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Think 2022 : « Passer toutes les activités des musées au crible de l’éco-conception » (Bruno Girveau)

Paris - Actualité n°262867 - Publié le 12/09/2022 à 09:00
©  Seb Lascoux
Débat « Les musées et l’écologie : un nouveau lien entre arts et sciences ? » - ©  Seb Lascoux

« Les enjeux de durabilité sont devenus une exigence transverse, continue, à travers toutes les dimensions de l’activité muséale. (…) Nos établissements, sur le climat en particulier, sont là pour contribuer à faire changer le regard des visiteurs, provoquer un choc pour qu’ils agissent dans leur propre vie », indique Bruno Maquart Président du conseil d’administration @ Réseau européen des musées et centres de sciences (Ecsite) • Président @ Universcience
, président d’Universcience • Établissement public• Regroupe depuis le 01/01/2010 :- la Cité des sciences et de l’industrie (ouverte en 1986 sur le site du Parc de la Villette)- le Palais de la découverte (ouvert en 1937 sur… , lors du débat « Les musées et l’écologie : un nouveau lien entre arts et sciences ? » dans le cadre de la 7e édition de Think Culture Événement dédié à l’innovation dans le pilotage de la culture, organisé par News Tank Culture au Centre Pompidou • Établissement public culturel pluridisciplinaire ouvert en 1977.• Réunit le MNAM (Musée national d’art moderne), le CCI (Centre de création industrielle), le DCC (Département culture et création)… (Paris 4e), organisée par News Tank Culture, le 06/09/2022.

« Nous avons débuté nos actions, concernant le développement durable, il y a cinq ou six ans avec une décision qui a fait un peu de bruit dans le monde des musées : réduire le nombre des grandes expositions. Nous sommes passés d’une à deux grandes expositions par an, à une tous les deux ans. (…) Quand on se lance dans l’éco-conception de manière générale, cela suppose d’élaborer des méthodes, qui pour certaines n’existaient pas lorsque nous avons débuté notre activité. Nous avons conçu, à l’intention de tous, un guide d’éco-conception des expositions », déclare Bruno Girveau Directeur @ Palais des Beaux-Arts de Lille et Musée de l’Hospice Comtesse
, directeur du Palais des Beaux-Arts de Lille • Inauguration : 06/03/1892• Superficie : 22 000 m² • Fréquentation : - 380 979 visiteurs en 2023 (+12 %)- 341 000 visiteurs en 2022 - 169 965 visiteurs en 2021- 106 005 visiteurs en 2020- 297 610… .

« Il faut que nous arrivions à travailler collectivement. À quel moment est-il plus raisonnable d’accompagner une œuvre dans un convoi ? Est-ce qu’une caisse climatique est vraiment nécessaire lorsqu’on va parcourir 300 kilomètres ? Peut-on aussi réfléchir à l’inertie plutôt que de se bloquer sur les questions de température ? (…) Les enjeux relatifs à la conservation préventive se posent aussi avec les collègues et l’ensemble du secteur pour arriver à trouver un consensus et des modes de fonctionnement qui soient plus sobres », ajoute Hélène Guenin Membre du conseil d’administration @ Centre national des arts plastiques (CNAP) • Directrice @ Musée d‘art moderne et d‘art contemporain de Nice
, directrice du Musée d‘art moderne et d‘art contemporain de Nice • Inauguré le 21/06/1990 • Labellisé « Musée de France »• Chantier de rénovation du 07/01/2024 à 2028 • Collection permanente : Jean-Michel Alberola, Francis Bacon, Christian Boltanski, Louise… .

News Tank rend compte des échanges.

