuls l’art et l'éducation peuvent aider à l'émancipation, à la réflexion, à la concertation et à la prise de recul.
  • La démocratisation et la démocratie sont beaucoup questionnées. La démocratisation ? C'était un peu une logique de l’offre. Une démocratie culturelle, est-ce une logique de la demande ? Je n’en suis pas certaine du tout. Nous travaillons sur ces questions au CESE en ce moment.
  • Le besoin de participation des citoyens à la vie politique non politicienne est énorme.
  • Il y a aussi un souci au niveau des territoires et de la répartition des moyens. Et ce ne sont pas les mêmes problèmes dans les villages isolés et dans les grandes villes mais les associations, présentes partout, continuent à se battre pour que la culture puisse perdurer.
  • Aujourd’hui, la Cofac travaille principalement sur trois questions :
    • La démocratie culturelle, et les droits culturels inscrits dans la loi, ce qu’ils veulent dire et la réponse qu’ils peuvent constituer.
    • L'EAC Éducation artistique et culturelle , qui doit se faire tout au long de la vie, pour tout le monde et est un excellent moyen de faire société et de renforcer la cohésion sociale.
    • La pratique amateur. Notre position est que les artistes professionnels sont ceux au cœur d’un système. La pratique professionnelle sera en danger si la loi ne pose pas de limites claires. Si l’artiste professionnel disparaît, la transmission deviendra impossible. Or, sans transmission il n’y a plus de patrimoine. Les artistes professionnels portent aussi la création, qui est le patrimoine de demain. Sans artistes professionnels, dans quelques années il n’y aura plus aucun amateur. Il faut donc absolument préserver le salariat et la présomption de salariat. »

« Nous avons fait le fait le choix de positionner la culture comme étant un incontournable de nos actions et de nos réflexions » (Jean-Luc Fichet)

  • « La loi nous permet d’avancer et d’apporter un certain nombre de réponses.
  • Nous avons mis en œuvre le projet de territoire “Trajectoire 2025” qui fait le choix de positionner la culture comme étant un incontournable de nos actions et de nos réflexions.
  • Nous sommes dans une période où on compte de plus en plus l’argent. En tant qu'élu, on pourrait avoir le réflexe de baisser les aides aux associations, voire de les supprimer à celles qui ne seraient pas politiquement compatibles, et cela permettrait d'être sur des sujets plus visibles et plus immédiats.
  • Nous avons choisi une option totalement différente en travaillant à l'écriture d’un projet culturel partagé, portant sur le spectacle vivant et sur le patrimoine. Ce projet dit notre volonté de renforcer le partenariat avec l’ensemble du milieu associatif. Dans nos échanges, nous avons constaté que la création de Rues en scène (festival d’arts de la rue) au moment de la création de la communauté d’agglomération a véritablement permis de cimenter des liens entre les élus de cette agglomération, qui est constituée de territoires très divers.
  • C’est fort de cette idée que nous avons défendu le principe du partenariat avec le monde associatif et du projet culturel partagé. Nous en sommes à l'écrire avec 300 associations partenaires qui, pour la plupart, fonctionnent sans salariés, n’ont pas d’activités lucratives et pratiquent pour beaucoup le théâtre amateur. Et nous associons à l'écriture de ce projet l’ensemble de la population à travers la participation des associations et des élus municipaux. Cela nous permet de travailler à la définition de ce qu’est la vie culturelle d’une agglomération qui préserve la réalité de chaque commune, dans une trajectoire également départementale et régionale.
  • La co-construction doit aboutir à un moment à la décision et aux arbitrages. L’enjeu, la difficulté est là. »

« En un an, nous avons vraiment été amenés à co-construire la loi LCAP » (Patrick Bloche)

