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Think 2022 : « Il faut faire confiance au terrain pour la transition écologique » (J.-F. Hebert, MC)

Paris - Actualité n°262841 - Publié le 08/09/2022 à 15:40
©  Seb Lascoux
Patrick Brie, Martin Malvy, Jean-François Hebert et Sarah Rozenbaum - ©  Seb Lascoux

« L’actualité de ces dernières années est marquée par une impression d’avances et de reculs relatifs entre transition écologique et patrimoine. Mais aujourd’hui, nous sommes passés d’une ère de confrontation de lois à un travail de terrain avec des acteurs locaux parce que c’est à eux qu’il faut faire confiance afin de trouver le meilleur compromis possible », déclare Jean-François Hebert, directeur général des patrimoines et de l’architecture au ministère de la Culture • Création : 1959 • Missions : - rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France, - conduire la politique de sauvegarde, de protection et de… , lors du débat « Patrimoine et écologie : alliés ou adversaires ? » dans le cadre de la 7e édition de Think Culture Événement dédié à l’innovation dans le pilotage de la culture, organisé par News Tank Culture au Centre Pompidou • Établissement public culturel pluridisciplinaire ouvert en 1977.• Réunit le MNAM (Musée national d’art moderne), le CCI (Centre de création industrielle), le DCC (Département culture et création)… (Parie 4e) le 06/09/2022.

« La complicité entre patrimoine et écologie est installée depuis très longtemps dans les territoires de la nation française. Il faut associer le public à la démarche de réflexion sur ce que l’on doit faire de notre territoire. Cela nécessite une prise de conscience spécifique du territoire », indique Patrick Brie, sous-directeur adjoint de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. 

« En 2030-2040, si nous continuons à construire comme actuellement, en imperméabilisant les sols, ce sont l’équivalent de deux départements qui seront imperméabilisés en France. Nous n’avons pas le choix. Ou nous saurons nous adapter dans les années qui viennent ou nos villes deviendront inhabitables », ajoute Martin Malvy, président de l’association Sites et Cités remarquables de France • Association des Villes et Pays d’art et d’histoire et des Sites patrimoniaux (anciennement ANVPAH & VSSP) • Réunit 307 villes et territoires porteurs d’un label Villes et Pays d’art et…

News Tank rend compte des échanges.

Les intervenants
  •  Jean-François Hebert, directeur général des patrimoines et de l’architecture au ministère de la Culture
  • Patrick Brie, sous-directeur adjoint de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
  • Martin Malvy, président de l’Association Sites et Cités remarquables de France
  • Modération : Sarah Rozenbaum, News Tank Culture

« Le patrimoine est incontestablement un atout considérable pour la transition écologique » (Jean-François Hebert)

  • L’écologie a intégré la culture depuis longtemps. Il y a cependant réellement des sujets qui se posent aujourd’hui. L’implantation des énergies renouvelables comme les éoliennes et les panneaux solaires et photovoltaïques ainsi que l’isolation thermique créent des conflits entre la volonté de protéger le patrimoine et la volonté de promouvoir la transition écologique. Il y a eu des années très compliquées.
  • Je prends comme symboles de ces tensions deux grandes lois, la loi LCAP Liberté de création, architecture et patrimoine et la loi ELAN Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique , qui illustrent ce mouvement pendulaire. Nous avons eu le sentiment certaines années que la protection du patrimoine faisait des progrès et puis une loi plutôt bénéfique à la transition écologique faisait reculer les choses. La première loi a réalisé de très grandes avancées dans le domaine du patrimoine en 2016. Nous vivons sur cette loi aujourd’hui. Nous avons créé des domaines nationaux autour des monuments les plus importants de notre pays qui impliquent des règles d’inaliénabilité. Elle a donné des outils très forts à l’État pour  protéger le patrimoine et a inscrit dans la loi française le patrimoine mondial. 
    Jean-François Hebert - ©  Seb Lascoux
  • Deux ans après, la loi ELAN, elle, promeut la dimension écologique et porte une entaille à la protection du patrimoine, en prévoyant par exemple que quand un bâtiment est en péril ou insalubre, il est possible de se passer de l’avis conforme de l’architecte en chef des Bâtiments de France. Côté patrimoine, c’est perçu comme un recul. L’actualité de ces dernières années est marquée par cette impression d’avances et de reculs relatifs.
  • Aujourd’hui, nous avons vraiment changé de vision ne serait-ce que parce que la transition écologique est inscrite dans la feuille de route du gouvernement lui-même. La ministre de la Culture a prescrit à l’ensemble du ministère de travailler très fortement à un passage à la transition écologique, c’est vraiment une de nos priorités. Ce n’était pas le cas antérieurement.
  • Mon point de vue est qu’il ne faut pas créer de nouveaux textes, de nouvelles lois. Tous ces textes nous asphyxient, personne ne connaît la législation.
  • J’ai le sentiment qu’il faut faire confiance au terrain, donner un cadre, appliquer localement les prescriptions et trouver le meilleur compromis possible. Il faut que nous implantions un maximum de panneaux photovoltaïques car nous avons un gros problème de production d’électricité donc il faut trouver une solution. Un texte de loi sur ce sujet est impossible. L’important est plutôt de dire « Quand on implante des panneaux photovoltaïques dans un lieu qui est protégé au titre de la culture, voyons l’inclinaison des panneaux, essayons de trouver l’inclinaison la plus intelligente, regardons la teinte, l’insertion dans la toiture… ».
  • Nous sommes passés d’une ère de confrontation de lois à un travail de terrain avec des acteurs de terrain parce que c’est à eux qu’il faut faire confiance.
  • Le patrimoine est incontestablement un atout considérable pour la transition écologique car le bâti ancien est intrinsèquement un ensemble de matériaux durables, il est arrivé jusqu’à nous, a résisté au temps. Ce sont aussi des lieux de stabilité climatique avec des bâtiments aux murs très épais.
  • C’est aussi un avantage pour la préoccupation qui est la nôtre actuellement, celle d’utiliser le moins de sol possible, le fameux « zéro artificialisation des sols ». Or, c’est un bâti qui existe, qui ne consomme par de sol supplémentaire et pas de matériaux supplémentaires, ou moins, quand il faut le restaurer.
  • Dans les projets portés par les jeunes architectes aujourd’hui, 60 % sont des projets de réhabilitation. Cela s’accompagne d’une réflexion de plus en plus poussée sur les matériaux utilisés. Toutes les écoles d’architecture aujourd’hui sont complètement orientées vers ces nouvelles manières d’aborder des projets. Nous ne construisons plus comme il y a 20 ou même 10 ans. Cette sobriété qui doit maintenant nous guider est un principe directeur pour les jeunes architectes d’aujourd’hui, ceux qui ont entre les mains l’habitat de demain.

    Jean-François Hebert

« La démarche de la transition écologique est forcément internationale et nous oblige » (Patrick Brie)

  • La complicité entre patrimoine et écologie est installée depuis très longtemps dans les territoires de la nation française. J’en prendrai quelques exemples : nous travaillons sur les sites classés qui sont des espaces patrimoniaux protégés par le Code de l’environnement par une loi votée en 1930. Ce sont des monuments naturels que l’on protège.
  • La convention internationale du patrimoine Unesco Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture en 1972 rassemble une dizaine de critères et on trouve sa déclinaison en France avec des espaces naturels qui viennent s’associer à des espaces culturels. Par exemple, le Mont Saint-Michel avec sa zone tampon.
  • Plus fortement encore, Natura 2000 qui est un objet réglementaire de type écologiste. Ce sont des ensembles de directives qui intègrent la dimension culturelle du patrimoine naturel qu’on cherche à protéger. Historiquement, nous sommes sur une alliance et une complicité entre le patrimoine et l’écologie assez fortement marquée.
  • Il y a différentes politiques nationales qui s’appliquent en matière d’écologie, que ça soit les politiques de protection mais aussi les politiques de maîtrise des risques naturels par exemple, celles de mobilité, et celles de logement. Toutes ces politiques donnent l’impression au niveau national de pouvoir présenter des contradictions. La réponse consiste à dire que les solutions entre transition écologique et patrimoine se trouvent sur les territoires. La mutualisation des savoir-faire, le partage des expériences, sont vraiment une des pistes pour montrer aux acteurs du territoire que derrière les contradictions apparentes, il y a des solutions. La notion d’étude d’impact des projets permet d’associer le public à la démarche de réflexion sur ce qu’on doit faire de notre territoire. 
    Patrick Brie - ©  Seb Lascoux
  • La démarche paysagère est une démarche qui correspond à une convention ratifiée par la France, la convention européenne du paysage qui propose un certain nombre d’engagements aux États membres. Parmi ceux-ci, la participation du public à la gestion de leur territoire. Cela nécessite une prise de conscience spécifique du territoire et la construction d’un projet politique d’aménagement en partenariat entre les élus et les acteurs du territoire.
  • Pour le patrimoine mondial, nous avons un certain nombre d’outils pour aider à la réflexion, pour que la France ne commette pas d’erreur vis-à-vis de ses engagements. Ce sont par exemple les aires d’influence paysagère développées par le ministère de la Transition écologique et le ministère de la Culture.
  • Le paysage est une construction culturelle mais aussi une construction en réponse à une histoire. Avant les éoliennes et les énergies renouvelables, l’énergie a toujours façonné les territoires avec par exemple les moulins à vent, les barrages…
  • Le gouvernement a mis en place un fonds pour le recyclage des friches qui a été développé avec 500 ou 600 millions d’euros. Il vise à réutiliser des friches urbaines, dans lesquelles on trouve beaucoup de patrimoine intéressant, notamment du patrimoine industriel. Ce fonds permet de renaturer des espaces qui ont été déjà anthropisés.
  • La démarche de la transition écologique est forcément internationale et nous oblige. Tous les décideurs de notre Europe large ont le même souci de faire évoluer leurs pratiques.

