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Think 2022 : « Les ressourceries sont indispensables pour faire de l’éco-conception » (Elaine Méric)

Paris - Actualité n°262892 - Publié le 13/09/2022 à 14:30
©  Seb Lascoux
Le débat « L’économie circulaire dans la culture : comment la développer ? » - ©  Seb Lascoux

« Le musée des Confluences • Établissement public initié en 1999 par le Département du Rhône, sur un site de 22 000 m² à la confluence de la Saône et du Rhône • Inauguration le 19/12/2014• Fréquentation 2022 : 654 601… s’est lancé dans une démarche de montage et de démontage propres de ses expositions temporaires. (…) Cette démarche se traduit par des temps plus longs et des coûts supplémentaires. Ce sont des choix que l’on faits. Nous réduisons les choses sur d’autres postes. Pour l’instant, nous ne sommes pas encore parvenus à le faire sur toutes les expositions. Nous le faisons uniquement sur les “grandes expositions” », déclare Hélène Lafont-Couturier Directrice @ Musée des Confluences
• Auteure de plusieurs articles sur la maison Goupil et sur la question de la diffusion de l’art au XIX e siècle • Auteure d’une monographie sur le peintre…
, directrice du musée des Confluences (Lyon), lors du débat « L’économie circulaire dans la culture : comment la développer ? » dans le cadre de la 7e édition de Think Culture, dédiée à la transition écologique, le 06/09/2022 au Centre Pompidou • Établissement public culturel pluridisciplinaire ouvert en 1977.• Réunit le MNAM (Musée national d’art moderne), le CCI (Centre de création industrielle), le DCC (Département culture et création)… (Parsi 4e).

Elaine Méric Codirectrice @ Théâtre de l’Aquarium (Cartoucherie)
est, elle, revenue sur la structuration d’une ressourcerie interne au Théâtre de l’Aquarium (Paris 12e), qu’elle cordirige : « Notre ambition est de redonner une valeur d’usage, un potentiel créatif aux éléments de décors, accessoires et costumes dont nous avons hérités, au bénéfice des équipes que nous accueillons en résidence de création. Nous avons adhéré au réseau des ressourceries artistiques et culturelles pour structurer et développer notre ressourcerie, en relation avec d’autres théâtres et d’autres structures. (…) Les ressourceries sont des partenaires indispensables quand on parle d’éco-conception ou d’éco-production », dit-elle.

« L’économie circulaire n’empêche pas la production de déchets, ni donc les émissions de gaz à effet de serre. (…) Cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas entrer dans cette démarche. Simplement, on ne peut pas s’en satisfaire parce qu’à mon sens cela ne fait pas assez changer le modèle de production. Il existe d’autres modèles économiques, comme la théorie du Donut qui allie enjeux environnementaux et justice sociale. (…) Cette théorie est basée sur les ressources. (…) elle répond mieux au besoin que l’on a, d’abord, de modifier les modes de production, avant même de penser la consommation », poursuit Anne Tanguy Directrice @ Le Quartz - Scène nationale de Brest
, directrice des 2 Scènes - scène nationale de Besançon. 

News Tank rend compte des échanges.

  • Hélène Lafont-Couturier, directrice du musée des Confluences à Lyon
  • Elaine Méric, co-directrice du Théâtre de l’Aquarium Fondé par le collectif du Théâtre de l’Aquarium, troupe universitaire composée notamment de Jacques Nichet, Jean-Louis Benoit et Didier Bezace • Installé depuis 1973 à la Cartoucherie (Paris 12e (Paris 12e)
  • Carine Rolland Présidente du CA @ Établissement public Paris Musées • Adjointe à la maire de Paris en charge de la culture @ Mairie de Paris • Adjointe à la maire de Paris en charge de la ville du quart d’heure … , adjointe à la Culture de la maire de Paris
  • Anne Tanguy, directrice des 2 Scènes - Scène nationale de Besançon • La Scène nationale est née en septembre 2012 du rapprochement du Théâtre de l’Espace (Scène nationale depuis 1990) et du Théâtre Musical de Besançon • Statut : Établissement public de…
  • Modération : Marion Miard Rédactrice en chef adjointe @ News Tank Culture (NTC) • Responsable Spectacle vivant @ News Tank Culture (NTC)
    , News Tank Culture