  • La loi LCAP du 07/07/2016 a été promulguée au JO le 08/07/2016. Le projet de loi avait été adopté en Conseil des ministres le 08/07/2015, il y a tout juste un an. Elle comportait alors 46 articles, après un an de travail des parlementaires, la loi est promulguée avec 119 articles. Nous avons vraiment été amenés à co-construire cette loi avec le gouvernement, mais aussi avec les organisations professionnelles, les syndicats et les associations.
  • La liberté de création y est consacrée, pour la première fois. Cela permet de la préserver des menaces qui pèse sur elle, mais aussi d’affirmer que la liberté de création ne doit pas être vue qu'à travers le prisme de la seule liberté d’expression d’idées ou d’opinion car créer c’est bien plus que cela. Il s’agit de préserver la démarche de création artistique en tant que telle.
  • La liberté de diffusion est affirmée et protégée aussi. La loi crée un délit d’entrave à ces deux libertés, assorti de sanctions allant jusqu'à 1 an de prison et 15 000 € d’amende. La loi doit avoir aussi un pouvoir dissuasif et une capacité de protection.
  • Elle définit aussi ce que sont les objectifs du service public de la culture, dans le respect des droits culturels définis par la convention de l’Unesco de 2005. Ce sont les missions que l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics culturels sont en charge de mettre en œuvre. 21 objectifs ont été définis.
  • Elle précise le rôle de la CTAP Conférences territoriales de l’action publique, instituées par la loi du 27/01/2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Elles établissent un pacte de… , qui est déterminante car elle donne la possibilité de créer une commission culture en son sein, mais cette possibilité sera vraisemblablement saisie par des élus déjà sensibilisés à l’intérêt de la création et de l’expression artistique, c’est pourquoi il a été ajouté que ces CTAP puissent inscrire au moins une fois par an les enjeux culturels dans le territoire déterminé à l’ordre du jour de ses travaux.
  • Elle traite des différents labels, des règles de nomination, des conventionnements, du renouvellement des générations artistiques, de la parité femmes-hommes, notamment. Les labels ne représente qu’un article sur 119. Cette loi est donc loin de ne concerner que les lieux labellisés, conventionnés, institutionnels.
  • À partir de la promulgation de la loi, un rapport devra être produit dans les six mois sur la possibilité d’instituer un 1 % travaux publics pour financer des projets artistiques et culturels dans l’espace public. L’espace public est un enjeu majeur pour l’accès de tous à la culture. Encore faut-il qu’elle soit financée, d’où l’idée de ce dispositif.
  • La loi crée un cadre et offre des potentialités. La CTAP crée un cadre entre élus certes. Mais elle a une capacité d’entraînement de financements croisés, de différents niveaux des collectivités territoriales. Cela n’empêche pas que toute collectivité a la possibilité de créer des structures, des conférences, qui associent citoyens, syndicats, associations. Ce n’est pas exclusif.
  • Je suis député depuis 19 ans, tantôt dans l’opposition, tantôt dans la majorité, et depuis 4 ans à la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation. Je n’ai jamais connu à l’Assemblée nationale sur le plan législatif une période aussi faste pour la culture.« 

 »La culture est de plus en plus réduite à son impact économique, cela la fait rentrer dans une dimension très utilitariste«  (Xavier Bertrand)

  •  »Je ne suis pas un élu qui avait l’image de s’intéresser aux questions culturelles et à la création. J’ai d’abord construit mon projet sur le travail. J’y parlais de la culture mais n’en faisais pas une priorité. Une campagne sert aussi cela parfois, à vous éveiller ou à vous réveiller. Des acteurs culturels, dont Romaric Daurier, m’ont sensibilisé au fait qu’il y a autre chose à bâtir. Je pensais sanctuariser les crédits de la culture et que ce serait bien au moment du inquiétudes de l'État et du retrait des départements. J’ai aussi rencontré un collectif créé pendant la campagne. Je me suis rendu compte que mes projets n'étaient pas suffisants, que cette Région ne réussirait pas à maintenir son niveau de création et de diffusion, qu’il y a tout un potentiel, non seulement à préserver mais aussi à développer. J'étais conscient des enjeux du patrimoine, mais la création est tout aussi importante.
  • J’ai vraiment la conviction qu’un jour le FN peut gagner, pas tant par l’adhésion à ses idées mais par rejet de tout ce qui symbolise la politique et ses acteurs. J’estime donc qu’il y a aussi un combat à mener contre le populisme, et ce dont se nourrissent les extrêmes, qui passe par la culture et l'éducation populaire. J’ai donc décidé de faire de la culture un axe central. Pour cela, il faut aussi des moyens, le budget alloué à la culture passera donc de 70 à 110 M€ à la fin du mandat.
  • Cela passe par le soutien direct aux compagnies mais aussi par la formation, qui est une compétence de la Région, la professionnalisation, le développement de véritables métiers et la diffusion dans toute la Région qui est très disparate. La diffusion et l’exportation sont également des enjeux très importants.
  • Il faut aussi une méthode, et nous n’avons pas encore trouvé les bons réglages. Nous avons mis en place une concertation culture mais après plusieurs rendus, un livre, les acteurs demandent ce qui se passe maintenant. Revient-on à une prise de décision très verticale ? Je suis plus favorable à une gouvernance partagée durant les six années. Nous sommes en train d’y réfléchir.
  • Dans les discours, la culture est de plus en plus réduite à son impact économique. Cela fait rentrer la culture dans une dimension très utilitariste. Le risque, à terme, est que les décisions et les soutiens aux acteurs culturels locaux soient uniquement fonction de la création d’emploi, ou des retombées économiques, et on aura perdu ce qui en fait la différence, la dimension purement culturelle.
  • On voit très clairement qu’il sera très difficile pour les départements de financer ce qui n’est pas dans leur cœur de métier. La vraie question est comment travaille-t-on ensemble, État, région, département ?
  • Sur la question de la pérennité, je m’engage sur six ans. Les conventions qui seront passées le seront pour les six années du mandat afin de donner enfin de la lisibilité. Il est possible de mettre 40 M€ de plus pour la culture sur 3,3 Md€ de budget par an dont dispose la Région. Ce n’est pas si compliqué que cela. C’est une question de volonté.« 

