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« Pour certains de nos labels, YouTube peut représenter 50 % des revenus » (Pascal Bittard, IDOL)

News Tank Culture - Paris - Entretien n°81967 - Publié le 01/12/2016 à 10:26
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©  D.R.
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« Nous nous sommes très vite intéressés à YouTube car nous y avons vu un très gros potentiel pour nos labels, qui sont petits mais qui disposent souvent d’une très forte identité, et donc de fans bases solides. Pour certains labels, de musiques africaines par exemple, YouTube peut représenter 50 % des revenus. Et pas des petits revenus. De manière globale, YouTube représente 15 à 20 % de notre chiffre d’affaires. Ce qui est loin d’être anecdotique », déclare Pascal Bittard, président-fondateur du distributeur de musique numérique IDOL, à News Tank le 01/12/2016. La société, qui distribue 300 labels indépendants, célèbre sa dixième année d’existence. IDOL, qui réalise 70 % de son chiffre d’affaires à l’international et qui dispose de bureaux en Angleterre et aux États-Unis, procédera à l’ouverture d’un nouveau territoire « dans les six mois à venir ».

Pascal Bittard revient sur la montée en puissance du streaming audio et sur l’impact de la consommation sous forme de playlists. « Il est certain que les services de streaming deviennent de très grosses machines, via lesquelles la consommation se fait massivement par les playlists. Si l’on ne fait pas attention, on pourrait, même si la comparaison est osée, se retrouver dans un système équivalent à celui des radios FM : si un titre est “skippé” dans une playlist, on l’ôte car il n’est pas jugé suffisamment efficace par le public. C’est un sujet régulièrement évoqué au sein de Merlin (agence spécialisée dans l’octroi de licences digitales, NDLR), dont IDOL fait partie. Nous sommes en pleine renégociation avec Spotify en ce moment. Notre but n’est pas uniquement de négocier un meilleur taux, mais aussi d’obtenir des engagements sur l’exposition des répertoires indépendants et de la diversité », indique-t-il.

Pascal Bittard répond aux questions de News Tank.


IDOL s’est lancé en 2006, période où le marché du téléchargement était balbutiant. Qu’est-ce qui vous a incité à créer votre structure de distribution en ligne ?

Le marché du téléchargement légal était en effet naissant. Je l’ai découvert lorsque j’étais directeur marketing de V2, où le numérique faisait partie de mes attributions. Je m’étais occupé des premiers contrats avec iTunes, Fnac Music, VirginMega et Starzik.

Monter IDOL relevait davantage d’un choix de vie qu’autre chose : j’ai toujours voulu être entrepreneur, ce que j’ai pu accomplir après mon départ de chez V2. J’ai vu qu’un métier naissait, que des agrégateurs comme The Orchard ou Believe se mettaient en place, et que cela correspondait à des compétences que j’avais acquises. Je me suis lancé parce que je me sentais complètement légitime dans ce nouveau métier, pas spécialement en y voyant la poule aux œufs d’or.

Comment les labels indépendants appréhendaient alors ce marché ?

En 2006, le numérique pesait moins de 10 % du marché de la musique. Nous étions dans un contexte de crise. Tout le monde était sur la défensive. Difficile de dire comment les labels indépendants ont majoritairement accueilli ce nouveau marché à l’époque. Certains étaient déjà très aventureux et modernes, d’autres peut-être plus réticents que les majors. Mais très vite ils se sont rendu compte que le numérique constituait un revenu additionnel.

Les trois labels importants avec lesquels nous avons lancé IDOL étaient aux antipodes : Kitsuné, ultra-moderne et très international, Dreyfus, label jazz prestigieux, international aussi mais pas foncièrement porté sur la modernité, et Atmosphériques, label de Marc Thonon, qui nous a grandement aidé à notre démarrage. C’est d’ailleurs avec Atmopshériques que nous avons connu notre premier succès, puisque nous avions la distribution du premier album de Charlie Winston, Hobo.

Quelles ont été les étapes marquantes dans le développement de la structure ?