  • Mélanie Rivault Référente développement durable @ Association française des régisseurs d’œuvres d’art • Régisseure d’œuvres @ Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie-Valéry Giscard d’Estaing
    , régisseuse d’œuvres d’art au Musée d’Orsay • Musée national sous tutelle du ministère de la Culture • EPA (établissement public à caractère administratif) regroupant le musée d’Orsay et le musée de l’Orangerie • Ouverture au public … et référente développement durable de l’Association française des régisseurs d’œuvres d’art)
  • Bruno Maquart, président d’Universcience
  • Bruno Girveau, directeur du Palais des Beaux-Arts de Lille et Musée de l’Hospice Comtesse
  • Hélène Guenin, directrice du musée d’art moderne et contemporain de Nice
  • Modération : Sarah Dion, News Tank Culture

« Concilier nos exigences en matière de conservation avec la réduction de l’impact carbone » (Mélanie Rivault)

  • « L’Afroa Association française des régisseurs d’œuvres d’art travaille sur l’évolution de nos pratiques métiers depuis une vingtaine d’années maintenant. Un régisseur d’œuvres d’art est chargé de l’organisation des mouvements des collections et la gestion matérielle des œuvres. Il s’agit à la fois d’un métier scientifique et technique. Nous travaillons aussi bien sur la gestion des réserves, la conservation préventive, la restauration des collections, que sur le montage des expositions et les prêts d’œuvres en France comme à l’étranger. Toute une partie de nos missions est donc liée aux transports, à l’emballage, à l’accrochage, à la sécurité et à la bonne conservation des œuvres. Nous sommes donc forcément très impactés par l’augmentation exponentielle des expositions temporaires et directement confrontés aux bilans carbone potentiellement désastreux de ces expositions, au quotidien. Nous assurons l’acheminement des œuvres, faisons faire la scénographie, avant de tout détruire à la fin, et ce, tous les trois à quatre mois.
  • Il s’agit d’éléments peu connus de la part du public, et pour cause, nous insistons peu sur ces questions. Nous peinons à recycler ou réemployer toute une partie des scénographies qui part à la benne, mais aussi les emballages, puisque les œuvres sont acheminées dans des caisses en bois sur mesure. Pour donner une idée de l’ampleur de la chose, un transporteur construit jusqu’à 3 500 caisses par an, soit 100 m3 de bois par semaine. À cela, s’ajoutent les vols et les camions que nous faisons venir. Plus nous avons de prêteurs, plus ils sont nombreux.
  • À la suite de ce constat, nous avons monté une journée d’étude sur le thème de la transition écologique dans les musées. À l’époque, nous manquions de sources, de publications sur lesquelles nous appuyer. Pour monter cette journée, nous sommes donc partis à la recherche de solutions concrètes. Cela nous a permis d’aboutir à trois grands axes : le premier sur les transports et les emballages, le deuxième sur l’éco-conception des expositions (plutôt axé sur la scénographie) et le troisième sur les marchés publics.
  • À la suite de cette journée, nous avons décidé de revenir plus spécifiquement sur l’un de ces axes qui nous semblait être le plus urgent à traiter et qui offrait la plus grande marge de manœuvre : la scénographie. Nous avons organisé une nouvelle journée d’étude en 2020. Nous y avons traité d’économie circulaire, de dons de matériaux, de mutualisation de scénographies, d’ajout de clauses environnementales dans les marchés publics avec l’idée de travailler en réseau.
  • Du point de vue de la scénographie, les deux actions plutôt faciles à mettre en place rapidement sont l’ajout de clauses dans les marchés publics et le don de matériaux muséographiques à la suite d’une exposition. Pour les clauses environnementales, nous nous sommes notamment rendu compte qu’il était possible de demander aux scénographes de reprendre une partie de l’ancienne exposition, en imposant éventuellement un pourcentage. 
    Mélanie Rivault - ©  Seb Lascoux
  • En pratique, le réemploi peut être compliqué, notamment si l’on passe d’une exposition de peintures à une exposition de sculptures. Par l’intermédiaire des marchés publics, il est aussi possible d’insister sur le sourcing sélectionner des fournisseurs ou des candidats des matériaux pour travailler avec des matériaux plus durables, plus responsables, labellisés ou recyclés. La question des marchés publics peut paraître un peu technique, mais il faut s’en servir comme d’un outil, d’un allié pour collaborer plus intelligemment avec les entreprises. La question du don des matériaux a aussi évolué très vite. Depuis début 2020, une plateforme numérique interministérielle, qui fonctionne un peu comme Leboncoin, permet de proposer des matériaux, du mobilier en bon état qui peut intéresser d’autres structures.
  • Sur le transport et l’emballage, nous sommes très dépendants des innovations techniques. Il va falloir que nous soyons mieux accompagnés par les entreprises avec lesquelles nous travaillons. Nous sommes confrontés à des règles auxquelles nous ne pouvons pas déroger. Nos camions vont toujours être climatisés, nos stocks vont toujours se situer dans des dépôts sécurisés, nous aurons parfois besoin d’escortes, etc. Il n’est pas évident de concilier nos exigences en matière de conservation avec la réduction de l’impact carbone. »