 »Ce ne sont pas les artistes qui sont hors sol mais les décideurs politiques«  (Olivier Py)

  •  »La première difficulté que nous avons est le désengagement des collectivités. Il faut un pacte renforcé avec la République. Une collectivité a très vite fait de se désengager. On nous dit que c’est comptable, que les artistes ne sont pas pragmatiques…. Mais ce n’est jamais comptable, c’est toujours politique. Ce sont environ 100 M€ de retombées chaque année qui sont générées pour Avignon par le Festival. Ce ne sont pas les artistes qui sont hors sol mais les décideurs politiques qui se retrouvent à assassiner des trésors, comme la décentralisation qui en est un.
  • Il faut se méfier du serpent de mer que sont les emplois permanents. Le vrai problème est la sanctuarisation des budgets artistiques car le coût des établissements ne cesse d’augmenter donc la marge artistique est grignotée. On en arrive à des cas paradoxaux où on a de superbes théâtres avec rien sur le plateau, ou des formes réduites à l’extrême. Cela entraîne une paupérisation des acteurs et des danseurs qui n’est pas supportable. On ne peut pas continuer ainsi. Les directeurs ont vu leurs budgets fondre. En 5 ans à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, j’ai vu le budget artistique baisser d’un tiers.
  • À Avignon, je pense vraiment que nous pourrions vendre entre 30 et 50 0000 billets supplémentaires. Ce serait extraordinaire. Le théâtre toujours pour les mêmes, réservé à une élite, ce n’est pas un problème tarifaire mais un problème d’habitus. Nous pourrions le faire si nous avions un budget artistique incompressible. Les budgets artistiques ne doivent pas être la variable d’ajustement de toute la culture, de toute la décentralisation."

Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles (SYNDEAC)

• Fondé en 1971

• Représente les institutions du spectacle vivant, des arts plastiques et graphiques (CDN, Scènes nationales, CCN, Scènes conventionnées, compagnies théâtrales et chorégraphiques, ensembles musicaux, salles de musiques actuelles, festivals, lieux de production et de diffusion des arts du cirque et des arts de la rue, entreprises travaillant dans le domaine des arts plastiques et graphiques)

• 474 structures adhérentes : 239 lieux de production et de diffusion et 235 compagnies et équipes artistiques

• Champ d’intervention :
- vie syndicale
- développement artistique et culturel par les politiques publiques
- chambre professionnelle.

• Président : Nicolas Dubourg (depuis le 27/01/2020)

• Direction : Vincent Moisselin (depuis le 01/06/2018)

• Contact : Isabelle Lanaud, attachée de presse

• Tél. : 01 44 53 72 10


Catégorie : Groupement professionnel


Adresse du siège

20, rue Saint-Nicolas
75013 Paris France


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©  Daniel Ripolin
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