« Redonner une valeur d’usage, un potentiel créatif aux éléments de décors » (Elaine Méric)

  • « Le musée des Confluences est une jeune institution qui raconte l’histoire de l’homme et de la nature, et le lien entre les deux. La question environnementale est donc inscrite dans le propos du musée, dans son ADN. De fait, les équipes sont très impliquées et très sensibilisées à la question environnementale.
  • Une des premières décisions que j’ai prises après l’ouverture du musée (inauguré le 20/12/2014) a été d’allonger la durée des expositions à 10 mois, à la fois pour des raisons liées au dimensionnement des équipes, au budget, mais aussi parce que j’avais le sentiment que faire une exposition de trois mois (comme on le voit souvent) était trop court, que cela ne permettrait pas aux gens de venir une première fois, revenir, en parler autour d’eux pour créer du bouche-à-oreille. Parallèlement, mon souhait était de réfléchir avant tout à des expositions à partir de nos collections pour éviter des prêts d’œuvres très éloignées.
  • Ensuite, le choix a été fait de travailler avec le territoire, avec des structures très diverses qui s’y déploient, pour inscrire le musée dans son territoire. Nous avons par exemple travaillé avec le foyer notre-dame des sans-abris, qui recycle et récupère du mobilier en bois. Elle a réalisé au sein du musée des bancs où le public peut s’installer pour recharger son portable, lire, jouer aux échecs ou s’asseoir tout simplement, un peu comme chez lui. Ces éléments sont un peu décalés dans le bâtiment très contemporain des Confluences, mais cela fonctionne. 
  • Quand on se lance dans ce type de démarche, il est important d’emporter les équipes. Aux Confluences, nous avons eu la chance de construire quelque chose de très participatif avec les équipes, les membres du conseil d’administration, les membres du fonds de dotation, lequel choisit justement de nous accompagner financièrement sur les actions qui mettent en avant les valeurs de durabilité, et pas sur des acquisitions d’œuvres par exemple. 
  • Ce sont les équipes qui ont souhaité que le musée développe une action plus concrète en matière de développement durable. C’est comme cela que nous nous sommes lancés dans une démarche de montage et de démontage propres de nos expositions temporaires, qui sont la source de déchets la plus importante dans les musées. Le montage et le démontage propres impliquent par exemple de ne pas utiliser de colle, mais de privilégier les vis. 
  • Pour limiter la production de déchets, le musée s’inscrit aussi dans une démarche de réemploi. Nous avons par exemple réutilisé une grande vitrine pour plusieurs expositions. Le musée dispose d’un pôle d’équipements, à partir duquel les scénographes qui travaillent sur les expositions sont incités de plus en plus fortement à travailler. C’est une autre façon de penser l’exposition. 
    Hélène Lafont-Couturier - ©  Seb Lascoux
  • Cette démarche relève d’une question de bon sens. Ainsi, plutôt que d’être jetés, des éléments de l’exposition “Makay” en 2021 ont été donnés au planétarium de Vaulx-en-Velin pour son exposition “Vaisseau Terre”. Nous avons fait don de ces éléments et avons pris en charge leur transport jusqu’à Vaulx-en-Velin. De la même manière, nous venons de démonter l’exposition “Sur la piste des Sioux” sur laquelle a travaillé le scénographe Maciej Fiszer. Il est en train de réaliser la scénographie de la prochaine exposition de la Cinémathèque Française • Association loi 1901 à but non lucratif créée en 1936 • Missions : - conserver et restaurer les films et les archives de ses collections - programmer les grands classiques mais également… . Il avait dessiné pour cette exposition un mobilier assez proche de celui choisi pour “Sur la piste des Sioux”. En bonne intelligence, plutôt que de reconstruire à Paris, il récupère ce qu’il a construit chez nous.
  • Avant chaque démontage, un catalogue exhaustif est diffusé afin d’identifier des structures intéressées par les éléments (musées, entreprises, écoles, compagnies de spectacle vivant, institutions et associations culturelles ou œuvrant dans le réemploi, l’écologie et l’auto-construction). Chaque expérience permet de tisser des liens avec le territoire, avec les structures associatives, les équipements culturels du territoire. Ces liens renouvellent le regard que l’on porte sur la manière dont on travaille. »