Notre cœur de métier évolue davantage depuis trois ans qu’il n’a évolué au cours des sept premières années »

L’arrivée de mon associé, Jean-Philippe Lecaille, constitue une étape essentielle dans le développement d’IDOL. Il en est le directeur technique, c’est lui et son équipe qui ont développé toute notre technologie. J’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un de très doué. C’est grâce à lui que nous disposons de cette double compétence, à la fois technologique et commercial/marketing, qui imprime notre culture d’entreprise. Même moi, qui étais peu porté sur la technologie, j’ai vite compris que si nous n’étions pas bons sur cet aspect-là, nous ne pouvions pas espérer aller bien loin. Et cela m’a très vite passionné.

Mais si l’on doit parler d’étape marquante, je dirais que notre cœur de métier, qui reste la promotion des ventes auprès des plateformes, évolue davantage depuis trois ans qu’il n’a évolué au cours des sept premières années. Ceci pour une raison assez simple : le téléchargement était une réplique, dans le numérique, du modèle physique, soit l’achat d’un titre ou d’un album. Le streaming, c’est une révolution en termes d’usage et de consommation mais aussi pour les professionnels que nous sommes.

Marché du streaming musical en France

Source(s) : SNEP

Quels changements cette montée en puissance du streaming ont-ils provoqué au sein d’IDOL ?

YouTube représente 15 à 20 % du chiffre d’affaires d’IDOL. Ce qui est loin d’être anecdotique »

Avant cette montée en puissance du streaming audio, il y a eu celle de YouTube, avec qui nous avons commencé à travailler vers 2011, qui n’a cessé de croître depuis. Cela a nécessité l’arrivée de spécialistes pour gérer à la fois le channel management et le Content ID Outil développé pour aider les titulaires de droits d’auteur à identifier et à gérer leur contenu sur YouTube pour la partie audio. Nous nous y sommes très vite intéressés car nous y avons vu un très gros potentiel pour nos labels, qui sont petits mais qui disposent souvent d’une très forte identité, et donc de fans bases solides. La chaîne YouTube s’insère dans le travail de community management. Pour certains labels, de musiques africaines par exemple, YouTube peut représenter 50 % des revenus. Et pas des petits revenus. De manière globale, YouTube représente 15 à 20 % du chiffre d’affaires d’IDOL. Ce qui est loin d’être anecdotique.

YouTube, c’est une manière de travailler complètement différente, avec de vrais leviers pour générer des revenus, dès que l’on a des catalogues à potentiel. Et ces leviers sont propres à YouTube, ils n’existent pas sur les autres plateformes de streaming. Cela est dû au fait que l’on a la main sur le contenu que l’on poste, qu’il existe de nombreux leviers pour augmenter le trafic d’une chaîne, et pour optimiser le référencement de chaque video dans leur moteur de recherche. C’est très chronophage mais le potentiel de croissance existe. Et c’est un travail que très peu de distributeurs font et que les majors ne font pas du tout.

Quelle est votre position sur YouTube quant au débat sur le transfert de valeur ?

Le modèle économique de YouTube est le freemium, soit un accès gratuit financé par la publicité. Bien entendu, ce modèle ne rapporte pas suffisamment d’argent, mais il en rapporte quand même. Et mon devoir, pour mes labels, est d’aller le récupérer. Il y a des points qui méritent amélioration. Avec Merlin, il y a deux ans, nous nous sommes battus pour obtenir les mêmes conditions que les majors dans le cadre du lancement de leur offre par voie d’abonnement.

Le véritable problème avec YouTube, c’est qu’il est devenu tellement important en termes de consommation qu’il ne parvient pas à tout monétiser »

D’un point de vue global, il faut améliorer l’offre de streaming et faire migrer les consommateurs vers le modèle payant, qui est évidemment le modèle vertueux pour tous les acteurs de la musique. Mais le freemium cible avant tout les jeunes de 15 ans, classe d’âge qui, il y a 30 ans, effectuait sa consommation en copiant des chansons sur des cassettes. C’est la première étape dans la consommation lorsqu’on n’a pas d’argent. Ces mêmes consommateurs passeront, à un moment, sur le freemium proposé par Deezer ou Spotify, plateformes sur lesquelles ils seront mieux orientés dans leurs choix. Puis ils finiront par venir au premium, ou à l’achat, pourquoi pas. Ces cheminements ont toujours existé.