    Patrick Brie

« La problématique de l’eau sera, dans les années qui viennent, l’une des problématiques majeures pour le patrimoine » (Martin Malvy)

  • L’association Sites et cités remarquables de France est née après la loi LCAP de 2016. C’est une association vouée à la défense du patrimoine et qui regroupe à peu près 300 villes et territoires. Nous sommes en partenariat avec le ministère de la Culture et avec le ministère des Affaires étrangères.
  • Lorsque l’isolation extérieure d’un quartier ancien est évoquée, il est évident qu’il y a friction. Notre association et le Cerema Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement avons créé un portail, Cremat, sur l’isolation, la préservation de l’habitat qui devient un grand sujet. Cette isolation doit se faire par l’intérieur et avec l’utilisation de matériaux biosourcés.
  • Il y a quelques points qui fâchent entre patrimoine et écologie mais il y a aujourd’hui un grand nombre d’avancées dans le domaine de l’adaptation de la ville à la transition écologique.
  • Je pense que les maires sont très sensibilisés à la question de la transition écologique. La question des toits d’une ville est également importante car le patrimoine peut aussi se regarder d’en haut et leur déformation par des implantations de panneaux serait sans doute d’une grande dévastation.
  • Nous sommes très opposés à l’idée que les ABF Architectes des bâtiments de France pourraient être dispensés d’intervention sur les sujets de ce type dans les centres anciens. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de solutions à trouver. 
  • La problématique de l’eau sera, dans les années qui viennent, l’une des problématiques majeures pour le patrimoine. Les précipitations devraient rester à peu près identiques en termes de quantité. Par contre, elles auront la violence que l’on connaît désormais et entraîneront des catastrophes.
  • C’est un sujet majeur pour la ville, probablement davantage pour la ville ancienne, la ville patrimoine. Notamment parce qu’elle a des systèmes d’évacuation des eaux beaucoup plus restreints et réduits que ceux qui ont été faits récemment. Le risque d’inondation y est un risque majeur. Il y aura en même temps une quête de l’eau qui ne sera plus disponible et des catastrophes. 
    Martin Malvy - ©  Seb Lascoux
  • En 2006-2007, nous avons créé un groupe d’étude qui travaille toujours sur le sujet « quartiers anciens, quartiers durables ». Il propose des retours d’expérience, je pense qu’il faut les examiner.
  • Il faut une artificialisation zéro des sols et construire différemment en préservant la transparence des sols et en désimperméabilisant ce qui l’est déjà en contrepartie de nouvelles constructions.
  • En 2030-2040, si nous continuons à construire comme actuellement, ce sont l’équivalent de deux départements comme la Gironde et la Haute-Garonne qui seront imperméabilisés en France. Or, l’imperméabilisation des sols empêche l’eau de pénétrer dans les sols et provoque les inondations que nous connaissons.
  • Tous nos documents de protection des territoires sur le bâti et la présence humaine doivent aujourd’hui faire l’objet de nouveaux examens. On a souvent construit aux limites, il y a 20 ans, de ce qui était acceptable en matière de préoccupation d’inondations. Mais ce qui était acceptable il y a 20 ans est devenu aujourd’hui un danger majeur.
  • Nous n’avons pas le choix. Ou nous saurons nous adapter dans les années qui viennent ou nos villes deviendront inhabitables.

    Martin Malvy

Jean-François Hébert


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Parcours

Ministère de la Culture
Directeur général des patrimoines et de l’architecture
Association de préfiguration de la Maison de l’histoire de France
Président
Ministère de la Culture
Directeur de Cabinet de Christine Albanel
Cité des sciences et de l’industrie
Président
Ministère des Armées et des Anciens combattants
Secrétaire général pour l’administration du ministère de la Défense
Ministère des Armées et des Anciens combattants
Conseiller budgétaire auprès de François Léotard, puis Charles Million, ministres de la Défense
Ministère de la Culture
Conseiller technique chargé des questions administratives et financières auprès de François Léotard

Fiche n° 6251, créée le 28/09/2014 à 19:39 - MàJ le 11/10/2023 à 18:46

Patrick Brie


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Parcours

Ministère de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques (MTEECPR)
Sous-directeur adjoint de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages
Office international de l’eau (OIEAU)
Directeur-délégué
Ambassade de France Berlin
Attaché commercial en charge du suivi de la reconstruction de l’Allemagne de l’Est

Fiche n° 47090, créée le 02/09/2022 à 10:11 - MàJ le 08/09/2022 à 14:38

Martin Malvy


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Parcours

Communauté de communes du Grand Figeac
Président
Conseil régional de Midi-Pyrénées
Président
Assemblée nationale
Président du groupe socialiste
Ville de Figeac
Maire

Fiche n° 6291, créée le 30/09/2014 à 14:41 - MàJ le 05/09/2022 à 15:18


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©  Seb Lascoux
Patrick Brie, Martin Malvy, Jean-François Hebert et Sarah Rozenbaum - ©  Seb Lascoux