« Le moment est venu de nous interroger réellement sur le festival Off d’Avignon » (Pierre Beffeyte)
« Pour les compagnies, la question du remboursement des acomptes versés pour la location des salles et des logements est la priorité. Et les situations sont souvent très compliquées : tous les théâtres n’acceptent pas de rembourser, quand d’autres ne le peuvent tout simplement pas, l’argent versé ayant déjà été utilisé… Tout cela s’opère dans un flou juridique. Depuis l’allocution du Président de la République, nous attendons la parution du décret précisant le cadre juridique de l’annulation des festivals… En l’absence de cadre juridique, il est aujourd’hui très difficile d’avancer », déclare Pierre Beffeyte, président d’Avignon Festival & Compagnies, à News Tank le 23/04/2020. Le conseil d’administration de l’association a acté, le 16/04/2020, l’annulation de la 55e édition du festival Off d’Avignon qui devait se tenir du 03 au 26/07/2020.
« Aujourd’hui, c’est la légitimité même d’Avignon Festival & Compagnies qui est posée : les acteurs du festival ont-ils vraiment envie de cette association ? Si oui, alors il faut qu’ils reconnaissent sa légitimité à agir. Sinon, c’est impossible de faire grandir (et pas grossir) le festival. Quelle association veulent-ils ? Quelles valeurs entendent ils défendre avec ? Quand j’ai pris la présidence d’AF&C, c’était aussi pour poser toutes ces questions. Je crois que le moment est venu de nous interroger réellement », indique par ailleurs Pierre Beffeyte.
« Le festival Off d’Avignon est le plus grand festival de France et l’un des plus importants en Europe. L’impact direct de ce festival en termes d’emploi pour le secteur est colossal. Il ne faut pas non plus oublier que c’est à cet endroit que se crée une grande partie des tournées de la saison suivante. L’irrigation culturelle dans le secteur du spectacle vivant naît à Avignon et pourtant ce festival existe sans régulation et sans intervention de l’État. Nous avons aujourd’hui l’occasion de réfléchir avec le ministère de la Culture, la Ville, les artistes et les théâtres à ce que nous voulons vraiment demain pour ce festival. Le ministère commence à s’y intéresser et il faut continuer à le faire. Depuis le début de cette crise, le ministère est très présent et disponible pour nous accompagner au mieux. Je tiens à le signaler. Profitons de cette énergie pour aller plus loin et poser de nouvelles bases. De cette crise, naîtront certainement de nouveaux modèles économiques dans tous les secteurs, pourquoi pas aussi pour le festival Off d’Avignon ? », poursuit Pierre Beffeyte qui répond aux questions de News Tank.
Le conseil d’administration d’Avignon Festival & Compagnies a, quelques jours après l’allocution du Président de la République le 13/04/2020, annoncé l’impossibilité de tenir l’édition 2020 du Festival Off d’Avignon. Quels sont les impacts à court, moyen et long terme ?
Tous les théâtres n’acceptent pas de rembourser, quand d’autres ne le peuvent tout simplement pas, l’argent versé ayant déjà été utilisé »Dans l’immédiat, notre souci principal est de gérer l’information que l’on fait passer aux compagnies et théâtres adhérents d’AF&C. Nous essayons d’avoir une communication posée afin de ne pas œuvrer dans la précipitation et ce alors que, comme tout le monde, nous sommes dans une grande incertitude.
Pour les compagnies, la question du remboursement des acomptes versés pour la location des salles et des logements est la priorité. Et les situations sont souvent très compliquées : tous les théâtres n’acceptent pas de rembourser, quand d’autres ne le peuvent tout simplement pas, l’argent versé ayant déjà été utilisé… Tout cela s’opère dans un flou juridique. Depuis l’allocution du Président de la République, nous attendons la parution du décret précisant le cadre juridique de l’annulation des festivals… En l’absence de cadre juridique, il est aujourd’hui très difficile d’avancer.
Quel peut être le rôle d’Avignon Festival & Compagnies dans ce cadre ?
Nous avons mis en place une cellule d’accompagnement qui a pour objectif d’apporter des réponses juridiques aux questions que soulèvent l’annulation du Off en termes de droit contractuel. Notre vocation n’est pas de faire de la médiation. Bien évidemment, nous avons des discussions avec les théâtres et les compagnies mais notre cadre est de rappeler ce qu’est la loi. D’autant plus que l’association représente les théâtres et les compagnies et se doit, à ce titre, de rester neutre.