    Hélène Lafont-Couturier
  • « L’établissement public Paris Musées • Établissement public à caractère administratif rassemblant depuis le 01/01/2013 12 musées municipaux de la Ville de Paris et 2 sites patrimoniaux - Musée d’art moderne de la Ville de Paris … s’est lui aussi complètement emparé du sujet de l’économie circulaire, à tel point que la notion figure dans le contrat d’objectifs et de performances 2021-2026, que le Conseil de Paris a adopté le 01/06/2022. Il s’agit notamment d’amplifier tout ce qui est fait en matière d’éco-conception, de réutilisation des éléments d’un musée à l’autre, d’une exposition à l’autre. Je pense par exemple à l’exposition “The Power Of My Hands” au Musée d’art moderne de Paris, dont la scénographie a servi ensuite à l’exposition “Joseph Beuys”, toujours au MAM Musée d’art moderne de Paris . Les deux expositions n’avaient rien à voir et pourtant des éléments ont pu être réutilisés. Et certains matériaux ont même été réutilisés pour les expositions permanentes. La démarche durable au sein du réseau Paris Musées va encore plus loin. Au niveau juridique, l’établissement inscrit très haut le critère environnemental dans ses marchés publics.
  • La Ville de Paris, comme d’autres collectivités, est très engagée dans la lutte contre le dérèglement climatique et en faveur des pratiques vertueuses. Nous avons un plan climat qui vise la neutralité carbone en 2050 ; nous en sommes à la deuxième feuille de route de l’économie circulaire. Dans ce cadre, la culture doit pouvoir prendre toute sa place, d’abord en tant que pratique, mais aussi en tant que porteuse de sens. Je crois beaucoup au cercle vertueux de la culture durable, et cela commence par les artistes et les œuvres qui s’appuient sur les lieux culturels pour s’adresser aux publics. C’est à cet endroit précisément qu’interviennent les pouvoirs publics, en termes d’accompagnement et d’incitation. 
  • À Paris, dès 2018-2019, la direction des affaires culturelles, en particulier grâce à l’action de Lucie Marinier Professeure, titulaire de la chaire ingénierie des activités culturelles et créatives @ Conservatoire national des arts et métiers (Cnam)
    , a mené un travail pour faire remonter toutes les initiatives opérées ici et là par les structures. Sur la base des bonnes pratiques observées, des groupes de travail se sont montés autour de représentants de lieux culturels, d’experts et de participants de tous ordres. Ces groupes de travail ont abouti à un livret opérationnel pour développer l’économie circulaire dans la culture 
  • L’enjeu aujourd’hui est de partagé le plus possible cette boîte à outils pour que les structures qui n’ont pas encore mis en place de démarche durable puissent passer à la pratique. Le rôle de la DAC Direction des Affaires culturelles consiste à leur faire comprendre que cela concerne tout le monde et que c’est faisable. »