    Mélanie Rivault

« Les enjeux de durabilité sont devenus une exigence transverse » (Bruno Maquart)

  • « Les enjeux de durabilité sont devenus une exigence transverse, continue, à travers toutes les dimensions de l’activité muséale. Il s’agit donc d’une raison d’être d’Universcience. Notre révolution verte est engagée, même si nous sommes confrontés à de nombreux chantiers. Nous n’avons pas nécessairement réponse à tout, mais nous sommes mobilisés. Pour un musée de sciences comme le nôtre, tout ce qui est lié au climat, à la planète, à l’environnement, fait partie de nos sujets habituels, il est naturel de les traiter.
  • Nous avons récemment décidé de passer à la vitesse supérieure et de faire de la durabilité l’un des projets de notre établissement pour les cinq années qui viennent. Cela passe par une intensification des contenus. Notre offre muséale reposait traditionnellement sur un triptyque : “voir, toucher, faire”. Nous avons ajouté l’idée de “mobiliser”. Nos établissements, sur le climat en particulier, sont là pour contribuer à faire changer le regard des visiteurs, provoquer un choc pour qu’ils agissent dans leur propre vie. C’est le sens pris par notre programmation. Nous avons réalisé récemment une exposition intitulée “Renaissance” sur les imaginaires des effondrements, et ouvrirons l’année prochaine une expérience qui va s’appeler “Urgence climatique”.
  • Nous nous intéressons à nos visiteurs à la fois quand ils sont dans nos locaux, mais également dès leur domicile. Nous commençons aussi à réfléchir à un projet de tarification verte, qui sera mise en œuvre dès l’année prochaine, pour encourager le visiteur à émettre moins de gaz à effet de serre quand il vient nous voir. Cela va jusqu’à nos locaux, puisque pendant les travaux effectués sur le Palais de la Découverte, nous avons lancé une structure éphémère éco-conçue à 90 % : les Étincelles. Nous avons économisé l’équivalent de la consommation énergétique d’un foyer de quatre personnes pendant 20 ans pour sa construction, et les portes de mon bureau sont par exemple devenues le pupitre du planétarium.
  • Nous pouvons réemployer, or, il nous faut réinventer nos métiers, car nous ne savons pas le faire seuls. Par ailleurs, sur le numérique, nous sommes engagés dans une opération “numérique responsable”, car le numérique consomme notamment à travers la construction et la réutilisation du matériel. »

    Bruno Maquart
  • « Le développement durable n’est pas qu’un objectif du Palais des Beaux-Arts de Lille. Nous avons la chance d’être soutenus par la Ville de Lille • Population : 236 234 habitants en 2020 • Superficie : 34,8 km2 • Budget de la Culture en 2023 : 53,2 M€• Maire : Martine Aubry• Adjointe à la culture, à la coopération décentralisée et au… . Nous avons débuté nos actions, concernant le développement durable, il y a cinq ou six ans avec une décision qui a fait un peu de bruit dans le monde des musées : réduire le nombre des grandes expositions. Nous sommes passés d’une à deux grandes expositions par an, à une tous les deux ans. Nous nous sommes mis à privilégier des formats moyens, voire petits et une programmation au fil de l’année. Cela nous permet de nous concentrer sur la mise en œuvre d’un projet scientifique et culturel consistant à remettre en valeur les collections permanentes.
  • Comme nous continuons aussi à produire de grandes expositions, nous nous sommes lancés, il y a trois ans, dans l’élaboration d’une méthode pour l’éco-conception d’expositions. L’éco-conception n’est qu’un des aspects de l’éco-responsabilité du musée. Pour chaque aspect que nous traitons, plutôt que de réaliser un bilan carbone, nous nous inscrivons dans une analyse de cycle de vie Méthode d’évaluation normalisée permettant de réaliser un bilan environnemental multicritère et multi-étape d’un système sur l’ensemble de son cycle de vie. . Une exposition n’est pas qu’une scénographie. Le sujet de l’éco-responsabilité doit être traité bien en amont, en réfléchissant notamment au nombre d’œuvres et à leur origine géographique.
  • Lorsque nous avons commencé à travailler sur l’exposition “Expérience Goya”, j’ai imposé au commissaire de ne pas emprunter plus de 40 à 50 œuvres. Nous avons suivi une démarche similaire pour l’exposition “La Forêt magique”. L’objectif est de maîtriser toute la chaîne de production, pour que le cycle de vie soit aussi contenu et efficace que possible. Cela va jusqu’aux formes de communication, papier ou en ligne. Nous ne nous satisfaisons pas seulement de la réalisation d’expositions éco-conçues, mais œuvrons à mesurer de façon objective des résultats.
  • Pour “Expérience Goya”, notre première exposition éco-conçue qui s’est terminée au début de l’année, on peut trouver un rapport relatif aux émissions de CO2, ce qui permet d’identifier des marges de progression. Nous savons, aujourd’hui, que l’exposition a émis 39 tonnes de CO2, soit un peu plus que les émissions de trois Français dans une année, ce qui est peu. 
    Bruno Girveau - ©  Seb Lascoux
  • Ce processus est fastidieux, mais permet d’identifier la consommation par domaine et de créer des révolutions en matière d’usages dans les musées. Le principal problème n’est pas les émissions en CO2 du transport d’œuvres, mais les convoyeurs, à savoir les individus qui accompagnent les œuvres de leur lieu d’enlèvement au lieu d’accrochage. Nous encourageons les musées prêteurs à accepter de ne pas convoyer, ou bien à faire des constats d’état en visioconférence à l’ouverture des caisses contenant les œuvres.
  • Quand on se lance dans l’éco-conception de manière générale, cela suppose d’élaborer des méthodes, qui pour certaines n’existaient pas lorsque nous avons débuté notre activité. Nous avons conçu, à l’intention de tous, un guide d’éco-conception des expositions. Ce dernier découle de choix, de critères, que nous avons effectués et permet de donner quelques grandes orientations. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans du déclaratif, mais dans des résultats objectivés pour lesquels nous identifions des marges de progression.
  • Nous savons maintenant que des progrès devront être effectués sur les bâtiments qui sont des passoires énergétiques. Lorsque l’on croise cela avec des exigences très hautes en matière de conservation préventive, on arrive à des bilans énergétiques affreux. Il s’agit de voir si nous pouvons réviser à la baisse ces critères de conservation préventive, de température, de passer toutes les activités des musées au crible de l’éco-conception. »

    Bruno Girveau
  • « L’expérience que j’ai pu mener à la tête du Mamac Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain depuis 2016, ou dans le poste que j’occupais précédemment, est représentative de ce qui peut se faire à l’échelle de beaucoup d’établissements de petite ou moyenne taille. Depuis des années, souvent par le prisme économique, les établissements ont approché les questions d’éco-conception. Cela fait une douzaine d’années que je me suis imposée comme autodiscipline, d’abord comme commissaire, puis à la tête d’un établissement, de réemployer les scénographies existantes et de réaliser des modifications à la marge. L’objectif reste que le visiteur ne ressente pas cet effort quand il vient visiter l’exposition, qu’on ne lui assène pas un discours.
  • Nous réalisons depuis des années un réemploi systématique de scénographies ou de matériaux. Notre stockage est devenu extrêmement volumineux. Nous prêtons un certain nombre d’éléments, avons agi sur la durée des expositions en passant de cinq à six, ou encore travaillé sur la limitation des transports. Nous nous apercevons qu’au cours de la conception d’un projet, il existe plein de moments où l’on peut prendre ou non la décision d’agir afin de proposer un projet à l’impact le plus limité possible. Il s’agit de choix permanents, d’une discipline qu’on peut “imposer” au commissaire invité, de cheminements qui permettent d’aboutir à des expositions d’une plus grande sobriété.
  • La nécessité d’une sobriété dans les modes de production est aussi venue des artistes et du regard qu’ils portent sur le monde. Depuis les années 1960, des générations d’artistes se sont succédé. Ils sont devenus, très tôt, des sortes de lanceurs d’alertes. Par leur manière de faire et par leurs œuvres, ils ont commencé à porter un regard sur la vulnérabilité du vivant, des écosystèmes. Toute une génération a essayé de penser des modalités durables et des interventions non-invasives. Ce sont ces approches-là qui m’intéressent et sur lesquelles nous travaillons avec l’équipe. »

    Hélène Guenin

« Le rôle du secteur culturel est d’aider à sculpter des imaginaires nouveaux » (Bruno Maquart)

  • « Le rôle du secteur culturel est d’aider à sculpter des imaginaires nouveaux. Nous courons un risque majeur de dissonance cognitive, de fracturation de la société, parce qu’une partie de la société ne comprend pas où nous pouvons aller. Nous savons tous que nous allons devoir renoncer à un certain nombre de choses pour maintenir ce qui nous est essentiel. Il va falloir qu’on désinnove, qu’on déconstruise.
  • Cette ingénierie nécessite de la technicité, mais aussi l’intervention d’artistes, de philosophes, de sociologues… Notre responsabilité première, que nous soyons un musée d’art, un musée de sciences ou un musée de société est de nous réarmer collectivement, intellectuellement, pour trouver des manières de faire futur ensemble. À Universcience, nous ne voulons pas seulement expliquer pourquoi la planète se réchauffe, mais comment nous pouvons aider à la capacitation des publics, nous mobiliser en construisant une action collective afin de prendre notre futur en main. » 
    Bruno Maquart - ©  Seb Lascoux


    Bruno Maquart
  • « J’aime bien citer Isabelle Stengers qui, depuis des années, défend que l’imaginaire, les récits, pourquoi pas jusqu’à la science-fiction, constituent l’un des ponts avec la science et la connaissance scientifique. L’anthropocène terme proposé pour caractériser l’ère géologique actuelle qui se caractérise par des signes visibles de l’influence de l’être humain sur son environnement est un mot, un concept, qui a rendu visible l’impact des humains sur l’écosystème. Il est devenu un peu un mot commun, un mot partagé, mais aussi un mot qui fait peur. Il a été un déclencheur de conscience pour beaucoup de personnes dans le monde civil. Le fait que les artistes se soient approprié cette question sans employer ce mot précisément est aussi une façon de se réapproprier ces questions et peut-être de proposer d’autres regards qu’une vision strictement scientifique ou catastrophiste qui pourrait nous enfermer. »

    Hélène Guenin
  • « Si, en interne, nous cherchons à imposer une éco-conception d’expositions à des équipes en ne mettant en avant que la contrainte que cela représente, cela peut rester un exercice assez austère. L’enjeu est de continuer à créer des expositions attractives, émouvantes, passionnantes et dont l’éco-conception peut être totalement transparente pour le visiteur. Nous pouvons faire des expositions militantes sur le fond, qui soient à la fois belles et s’appuient sur un discours scientifique. Dans le cas de “La Forêt magique”, nous avons fait appel à des botanistes, des écologues. Il s’agit d’une exposition qui répond à des contraintes très strictes avec une réutilisation de la scénographie de l’exposition précédente à hauteur de 70 %, sans que cela se voit pour autant.
  • Nous devons fournir un autre imaginaire, un futur désirable qui peut s’élargir à l’écologie politique plutôt que de se cantonner à des chiffres pouvant faire peur. L’objectif est de construire un autre avenir que celui basé sur la maison individuelle, la voiture et le barbecue. Pour autant, nous ne pouvons pas y renoncer du jour au lendemain. Une substitution, dans laquelle le domaine culturel à un rôle majeur à jouer, doit intervenir. »