La situation pourrait être moins pire pour les compagnies que pour les théâtres »Si le cas de force majeure est établi, cela voudrait dire, sur un plan contractuel, que les théâtres devront de facto rembourser les compagnies. Et, en prenant en compte le fait que le dispositif d’activité partielle peut être activée au bénéfice des artistes pour les contrats signés ou avec promesses d’embauche, la situation pourrait être moins pire pour les compagnies - même si bien sûr elles seront grandement fragilisées - que pour les théâtres.
La création d’un fonds par AF&C est à l’étude en lien avec vos partenaires. Où on êtes-vous aujourd’hui ? En quoi consisterait ce fonds ? À qui serait-il destiné ?
Pour l’instant, rien n’est fait. Nous avons sollicité les partenaires publics et réfléchissons avec eux sur la mise en place d’un fonds d’urgence. Il nous faut voir à qui ce fonds pourrait être le plus utile, puis évaluer dans quelles conditions et à quel niveau nous pourrions intervenir. Il s’agirait d’aider en priorité les acteurs - théâtres et compagnies - les plus affectés par cette annulation et qui risqueraient de disparaître. Une chose est sûre, il n’est pas question que de l’argent public vienne compenser des absences de bénéfice.
La mise en œuvre d’un fonds d’urgence est à l’étude. Il s’agirait d’aider en priorité les acteurs - théâtres et compagnies - les plus affectés par cette annulation et qui risqueraient de disparaître »Ce fonds, s’il était mis en place, ne pourra pas bénéficier à tout le monde. De même qu’il ne pourra pas aider les commerçants qui sont directement impactés par l’annulation du festival Off d’Avignon et du Festival d’Avignon. Je suis extrêmement solidaire des commerçants qui ont vécu une année épouvantable entre le mouvement des gilets jaunes, les grèves contre la réforme des retraites et maintenant cette crise sanitaire.
En début d’année, vous aviez annoncé un plan stratégique RSE pour le festival Off d’Avignon. Le contexte que nous traversons n’est-il pas justement le moment de le développer davantage et de mener, plus largement, des réflexions sur l’avenir du festival Off d’Avignon ?
Tous les dispositifs mis en œuvre dans le cadre de ce plan sont aujourd’hui en stand-by. L’association AF&C, qui vit des cartes d’abonnement, est aujourd’hui en danger et risque d’être déficitaire dans les deux mois. En l’absence de visibilité quant à nos ressources, tout est mis à l’arrêt. Nous verrons dans les mois à venir s’il nous est possible de redémarrer certains chantiers en fonction des financements que nous aurons pu mobiliser.
Nous sommes arrivés à la limite de ce qui est possible sur ce festival en termes de dérégulation »Je ne sais pas dans quelle mesure cette crise va amener les gens à se poser des questions sur le festival. Pour ma part, je pense vraiment que nous sommes arrivés à la limite de ce qui est possible sur ce festival en termes de dérégulation. Cela fait plusieurs années que je lutte contre cette dérégulation mais le nombre de spectacles augmente chaque année et AF&C n’a pas les moyens de réguler cette offre. Nous sommes arrivés à un tel point que ça ne gêne plus personne de voir des artistes sous-payés voire pas payés du tout, des conditions d’accueil des spectacles dégradées et conditionnées à la seule rentabilité des théâtres, des loyers locatifs devenus plus chers qu’à Monaco… Je ne comprends pas comment cela peut aujourd’hui encore exister et comment les artistes peuvent supporter ces conditions. Mais force est de constater que ce système fonctionne depuis des années. La crise sanitaire que nous traversons semble amener les gens à se poser beaucoup de questions sur « l’après ». J’espère que les acteurs de ce festival seront aussi en capacité de se poser les bonnes questions.
Derrière cela, c’est la légitimité même d’Avignon Festival & Compagnies qui est posée : les acteurs du festival ont-ils vraiment envie de cette association ? Si oui, alors il faut qu’ils reconnaissent sa légitimité à agir. Sinon, c’est impossible de faire grandir (et pas grossir) le festival. Quelle association veulent-ils ? Quelles valeurs entendent ils défendre avec ? Quand j’ai pris la présidence d’AF&C, c’était aussi pour poser toutes ces questions. Je crois que le moment est venu de nous interroger réellement.
Enfin, cette crise montre aussi la disproportion qui existe entre la taille du festival Off d’Avignon et l’association qui le coordonne. Il ne peut pas être de la responsabilité d’une association de cette taille - qui compte 5 permanents - de gérer 1 500 compagnies et 150 lieux, de prendre la décision seule d’annuler un tel événement sans derrière être en capacité d’aider les compagnies et les théâtres, de devoir rappeler le b.a.-ba en matière juridique… Lorsque le Festival d’Avignon prend la décision d’annuler, c’est la décision d’un conseil d’administration dans lequel l’État et les autres tutelles publiques sont présents. Une décision que la direction est derrière en capacité d’assumer grâce au soutien des tutelles.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de réfléchir avec le ministère de la Culture, la Ville, les artistes et les théâtres à ce que nous voulons vraiment demain pour ce festival »Le festival Off d’Avignon est le plus grand festival de France et l’un des plus importants en Europe. L’impact direct de ce festival en termes d’emploi pour le secteur est colossal. Il ne faut pas non plus oublier que c’est à cet endroit que se crée une grande partie des tournées de la saison suivante. L’irrigation culturelle dans le secteur du spectacle vivant naît à Avignon et pourtant ce festival existe sans régulation et sans intervention de l’État. Nous avons aujourd’hui l’occasion de réfléchir avec le ministère de la Culture, la Ville, les artistes et les théâtres à ce que nous voulons vraiment demain pour ce festival. Le ministère commence à s’y intéresser et il faut continuer à le faire. Depuis le début de cette crise, le ministère est très présent et disponible pour nous accompagner au mieux. Je tiens à le signaler. Profitons de cette énergie pour aller plus loin et poser de nouvelles bases. De cette crise, naîtront certainement de nouveaux modèles économiques dans tous les secteurs, pourquoi pas aussi pour le festival Off d’Avignon ?
Parcours
Fondateur et gérant
Directeur
Fondateur
Président
Trésorier adjoint
Directeur artistique
Trésorier Adjoint
Directeur artistique et administratif
Établissement & diplôme
Auditeur du Cycle des Hautes Études de la Culture
Fiche n° 15040, créée le 05/01/2016 à 13:45 - MàJ le 12/02/2024 à 10:53
Festival Off d‘Avignon
• Festival de théâtre né en 1966 en marge du Festival d’Avignon
• Animé par l’association Avignon Festival & Compagnies (AF&C) créée en 2006 à l’initiative de compagnies et de théâtres
• 59e édition : du 05 au 26/07/2025 (mêmes dates que le Festival d’Avignon)
• 58e édition du 03 au 21/07/2024
- Dates adaptées à la tenue des JOP
- 1 709 spectacles et événements
- 141 lieux
- 193 000 billets vendus sur Ticket’Off (environ 9 % du total de vente de billets au total)
- 61 800 cartes d’abonnement vendus
• 57e édition : du 07 au 29/07/2023
- 1,9 million de billets délivrés
- 1 491 spectacles portés par 1 395 compagnies
- 141 lieux
• 56e édition du 07 au 30/07/2022
- 1,5 million de billets délivrés
- 59 000 cartes d’abonnement vendues
- 1 570 spectacles, dont 1 183 créations
- 1 094 compagnies françaises et étrangères
• 55e édition du 07 au 31/07/2021
- 36 342 cartes d’abonnement vendues
- 75 695 places délivrées via Ticket’Off
- 1 070 spectacles, dont 923 créations
- 752 compagnies françaises et 66 étrangères accueillies
• Annulation de l’édition 2020, du 03 au 26/07/2020
• 54e édition du 05 au 28/07/2019
- 300 000 spectateurs pour 1,7 million de billets délivrés
- 1 592 spectacles
- 67 000 cartes d’abonnement vendues
- 97 530 places délivrées via Ticket’Off
• Coprésidents : Harold David et Laurent Domingos
• Contact : Maéva Belloy, responsable de la communication
• Tél. : 04 90 86 72 21
Catégorie : Festival / Salon
Adresse du siège
24 Boulevard Saint-Michel84000 Avignon France
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Fiche n° 244, créée le 27/09/2013 à 13:23 - MàJ le 25/11/2024 à 10:14
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