Le débat sur le transfert de la valeur est plus vaste que cela, et s’inscrit dans la relation globale des GAFA Google, Apple, Facebook et Amazon. ou de certains FAI Fournisseurs d’accès à Internet avec les industries culturelles. YouTube, de son côté, est une plateforme qui monétise les contenus, et qui a accepté de faire des concessions auprès des ayants-droit. Certes, elle ne rapporte pas suffisamment, mais c’est l’essence même du freemium. YouTube permet par exemple à certains de mes labels de générer des revenus au Kenya ou au Nigeria. Petits, certes, mais qui augmentent. YouTube représente le premier accès à la musique pour tous ceux qui n’ont pas les moyens de la payer.

Le véritable problème avec YouTube, c’est qu’il est devenu tellement important en termes de consommation qu’il ne parvient pas à tout monétiser. Lorsque l’on décide de monétiser les vidéos, seule une sur cinq l’est réellement. Et sur les quatre qui ne sont pas monétisées, il y a débat. La musique est utilisée, elle a une valeur. Donc oui, YouTube est un outil efficace, mais il n’en reste pas moins qu’il faut continuer à se battre avec lui pour se faire respecter et améliorer la rémunération des producteurs et des artistes.

Quel autre impact notable le streaming a-t-il provoqué au sein de votre structure ?

Deezer, Spotify ou Apple Music sont des services qui font de moins en moins d’éditorial au profit d’une recommandation algorithmique ou via des playlists, ce qui a bouleversé nos métiers. Ceci nous a amené par exemple à développer une expertise en community management en interne, ce qui était relativement nouveau pour un distributeur.

Notre objectif est de pousser les titres des labels que nous distribuons sur les playlists de Deezer, Spotify et Apple Music, qui sont les plus puissantes. Idem avec un grand nombre de « curators » à travers le monde. Nous disposons en parallèle de nos propres playlists, que nous maîtrisons mieux. Mais il faut pouvoir drainer de l’audience. Ce qui nous amène dans certains cas à monter de petits « médias », comme Pan African Music par exemple. Soit un laboratoire qui agrège un blog, une chaîne YouTube, une page Facebook et bien sûr les profils correspondants sur les sites des streaming. Nous y mettons en avant des contenus africains, pas uniquement issus des catalogues de nos labels. L’idée étant de développer l’audience de Pan African sur les plateformes de streaming de manière à augmenter les streams sur les playlists. Nous avons décliné le même genre de média sur les musiques de films. Ce sont des projets très chronophages, qui demandent des compétences différentes et le renforcement de l’équipe pour les mener.

La place déterminante que prennent les playlists dans la consommation en streaming peut-elle avoir des conséquences sur la part de marché des indépendants dans le numérique ?

Avec le streaming, il ne faut pas que la public se limite à l’écoute du Top 50 et du fonds de catalogue, qui bénéficie avant tout aux majors ou importants indépendants »

Il est certain que ces services deviennent de très grosses machines, via lesquelles la consommation se fait massivement par les playlists. Si l’on ne fait pas attention, on pourrait, même si la comparaison est osée, se retrouver dans un système équivalent à celui des radios FM : si un titre est « skippé » dans une playlist, on l’ôte car il n’est pas jugé suffisamment efficace par le public. C’est un sujet régulièrement évoqué au sein de Merlin, dont IDOL fait partie. Nous sommes en pleine renégociation avec Spotify en ce moment. Notre but n’est pas uniquement de négocier un meilleur taux, mais aussi d’obtenir des engagements sur l’exposition des répertoires indépendants et de la diversité.

C’est un sujet à surveiller, car la playlist fait aujourd’hui partie intégrante de l’ergonomie d’un service de streaming pour amener le public à puiser dans la richesse des 40 millions de titres disponibles. Il ne faut pas que ce public se limite à l’écoute du Top 50 et du fonds de catalogue, qui bénéficie avant tout aux majors ou importants indépendants, et à des artistes qui ont déjà connu le succès.

Au sein des discussions en cours sur la transparence des revenus, consécutives à la « mission Schwartz », les artistes mettent en avant la qualité des reportings fournis les agrégateurs comme IDOL et Believe. Comment expliquez-vous que ces deux jeunes sociétés indépendantes soient mieux positionnées en termes de reporting que des acteurs historiques ?

La transparence, nous sommes nés avec ! Nous avons mis au point les outils adéquats dès le début, car c’est notre culture. En tant que distributeur, il nous semblait évident de pouvoir donner l’information aux labels qui nous confient leur distribution. Chez nous, les labels peuvent consulter de manière quotidienne l’évolution des téléchargements et des streams sur les principales plateformes, y compris YouTube.

L’écueil, c’est que cette transparence, en particulier sur les reportings mensuels, est difficile à manipuler pour les labels parce que ces reportings peuvent désormais comporter plusieurs centaines de milliers de lignes. Voilà pourquoi, par ailleurs, nous consolidons ces données afin que les reportings soient plus lisibles : outils d’analyse dans nos interfaces, extractions consolidées en vue du calcul semestriel des royautés ou des déclarations annuelles SCPP Société civile des producteurs phonographiques /SPPF Société civile des producteurs de phonogrammes en France , etc.

Nous allons prochainement proposer aux labels un outil qui leur permettra de savoir, à partir de la consommation issue de Spotify et Apple, combien de streams proviennent de playlists, et de quelles playlists, et combien  proviennent d’albums ou du moteur de recherche de ces plateformes, ce qui n’est pas possible avec les outils actuels tels que SoundCharts.

Vos labels sont-ils méfiants à l’égard du streaming, comme peuvent l’être certains artistes ?

Il faut cesser de parler de parler du streaming en termes de revenus au stream. C’est un faux débat »

Certains le sont encore, mais ils sont très minoritaires. La plupart voient bien que leur revenus augmentent et sont conscients que ce type de consommation leur profite. Évidemment, il faut cesser de parler du streaming en termes de revenus au stream. C’est un faux débat, ce n’est pas comme cela que l’on négocie avec les plateformes, donc pas comme cela que l’on doit appréhender le modèle. Nous négocions simplement des minimums garantis au stream sur le freemium, afin que les revenus ne descendent trop bas, mais c’est tout. En dehors de cela, nous négocions un minimum garanti par abonné, afin que la base de calcul et l’assiette soient maîtrisées.

Quels sont les prochains développements d’IDOL, aussi bien technologiques que structurels ?

L’international est depuis le début une part majoritaire de notre activité, puisque 70 % de notre CA provient de l’étranger. Nous disposons depuis quelques années de bureaux en Angleterre et aux États-Unis. Notre objectif est de renforcer cette présence et nos effectifs dans ces pays-là et d’ouvrir de nouveaux bureaux. Dans les six mois à venir, nous procéderons à l’ouverture d’un nouveau territoire.

Notre présence à l’international doit nous permettre d’aller chercher de nouveaux labels, de renforcer la relation avec les plateformes, de gérer la relation avec nos partenaires distributeurs physiques, aspect important pour nos labels indépendants, et de constituer une relais pour nos labels afin de les accompagner dans leur expansion internationale.

Nous distribuons aujourd’hui environ 300 labels. C’est très petit à côté d’autres acteurs qui en disposent de plusieurs milliers. Mais c’est un souhait. Cela ne signifie pas que nous ne soyons pas ambitieux, nous voulons continuer à signer les plus beaux labels dans le monde entier, mais en restant sélectifs. Nous voulons pouvoir conserver notre qualité de service, qui est notre premier atout, et continuer à nous développer à ce niveau. Ce qui nous amène souvent à refuser des labels ou des artistes. Dans toutes les industries, il peut y avoir des acteurs très qualitatifs qui restent à une taille raisonnable tout en étant très performants.

Parallèlement, nous faisons partie des rares agrégateurs qui ont développé 100 % de leur technologie en interne, ce qui nous a amené à la commercialiser à des tiers. Nous sommes donc devenus prestataires techniques. