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Think Culture 2018 : « Il faut un plan Nyssen/Blanquer pour donner une impulsion à l’EAC » (A. Meunier)
Paris - Actualité n°127902 - Publié le 05/09/2018 à 14:20
« En matière d’EAC
Éducation artistique et culturelle
, le dernier événement a été le plan Lang/Tasca de développement des arts et de la culture à l’école, lancé en 2000. Depuis, nous devons bricoler avec des budgets en constante érosion, tant au niveau du MC
Ministère de la Culture
que du ministère chargé de l’Éducation nationale. Aujourd’hui, les pouvoirs publics me demandent de choisir entre 70 heures d’ateliers et la production d’un spectacle. Nous devons nous battre collectivement pour ne pas avoir à choisir, car l’un est le moteur de l’autre. Nous ne pouvons pas dissocier la pratique artistique de l’activité de spectateur. Nous sommes actuellement dans l’attente d’un plan Nyssen/Blanquer d’envergure pour donner une nouvelle impulsion nationale », déclare Arnaud MeunierDirecteur @ MC2 Maison de la Culture de Grenoble - Scène nationale Mises en scène :- Tout mon amour de Laurent Mauvignier (2020)- Candide de Voltaire (2019)- J’ai pris mon père sur mes épaules de…
, directeur de La Comédie de Saint-Étienne, durant l’atelier « L’éducation artistique et culturelle : quel rôle pour les professionnels culturels ? », lors la 3e édition de Think Culture, organisée par News Tank Culture à l’université Paris-Dauphine le 04/09/2018.
« L’obstacle à un plus grand développement de l’EAC ne vient pas d’un manque de financements. Il y a des budgets dédiés dans les DRAC
Direction régionale des affaires culturelles
qui profitent directement aux collectivités territoriales. Nous avons monté ainsi trois projets au sein du conservatoire municipal de Chartres sans toucher à son budget de fonctionnement. Certaines DRAC se plaignent d’ailleurs, au sein de la FNCC
Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture
, d’avoir des crédits d’EAC non utilisés. Le problème est que l’utilisation de ces fonds dépend uniquement de la bonne volonté des élus municipaux et que ces derniers sont très peu formés. Il faut donc qu’il y ait obligation et ce signal fort ne pourra venir que du ministère de la Culture et/ou du ministère de la Cohésion des territoires », indique Isabelle VincentVice-présidente @ Fédération Nationale des Collectivités pour la Culture (FNCC) • Elue communautaire @ Haute-Savoie • Maire adjointe à la culture et au patrimoine @ Mairie de Chartres , maire adjointe à la culture et au patrimoine de la Ville de Chartres.
Vincent NiqueuxDirecteur général @ JM France (JMF) • Formation en Chant/Art Lyrique au Conservatoire de Clermont-Ferrand et au CNSMD de Paris
, directeur général de Jeunesses musicales de France, et Anne-Frédérique BourgetMembre du Conseil d’Administration @ Association Nationale de Recherche et d’Action théâtrale (ANRAT) • Fondatrice et Directrice artistique @ Compagnie Maskantête , fondatrice et directrice artistique de la compagnie Maskantête, participaient également à l’atelier modéré par André CayotPrésident @ JM France (JMF) • Consultant @ Indépendant , consultant.
Intervenants
Anne-Frédérique Bourget, fondatrice et directrice artistique de la compagnie Maskantête
Arnaud Meunier, directeur de La Comédie de Saint-Etienne
Vincent Niqueux, directeur général de Jeunesses musicales de France
Isabelle Vincent, maire adjointe à la culture et au patrimoine de la Ville de Chartres
« L’utilisation du terme EAC
Éducation artistique et culturelle
entraîne une confusion entre les missions et dans l’attribution des budgets » (Anne-Frédérique Bourget)
Dans la région des Hauts-de-France, nous avons 10 SN
Scène nationale
et deux CDN, les élèves sont donc sensibilisés au théâtre, mais malheureusement ils ne poursuivent pas cette fréquentation une fois sortis du système scolaire. Il faut donc inventer de nouvelles formules pour les attirer. La compagnie Maskantête organise notamment des ateliers d’art contemporain populaires. Nous tenons beaucoup à accoler le terme populaire à celui de contemporain, car les deux peuvent coexister.
L’EAC est un enjeu éthique. Il ne suffit pas simplement de transmettre ses savoirs, mais d’être dans une démarche de co-construction. Il faut l’avoir l’image d’un artiste avec son public et non d’un artiste face à son public.
Les artistes et enseignants doivent se former ensemble, comme il se fait au sein de l'ANRAT
Association nationale de recherche et d’action théâtrale
. Une fois que des outils communs sont mis en place, nous ne sommes plus obligés d’être constamment là pour organiser des ateliers. Il s’agit d’un gain de temps considérable qui pourrait permettre, à terme, la massification de l’EAC.
On pourrait même imaginer définir une boîte à outils commune au niveau de l’Europe. N’ayons pas peur de danser sur les frontières. »
Anne-Frédérique Bourget, fondatrice et directrice artistique de la compagnie Maskantête
Anne-Frédérique Bourget
Membre du Conseil d’Administration @ Association Nationale de Recherche et d’Action théâtrale (ANRAT)
Fondatrice et Directrice artistique @ Compagnie Maskantête
Pourtant, il est inscrit dans mes missions de directeur de la Comédie de Saint-Etienne que je dois mener des actions d’EAC sur le territoire. La plupart du temps, je dois donc me tourner vers la direction départementale de la cohésion sociale ou la politique de la Ville pour obtenir des crédits.
Bien sûr, il faut également voir les côtés positifs : la France a la chance d’avoir un réseau de théâtres publics décentralisés inégalé dans de nombreux pays et qui attire les artistes internationaux. Il y a également une réelle prise de conscience de l’importance de l’EAC. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Mais, pour réaliser ces belles idées théoriques, il faut du temps et des moyens. Il ne suffit pas de faire une rencontre de deux heures entre un artiste et des élèves pour que ça marche, il faut a minima 70 heures annuelles par lycée pour réaliser un projet cohérent et pérenne avec des élèves, comme La Comédie de Saint-Étienne a récemment eu la chance de l’expérimenter. L’utopie de la massification reste une utopie. Je préfère réaliser une seule action formidable que de saupoudrer l’ensemble du territoire.
Le problème est que les pouvoirs publics me demandent de choisir entre ces 70 heures d’EAC et la production d’un spectacle. Nous devons nous battre collectivement pour ne pas avoir à choisir, car l’un est le moteur de l’autre. Nous ne pouvons pas dissocier la pratique artistique de l’activité de spectateur. Les publics reviennent au théâtre, justement car ils ont rencontré un metteur en scène ou aimé un texte lors d’un atelier de pratique. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est indispensable que les artistes au plateau et les artistes qui font des ateliers soient les mêmes.
Il faut également se battre contre l’idée que les budgets ne peuvent pas augmenter. Si nous intériorisons le fait qu’il n’y a pas d’argent et que notre métier sera de gérer la pénurie constante, alors autant tout arrêter.
Outre l’aspect financier, nous sommes confrontés à des problèmes administratifs dans la mise en place des projets d’EAC. Le MC, la DGCA
Direction générale de la création artistique
et les DRAC
Direction régionale des affaires culturelles
mènent souvent trois politiques différentes. Nous sommes également passés d’une logique de soutien au fonctionnement des institutions à une logique de l’aide aux projets. Cela induit de passer un nombre d’heures incalculables à faire des dossiers de subventions et de justifications de dépenses de subventions. Au lieu de fluidifier l’action, les pouvoirs publics l’ont bureaucratisée.
Le sujet de l’EAC est en réalité celui de l’égalité des chances. Nous ne pouvons l’envisager sans nous pencher sur les inégalités sociales. Les conservatoires sont fréquentés uniquement par les classes moyennes et supérieures, car là où ces dernières voient dans la musique une perspective d’ouverture d’esprit, les classes populaires l’envisagent comme une perte de temps par rapport aux matières traditionnelles et à la possibilité de réussite dans les études. Nous devons nous saisir de cette question pour que nos pratiques artistiques puissent un jour refléter la diversité de la population.
Nous sommes dans l’attente d’un plan Nyssen/Blanquer d’envergure pour donner une nouvelle impulsion nationale. »
Arnaud Meunier, directeur de La Comédie de Saint-Étienne
Arnaud Meunier
Directeur @ MC2 Maison de la Culture de Grenoble - Scène nationale
Mises en scène :
- Tout mon amourde Laurent Mauvignier (2020)
- Candide de Voltaire (2019)
- J’ai pris mon père sur mes épaules de Fabrice Melquiot (2019)
- Je crois en un seul dieu de Stefano Massini (2017)
- Truckstop de Lot Vekemans (Festival d’Avignon, 2016)
• 2014 : Grand prix du Syndicat de la critique pour la mise en scène de Chapitres de la chute, Saga des Lehman Brothers, de Stefano Massini.
Je veux croire en cette utopie, car le temps des expérimentations doit cesser pour laisser la place à une extension massive. Nous dénombrons déjà 5 000 musiciens intervenants en établissements scolaires sur le territoire, il faut également mobiliser les acteurs intermédiaires de second cercle et surtout la population.
La dernière étude sur la démocratisation culturelle, réalisée par BVA pour le compte de l’ancien Sgmap
Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (2012-2017)
en 2016, a totalement oublié les associations culturelles. Pourtant, nous n’arriverons pas à massifier sans la population. Les bénévoles sont encore considérés, soit comme des amateurs, soit comme des substituts de professionnels.
Au sein du théâtre, ce cloisonnement est historique puisque les pratiques amateurs ont été gérées pendant des années par le ministère chargé de la jeunesse et des sports, dans une posture presque infamante. Il faut changer de paradigme et s’appuyer largement sur les associations culturelles de l’éducation populaire pour construire une politique d’EAC globale.
JMF
Jeunesses musicales de France
comptent 50 pays adhérents. Il s’agit du plus grand diffuseur de musique français, héritier de l’éducation populaire. Nous organisons 2 000 spectacles, ateliers et parcours musicaux par an qui permettent de toucher 400 000 enfants et jeunes - ce qui reste évidemment insuffisant par rapport aux 12,5 millions d’élèves d’une classe d’âge scolaire.
Je suis un directeur heureux, car les moyens qui nous sont accordés par les pouvoirs publics et les professionnels sont stables ou en augmentation. Pourquoi ? Nous nous sommes placés comme une structure-ressource, qui porte des projets sur l’ensemble du territoire au service d’un développement collectif de l’EAC. Nous travaillons avec 400 salles et 100 partenaires culturels et institutionnels avec qui nous créons une stratégie commune. Indépendamment des questions financières, la clé du développement de l’EAC réside dans la mutualisation.
Nous venons également de créer, en février 2018, un fonds de dotation musical pour l’enfance et la jeunesse, soutenu notamment par la Sacem
Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
. Son objectif est de financer des actions culturelles longues pour associer pleinement la découverte du spectacle avec la pratique culturelle. Ce type d’initiative intéresse particulièrement les entreprises : en donnant des fonds, elles n’ont pas l’impression de boucher un trou dans le budget de fonctionnement ou de financer un projet éphémère, mais bien d’agir de manière durable sur le territoire. »
Vincent Niqueux, directeur général de Jeunesses musicales de France
Vincent Niqueux
• Formation en Chant/Art Lyrique au Conservatoire de Clermont-Ferrand et au CNSMD de Paris
Pour les adultes, nous nous appuyons sur les compagnies théâtrales et le tissu associatif dense. Notre force est d’être expert du territoire, nous connaissons bien les populations et pouvons ainsi faciliter l’intervention des professionnels auprès d’eux.
L’obstacle à un plus grand développement de l’EAC ne vient pas d’un manque de financements. Il y a des budgets dédiés dans les DRAC qui profitent directement aux collectivités territoriales. Nous avons monté ainsi trois projets au sein du conservatoire municipal de Chartres sans toucher à son budget de fonctionnement. Certaines DRAC se plaignent d’ailleurs au sein de la FNCC
Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture
- dont je suis vice-présidente - d’avoir des crédits d’EAC non utilisés.
Le problème est davantage d’ordre organisationnel. L’utilisation de ces fonds dépend uniquement de la bonne volonté des élus et malheureusement certains sont très peu formés sur les questions culturelles, d’autres ne s’en préoccupent pas du tout. Il faut donc qu’il y ait obligation et ce signal fort ne pourra venir que du MC et/ou du ministère de la Cohésion des territoires. »
Isabelle Vincent, maire adjointe à la culture et au patrimoine de la Ville de Chartres
Isabelle Vincent
Vice-présidente @ Fédération Nationale des Collectivités pour la Culture (FNCC)
Elue communautaire @ Haute-Savoie
Maire adjointe à la culture et au patrimoine @ Mairie de Chartres
Mairie de Chartres Maire adjointe à la culture et au patrimoine
2008 - 2014
Mairie de Chartres Conseiller déléguée au rayonnement et à la promotion de la ville
1987 - 1993
The Adecco Group Assistante du Président Directeur Général
Fiche n° 30177, créée le 23/04/2018 à 14:49 - MàJ le 05/09/2018 à 14:33
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