    Carine Rolland


  • « Nous sommes arrivés au Théâtre de l’Aquarium en 2019 et avons pris à bras-le-corps la question du stockage puisque nous avons hérité d’un riche fonds de pièces de décors et de costumes, qui avaient été accumulés dans le théâtre depuis des années. Au total nous avons hérité de 300 m3 de pièces de décors et accessoires et d’environ 30 m3 de costumes. Tout ces éléments n’étaient pas valorisés mais stockés insidieusement.
  • Nous ne sommes pas arrivés à la direction du lieu avec l’idée d’appliquer le concept d’économie circulaire. Nous avons rencontré une réalité, et naturellement l’économie circulaire est venue qualifier une partie de l’action que nous menons désormais, à savoir la structuration d’une ressourcerie en interne. 
    Elaine Meric - ©  Seb Lascoux
  • Notre ambition avec cette ressourcerie est de redonner une valeur d’usage, un potentiel créatif aux éléments de décors, accessoires et costumes que nous stockons, au bénéfice des équipes que nous accueillons en résidence de création et que nous accompagnons sur le chemin de la création.
  • Nous avons adhéré au réseau des ressourceries artistiques et culturelles pour structurer et développer notre ressourcerie, en relation avec d’autres théâtres et d’autres structures, notamment sur le territoire francilien.
  • Pour l’heure, la ressourcerie fonctionne surtout en interne. Et cela ne change en rien l’activité du Théâtre de l’Aquarium qui reste avant tout un théâtre. Nous nous appuyons donc sur les ressourceries du réseau lorsque nous sommes face à des traitements de revalorisation qui sont beaucoup trop importants par rapport à ce que l’on peut produire nous en temps et en expertise. 
  • Nous avons voulu compléter la structuration d’une ressourcerie par une réflexion sur la production durable des spectacles, réflexion que nous appliquons aux productions de Jeanne Candel Codirectrice @ Théâtre de l’Aquarium (Cartoucherie) • Codirectrice artistique @ Compagnie La Vie Brève
    • Formée au CNSAD. • Mises en scène : - La chute de la maison (avec Samuel Achache…
    et que nous soumettons aux compagnies que l’on accompagne. L’éco-conception de décors demande inévitablement de travailler sur des matériaux bio-sourcées, ainsi que sur les matières premières que nous ajoutons nous, mais aussi d’allonger le chemin jusqu’à la case déchets. Cela demande aussi d’interroger la vie des spectacles.
  • Les ressourceries sont un partenaire indispensable quand on parle d’éco-conception ou d’éco-production. Et plus on réfléchit aux choix des matières premières employées, à la manière dont on les traite quand on construit un décor, et dont on développe la capacité de ré-usage, plus le travail des ressourceries est facilité. »

    Elaine Méric

• Stéphanie Mabileau, coordinatrice du RESSAC , a pris la parole à l’occasion du débat pour présenter le réseau. 

• Créé en 2020, le RESSAC réseau national des ressourceries artistiques et culturelles réunit l’ensemble des acteurs du réemploi culturel, pour travailler collectivement sur des enjeux communs et mettre en partage leur expertise et expérience. Il représente un écosystème des acteurs de l’événementiel, du spectacle et des industries culturelles et créatives : festivals, théâtres, salles de concert, cinémas, sociétés de production audiovisuelle, sociétés événementielles et techniques, mais aussi scénographes, designers, architectes, plasticiens, etc.

• Les ressourceries appliquent les fondamentaux de l’économie circulaire : traitement des déchets, réemploi (collecte, réparation, revalorisation, remise en circulation), allongement de la durée d’usage et lutte contre l’obsolescence programmée, éco-conception, économie de la fonctionnalité et mutualisation. 

• Le RESSAC rassemble actuellement 7 structures couvrant 6 régions du territoire national. Il a « dernièrement » été sollicité pour travailler sur des projets de ressourceries à Lyon, Grenoble, Caen et Dijon. 

« Un démontage propre se traduit par des temps plus longs et des coûts supplémentaires » (Hélène Lafont-Couturier)

  • « Un démontage propre se traduit par des temps plus longs et des coûts supplémentaires. Mais ce sont des choix que l’on faits. Nous réduisons les choses sur d’autres postes. Nous avons commencé les démontages propres en 2019. 
  • Pour l’instant, nous ne sommes pas encore parvenus à faire toutes les expositions en montage et démontage propres. Nous le faisons uniquement sur les “grandes expositions”, qui génèrent le plus de déchets. Dans l’équipe, on s’est amusé à convertir les tonnes que l’on a pu réemployer ou recycler en poids de mammouths. On est aujourd’hui à pratiquement sept mammouths ! »

    Hélène Lafont-Couturier

Bilan du démontage responsable en 2021 de l’exposition « Makay, un refuge en terre malgache »
  • 77 % de réemploi (soit 10,6 tonnes), toutes filières confondues :
    • le métal (0,98 tonne, soit 100 % des matériaux d’exposition),
    • le textile (0,34 tonne, soit 100 %),
    • le verre (0,45 tonne, soit 100 %),
    • le bois (11,5 tonnes, soit 72,9 % de réemploi et 27,1 % de recyclage),
    • le plastique (0,41 tonne, soit 100 % de réemploi).
  • Le réemploi a bénéficié à un « large panel de structures » :
    • 12 associations,
    • 5 institutions culturelles,
    • 3 compagnies artistiques,
    • 3 écoles,
    • 2 entreprises,
    • 1 artisan,
    • 1 artiste plasticienne.

  • « Certaines collectivités locales, comme la Ville et la Métropole de Rennes, pratiquent ce que l’on appelle l’éco-conditionnalité. C’est aussi le cas dans les pays scandinaves qui appliquent cette démarche depuis longtemps déjà.
  • Le sujet est complexe dans le cadre actuel. La lutte contre le dérèglement climatique est un combat que tout le monde doit mener. Il n’y a pas d’exception culturelle à revendiquer. Mais aujourd’hui précisément, être dans la sanction constituerait une double peine pour les établissements qui ont tous été fragilisés par les deux années de crise sanitaire. En revanche, nous avons d’autres moyens pour inciter, via les marchés publics ou les appels à projets par exemple.
  • Le rôle des pouvoirs publics est d’être à la fois dans la prescription et dans la valorisation. Il y a d’abord une démarche d’accompagnement à adopter. Pour moi, l’écologie doit être une écologie de combat contre les dérèglements, mais surtout elle doit être une écologie d’unité et une écologie collective dans laquelle on incite à faire davantage les choses en réseau, sans être punitif. Enfin, de nombreuses initiatives existent déjà, il faut davantage les valoriser, en parler. 
  • L’État a aussi un rôle à jouer, notamment au niveau de la législation. Depuis 2020 seulement, les établissements culturels ont le droit de céder des scénographies, si tant est que cela le soit à titre gracieux. Depuis 2021 grâce à la loi Robert, les bibliothèques ont la possibilité de céder des ouvrages. Tout cela est extrêmement important car cela fixe un cadre. Mais cela ne veut pas dire que ce cadre législatif est parfait. En matière de dons, il y a bien eu une modification dans le code général de la propriété, mais la démarche est encore complexe pour les établissements publics. Il faut donc continuer d’en discuter, proposer des améliorations, que ce soit par des amendements au Parlement ou directement dans le cadre de discussions avec le ministère de la Culture. »

    Carine Rolland
  • « Pour pouvoir faire don d’objets de scénographie, nous avons passé un marché avec la société Fixart  (montage d’expositions temporaires, installation d’œuvres d’art, construction de cloisons d’exposition, etc.), qui redistribue pour nous. Nous partageons ce marché avec d’autres institutions en France. »

    Hélène Lafont-Couturier

« L’économie circulaire ne fait pas assez changer le modèle » (Anne Tanguy)

  • « Ce qui nous rassemble tous, c’est le fait d’aller vers plus de durabilité. Au sein de l’équipe de la Scène nationale de Besançon, la notion d’économie circulaire nous a interrogés. On s’est rendus compte que l’économie circulaire introduisait une forme de déculpabilisation : le fait d’être en capacité de réutiliser ou de recycler la ressource à l’infini peut faire oublier qu’en fait nous produisons toujours autant et consommons des ressources qui sont pourtant limitées. 
  • De plus, l’économie circulaire n’empêche pas la production de déchets, au contraire : la matière se dégrade, nous avons besoin de matière vierge pour l’additionner à des matières usées et reconstruire un matériel, mais surtout, toute l’infrastructure qui tourne autour des déchets, leur traitement, ainsi que leur transport, contribuent aux émissions de gaz à effet de serre. Le traitement des déchets, par exemple, représente 5 % du total des émissions de gaz à effet de serre. 
  • Cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas entrer dans une démarche d’économie circulaire. Simplement, on ne peut pas s’en satisfaire parce qu’à mon sens cela ne fait pas assez changer le modèle de production à l’infini.
  • Illustration de la théorie du Donut - ©  Oxfam
    Il existe d’autres modèles économiques, comme la théorie du Donut, développée par l’économiste britannique Kate Raworth. C’est un modèle d’économie alternative qui allie enjeux environnementaux et justice sociale. Dans cette théorie, Kate Raworth définit 12 besoins de bases dont personne ne devrait manquer (alimentation, santé, éducation, eau potable, logement, accès à un travail digne, égalité des genres, etc). Le cercle intérieur du donut représente ces besoins : c’est le “plancher social”, le but à atteindre pour assurer l’épanouissement de l’humanité. Mais cet épanouissement ne peut se faire au-delà du contour extérieur du donut, ce que Kate Raworth appelle le “plafond environnemental”. Elle définit neuf “limites planétaires” parmi lesquelles les changements climatiques, la perte de biodiversité ou la pollution chimique. L’espace entre le “plancher social” et “le plafond environnemental” (soit le donut) constitue l’espace sûr et juste pour l’humanité.
  • Cette théorie est basée d’abord sur les ressources. Elle me plait mieux que l’économie circulaire -même si les deux modèles ne sont pas totalement en opposition-, car elle répond mieux au besoin que l’on a d’abord de modifier les modes de production, avant même de penser la consommation. C’est d’une certaine manière ce que le musée des Confluences essaie de faire en rallongeant les durées d’exposition.
  • La réflexion qui est née à partir de la théorie du Donut au sein de l’équipe a permis d’ouvrir des portes, d’agir sur l’humain et pas que sur le matériel. Dans des lieux culturels, travailler la question de l’égalité hommes-femmes ou de l’inclusion, replace l’écologie dans une perspective plus large, et nous permet d’être plus en actions à plusieurs endroits. » 