    Bruno Girveau

« Trouver des solutions collectives au lieu de tâtonner individuellement » (Hélène Guenin)

  • « Le Club développement durable des entreprises et établissements publics est co-animé par le ministère de la Transition écologique et Universcience pour deux ans. Il regroupe l’ensemble des opérateurs publics, entreprises ou établissements qui s’intéressent aux questions de durabilité. Vous y trouverez des musées, le CNRS Centre national de recherche scientifique , Pôle emploi, la SNCF Société nationale des chemins de fer français , des hôpitaux, Météo-France. Il s’agit d’un club qui permet de venir avec ses problèmes pour échanger avec d’autres structures qui pourraient avoir les mêmes. On se rend parfois compte qu’en dehors du secteur culturel, des entreprises issues d’autres secteurs réfléchissent à nos problématiques. Ce club, gratuit et sans obligation, permet aussi de tirer la sonnette d’alarme en avertissant les pouvoirs publics de l’existence d’éventuels verrous réglementaires. »

    Bruno Maquart
  • « La réflexion sur la mutualisation s’est accélérée avec la pandémie et une conscience grandissante de l’urgence des enjeux. Le Mamac fait partie du réseau Botox qui regroupe les lieux d’art contemporain des Alpes-Maritimes, de la Côte d’Azur, des Hautes-Alpes et de Monaco. Nous avons été plusieurs à nous dire que finalement, comme Monsieur Jourdain, nous agissions sans le savoir, que nous avions des actions volontaires chacun de notre côté et qu’il étant temps de passer à une version plus poussée. Nous avons décidé de travailler sur une formation de l’ensemble des équipes avec le collectif Les Augures. Tout l’écosystème artistique et culturel du territoire sera accompagné, de la galerie privée à l’artiste, en passant par les institutions. Nous allons pouvoir améliorer nos manières de travailler ensemble et peut-être trouver des solutions collectives au lieu de tâtonner individuellement.
  • Je ne suis pas sûre que la stigmatisation fonctionne, qu’il s’agisse d’un outil qui puisse encourager les collègues. Beaucoup de choses sont faites en matière de formation initiale et de formation continue. En transversal, au-delà, peut-être de l’impulsion d’un directeur ou d’une directrice, il y a vraiment des corps de métier qui réfléchissent aux conditions d’organisation de leur profession et aux leviers sur lesquels il est possible de s’appuyer. L'ICOM The International Council of Museums  a également organisé des rencontres professionnelles sur ces sujets. 
    Hélène Guenin - ©  Seb Lascoux
  • Il faut que nous arrivions à travailler collectivement, plutôt que chaque musée prenne des décisions dans son coin. À quel moment est-il plus raisonnable d’accompagner une œuvre dans un convoi ? Est-ce qu’une caisse climatique est vraiment nécessaire lorsqu’on va parcourir 300 kilomètres ? Peut-on aussi réfléchir à l’inertie plutôt que de se bloquer sur les questions de température ? Je travaille dans un musée du sud de la France, où il fait 35 degrés à l’ombre depuis le début du mois de juin et jusqu’à quasiment fin septembre. Est-ce qu’on va pouvoir tenir encore longtemps la norme des 19/21 degrés ? Les enjeux relatifs à la conservation préventive se posent aussi avec les collègues et l’ensemble du secteur pour arriver à trouver un consensus et des modes de fonctionnement qui soient plus sobres. »

    Hélène Guenin

« Associer les publics à l’action du musée » (Bruno Girveau)

  • « Nous sommes confrontés à deux enjeux, d’un côté l’éco-responsabilité et de l’autre le bénéfice social. Nous pouvons associer les publics à l’action du musée en minimisant notre impact carbone et en maximisant notre bénéfice social. Nous avons créé des “focus group”, ou comités d’usagers, afin de pouvoir les consulter. Ces groupes ont été impliqués dans la conception de projets innovants dans le domaine du numérique et, depuis peu, de commissariats d’exposition. L’objectif est d’inclure les publics y compris dans la médiation. Le commissaire reste le pilote scientifique d’une exposition, mais la confrontation au public peut l’amener à simplifier son propos pour le rendre plus accessible.
  • Au Palais des Beaux-Arts de Lille, nous avons 70 % de locaux. Même si nous manquons d’études fines sur la mobilité de nos visiteurs, il ressort des premières analyses que nous accueillons plutôt 70 à 80 % de gens qui viennent au moyen de mobilités douces. Or, en matière de collecte des données, la question du déplacement peut induire le visiteur en erreur. Il peut dire qu’il est venu en métro, alors qu’il vient en réalité en métro de la gare après avoir pris un train. Réaliser ce type d’étude implique la mise en place de questionnaires assez fins.
  • Nous avons aussi d’autres méthodes pour essayer de réduire l’impact carbone du déplacement des visiteurs, notamment les partenariats avec la SNCF, la SNCB puisque nous sommes tournés vers la Belgique. Ces partenariats impliquent des packages de billets avec un tarif d’entrée préférentiel si vous utilisez les transports en commun. Nous réfléchissons aussi à la manière dont nous pourrions, sur présentation d’un ticket de transport en commun, rembourser le déplacement d’un visiteur qui aurait privilégié une méthode douce. Par ailleurs, nous multiplions les arceaux à vélo devant le musée.
  • Nous ne savons pas encore calculer l’impact carbone d’un visiteur étranger, mais je pense qu’il faut qu’on arrive à le calculer et à encourager nos visiteurs à se déplacer de façon plus économe. »

    Bruno Girveau
  • « Comment pouvons-nous nous adresser aux gens qui sont responsables de 90 % de nos émissions de gaz à effet de serre ? Si nous élargissons un peu le champ de vision, ce sont les déplacements de nos visiteurs qui émettent beaucoup de CO2. Nous avons notamment mis en place un calculateur de CO2 au moment de l’achat du billet, pour leur envoyer un signal. Nous réfléchissons aussi à une tarification verte, pour encourager les déplacements propres. Une fois qu’on a commencé à tirer le fil, on est confronté qu’à des impasses logiques. La complexité implique de se lancer maladroitement et imparfaitement.
  • Nous réalisons aussi des expositions sur la durabilité. Nous avons proposé une exposition sur le jean qui évoque un modèle de production et de consommation qu’il faut abandonner, pour engager une redirection écologique de l’habillement. Nous expliquons notamment ce qu’est l’up-cycling, comment avoir un jean propre dès sa fabrication. Quel que soit le sujet abordé, nous le traitons sous ce prisme, parce qu’il n’est plus possible de faire autrement.
  • Les salariés poussent aussi beaucoup pour que nous fassions plus. J’ai reçu un jour une lettre signée par plusieurs centaines de salariés sur un millier qui me proposaient une liste de propositions qui a engagé la dynamique dans l’établissement. Dans nos entreprises de services à forte valeur ajoutée humaine, nous devons embarquer la communauté professionnelle. »

    Bruno Maquart
  • « Nous ne sommes pas un musée de société ou un musée de sciences, je ne me sens donc pas la légitimité de donner des leçons ou des conseils. Nous nous appuyons davantage sur des suggestions passant par le regard des artistes. Au cours de nos expositions, nous avons pu aborder d’autres manières de vivre dans des écosystèmes, l’anthropocène, l’attention à l’environnement, etc. À chaque fois, ces enjeux sont plutôt suggérés, bien qu’ils soient poussés par le travail effectué avec l’équipe des publics. 
  • Nous avons aussi, parfois, des adresses plus spécifiques. Nous avions lancé une exposition sur Gustave Metzger, qui est vraiment l’un des pionniers de cette question “art et écologie”. Parmi les différents projets proposés, il invitait le public à réaliser une sorte de revue de presse en direct pendant toute la durée de l’exposition, sur des enjeux qui nous concernent tous ou qui parfois nous semblent plus lointains, sur le mode de vie contemporain, sur l’état des océans, la disparition des espèces. Cela permettait à chacun de s’exprimer sur le sujet. C’est aussi par le biais des projets artistiques qu’on amène le public à interroger sa position par rapport à ces enjeux. »

    Hélène Guenin

« Nous ne pourrons plus faire autrement » (Bruno Maquart)

  • « Lorsque nous avons réalisé nos meilleurs efforts, il reste aussi la compensation, un sujet compliqué qui a été parfois mal engagé. Si c’est pour financer de l’huile de palme en Malaisie, ça ne va pas, mais aujourd’hui, la réflexion sur la compensation redémarre. Nous avons engagé une réflexion en interne et nous nous faisons aider quant à la manière de compenser intelligemment, notamment, la part des émissions liées aux déplacements qu’on ne pourra pas réduire.
  • Le public nous stimule également, notamment le public étudiant qui nous pose des questions redoutables. Qu’est-ce que vous faites ? Comment vous le faites ? Avec qui vous le faites ? Nous avons, par exemple, choisi d’être et d’être labellisés ISO Organisation internationale de normalisation . Des choses finiront aussi par se faire, car nous ne pourrons plus faire autrement. »

    Bruno Maquart

Bruno Maquart


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Parcours

Réseau européen des musées et centres de sciences (Ecsite)
Président du conseil d’administration
Universcience
Président
Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Directeur de cabinet
Ministère des affaires sociales et de la santé
Directeur de cabinet
Ministère des affaires sociales et de la santé
Directeur adjoint de cabinet
Inspection générale des affaires sociales (IGAS)
Inspecteur général des affaires sociales
France Muséums
Directeur général
Centre Pompidou
Directeur général

Établissement & diplôme

Institut national du service public (INSP)
Diplômé

Fiche n° 12180, créée le 24/06/2015 à 12:49 - MàJ le 11/09/2024 à 13:12

Parcours

Palais des Beaux-Arts de Lille et Musée de l’Hospice Comtesse
Directeur
Beaux-Arts de Paris (ENSBA)
Chef du département du développement scientifique et culturel

Établissement & diplôme

École nationale du patrimoine
Conservateur diplômé
Paris Sorbonne Université (Paris 4)
Diplôme d’études approfondies d’histoire de l’art

Fiche n° 184, créée le 16/10/2013 à 17:12 - MàJ le 24/01/2024 à 15:39

Hélène Guenin


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Parcours

Centre national des arts plastiques (CNAP)
Membre du conseil d’administration
Centre national des arts plastiques (CNAP)
Membre de la Commission d’acquisitions et de commandes, collège arts plastiques
Centre Pompidou-Metz
Responsable de la programmation
49 Nord 6 Est - FRAC Lorraine
Chargée de programmation et coordination
Casino Luxembourg - Forum d’art contemporain, Luxembourg
Chargée de coordination

Fiche n° 8379, créée le 19/01/2015 à 09:24 - MàJ le 03/06/2022 à 13:02

Mélanie Rivault


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Parcours

Association française des régisseurs d’œuvres d’art
Référente développement durable
Archives Nationales
Adjointe du service des entrées et de la régie des fonds
Musée de l’Orangerie
Régie des collections et des expositions
Musées Nationaux des Alpes maritimes : Musée Marc Chagall à Nice, Pablo Picasso à Vallauris
Régie des collections et d’expositions
Musée des Beaux-Arts de Rennes
Régie des collections et d’expositions

Fiche n° 46437, créée le 14/06/2022 à 19:07 - MàJ le 28/06/2022 à 11:00


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Débat « Les musées et l’écologie : un nouveau lien entre arts et sciences ? » - ©  Seb Lascoux