    Anne Tanguy  
    Anne Tanguy - ©  Seb Lascoux
  • « Le terme même d’économie circulaire est un vieux terme que l’on revisite, que l’on réexpérimente. Pour moi l’économie circulaire accueille beaucoup de possibilités d’actions sur des choses relativement maîtrisables : le mode de création, le fait d’engager l’équipe dans une réflexion plus profonde sur la manière dont on vit un lieu, un théâtre, et la manière dont on produit un spectacle en intégrant complètement l’éco-critique. Il y a quelque chose de très concret, très pragmatique, très simple dans la démarche que l’on mène au Théâtre de l’Aquarium. »

    Elaine Méric

« C’est par le réseau et son amplification que l’on arrivera à construire la grande toile de la culture durable » (Carine Rolland)

  • « La Ville de Paris accompagne différemment les structures selon qu’il s’agit d’établissements de proximité, d’établissements publics, etc. Les bibliothèques, par exemple, ont un rôle majeur à jouer en matière d’économie circulaire parce que ce sont des établissements qui, au quotidien, sont en lien avec les habitants, et peuvent donc avoir un effet prescripteur. À Paris, par exemple, la future médiathèque James Baldwin a été imaginée et conçue dans une architecture la plus durable possible. En amont du projet, une démarche de concertation avec les habitants du quartier a été lancée pour créer, d’emblée, un lien avec eux. Nous agissons aussi pour permettre la constitution de fonds documentaires qui parlent du développement durable, et tentons le plus possible de mettre en réseau les bibliothèques entre elles autour de bonnes pratiques. Enfin, à la médiathèque de la Canopée (Paris 1er), nous expérimentons la fin des films plastiques adhésifs sur les livres. L’enjeu aujourd’hui est de voir si cette expérimentation est duplicable au sein du réseau des bibliothèques parisiennes (au nombre de 72, dont 58 sont des bibliothèques de prêts). 
    Carine Rolland - ©  Seb Lascoux
  • Les initiatives en faveur d’une démarche plus durable sont souvent initiées par les lieux, par le terrain. J’aime bien l’enjeu que fixe Bruno Latour qui est dire qu’une fois que la prise de conscience a eu lieu, “il faut aligner les affects”. On connaît tous l’urgence écologique, on sait que les ressources ne sont pas infinies. L’enjeu est de trouver comment œuvrer pour faire sentir ardemment cela et agir, chacun à son endroit, que ce soit l’habitant, le citoyen, le professionnel de la culture ou les pouvoirs publics. 
  • Sur ce point, il faut être à la fois très exigeant et humble parce que la réplicabilité totale n’existe pas. On ne travaille pas de la même manière quand on est à Paris que quand on est dans une ville à taille moyenne. Il faut constituer des réseaux, il faut échanger, mais il faut que chacun puisse envisager une démarche durable à l’aune du territoire dans lequel il est implanté. La notion de réseau est essentielle en la matière, car c’est par le réseau et son amplification que l’on arrivera, à coup de cercles concentriques, à construire la grande toile de la culture durable. »

    Carine Rolland
  • « Nous avons commencé à développer le projet de ressourcerie en prenant d’abord part aux ateliers mis en place par la Ville de Paris autour de l’économie circulaire. Nous nous sommes retrouvés avec des personnes qui venaient de plein de disciplines. Puis, la démarche a essaimé. Mais ce qui est important de souligner c’est que la dimension partenariale, même au-delà de notre secteur du spectacle vivant, est primordiale. Nous sommes naturellement ancrés dans un réseau, francilien avant tout. Nous avons développé des liens avec certaines structures comme la MC93 • Inauguration en 1980, • Agrandissement en 2000, travaux de rénovation (septembre 2014-mai 2017) pour un coût de 18,6 M€ HT. Réouverture le 23/05/2017 • Statut : association loi 1901 • Salles et… (à la faveur d’un contact privilégié avec le chef d’atelier) ou avec l'Opéra de Paris • Maison d’opéra et de ballet• Directeur général : Alexander Neef (depuis le 01/09/2020) • Directeur de la danse : José Martínez (depuis le 05/12/2022) • Directeur général adjoint : Martin…
  • Mais nous essayons d’être le plus accueillant possible vis-à-vis de personnes ou de lieux qui se manifestent sur des initiatives, des groupes de travail, en dehors de notre réseau naturel. Notre objectif est que notre projet puisse accueillir le plus de démarches possibles qui résonnent avec la nôtre. C’est comme cela que nous avons monté un partenariat avec l'Ensad École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs sur des événements que l’on construits ensemble. 
  • C’est aussi par ce biais que nous avons été associés à un groupe de recherche mené par Annabel Vergne, scénographe, et Quentin Rioual, universitaire et metteur en scène, sur le thème “Scénographie et écophanie. Penser la création dans un monde fini”. Une restitution de ce travail de recherche sera proposée en décembre 2023.
  • Nous sommes aussi adhérents au Lab ScénogRRRRaphie - Les Augures  et à l’association ARVIVA - Arts vivants, arts durables . Les Augures sont un réseau qui rassemble des musées, des écoles, des théâtres, etc. Le réseau va bientôt développer une plateforme collaborative sur laquelle on pourra trouver des ressources, des exemples de projets qui ont été réalisés dans une démarche d’éco-scénographie, etc.
  • Enfin, nous avons été accompagnés par Gaëlle Kikteff, consultante en économie circulaire qui a travaillé dans le domaine du design mobilier et connaît très bien le secteur du bâtiment (qui est beaucoup plus avancé que le nôtre en matière d’éco-conception).
  • Tous ces partenariats nous mettent en relation avec des ingénieurs, des experts qui interviennent dans d’autres secteurs, et mettent notre projet en perspective de manière un peu plus technique. Ce sont aussi des portes d’entrée pour accéder à des fonds auxquels on ne penserait pas forcément en tant que théâtre. Je pense par exemple à l'Ademe Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie . »

    Elaine Méric
  • « En 2014, avec deux autres Scènes nationales (Dunkerque Scène nationale de Dunkerque. • Statut : association loi 1901 • Extension et restructuration du bâtiment entre 2011 et 2014. Réouverture le 16/05/2014. • Missions : - Programmation dédiée… et Quimper • Scène nationale depuis 1994, association loi 1901 • Centre de Création Musicale. • Missions : - production et diffusion artistique - action de développement culturel - accueil en résidence de… ) et une maison d’opéra (Théâtre impérial de Compiègne Le théâtre impérial de Compiègne est une salle de théâtre située à Compiègne. Le projet artistique et culturel de l’établissement est fondé sur une volonté d’ouverture artistique à la diversité des… ), nous avons créé la co[opéra]tive, avec pour ambition de mutualiser nos moyens afin, d’une part, de produire collectivement des projets lyriques de qualité et, d’autre part, de participer à une meilleure diffusion de cet art. Notre constat était assez simple : souvent un opéra joue moins de dix fois. Il n’était plus possible de continuer ainsi, à la fois pour des questions budgétaires, mais aussi écologiques.
  • Depuis 2014, deux autres maisons d’opéra (l’Atelier lyrique de Tourcoing et l'Opéra de Rennes • Théâtre fondé en 1836 • Exclusivement dédié à l’opéra depuis 1993• 642 places• Rapprochement avec Angers Nantes Opéra- Éléments de programmation en commun et coproductions depuis la saison… ) ont rejoint la co[opéra]tive. Ensemble, nous produisons un opéra par an. Nous lui permettons de tourner dans chacun des lieux partenaires, ce qui représente déjà au minimum un total d’une vingtaine de dates (à raison de 4 à 5 dates dans chaque lieu). Cela est assez exceptionnel pour un opéra. Et en général les œuvres produites continuent de tourner encore trois ans après leur création. Nous avons dépassé le stade d’une tournée réduite aux seuls partenaires de la co[opéra]tive, et ce dans une économie très maîtrisée (à peine 2 ETP Équivalent temps plein pour suivre le projet). Ce réseau est une réussite alors que l’on pensait au départ que ce ne serait qu’une simple expérimentation. On pourrait aujourd’hui presque la modéliser à l’échelle d’autres disciplines ou d’autres réseaux.
  • Par ailleurs, la SN Scène nationale de Besançon étant dans une région transfrontalière, nous interrogeons aussi les modalités de production de la création à l’international. Nous sommes inscrits dans un programmeur européen Interreg Programme européen visant à promouvoir la coopération entre les régions européennes. , en lien avec le Théâtre Vidy-Lausanne, pour développer à la fois des programmes de recherche qui s’ouvrent à d’autres disciplines (scientifiques, philosophiques), mais aussi des temps de formation. Dans le cadre de ce programme Interreg, nous avons aussi coproduit des spectacles avec l’ambition de démultiplier leurs capacités de rayonnement et d’irrigation sur le territoire franco-suisse. Ces productions rencontrent les publics dans les lycées, les villages, à l’instar d'“Arborescence programmée” de Muriel Imbach, qui a déjà joué une centaine de fois. »

    Anne Tanguy

Hélène Lafont-Couturier


• Auteure de plusieurs articles sur la maison Goupil et sur la question de la diffusion de l’art au XIX e siècle

• Auteure d’une monographie sur le peintre Jean-Léon Gérôme aux éditions Herscher en 1998


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Parcours

Musée national des cultures et de l’histoire de l’immigration
Directrice
Musée d’Aquitaine
Conservatrice
Musée du Louvre
Chargée d’une mission d’étude sur la collection de la Chalcographie
Musée Goupil de Bordeaux
Conservatrice

Fiche n° 7686, créée le 26/11/2014 à 13:51 - MàJ le 28/03/2022 à 11:50

Elaine Méric


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Parcours

Compagnie La Vie Brève
Administratrice
Clowns sans frontières
Administratrice
Association de défense des artistes victimes de répressions dans le monde
Déléguée générale
Théâtre du Soleil
Directrice de production et des tournées
Cinétévé
Chargée de production

Fiche n° 46056, créée le 13/05/2022 à 17:03 - MàJ le 13/05/2022 à 17:10

Carine Rolland


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Parcours

Mairie de Paris
Adjointe à la maire de Paris en charge de la culture
Mairie de Paris
Adjointe à la maire de Paris en charge de la ville du quart d’heure
Mairie du 18e arrondissement
1ere adjointe au maire du 18e en charge de la culture
Think Out
Mission de directrice conseil sur les Rencontres France Télévisions
Metronews
Directrice marketing et communication
Mairie du 18e arrondissement
Adjointe au maire du 18e arrondissement - en charge de la culture
Bauer Media France
Responsable marketing et communication

Fiche n° 40107, créée le 28/07/2020 à 17:42 - MàJ le 08/04/2024 à 11:30

Anne Tanguy


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Parcours

Le Théâtre - Scène conventionnée d’Auxerre
Directrice

Fiche n° 1217, créée le 07/01/2014 à 12:31 - MàJ le 12/06/2024 à 06:38


© News Tank Culture - 2024 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »

©  Seb Lascoux
Le débat « L’économie circulaire dans la culture : comment la développer ? » - ©  Seb Lascoux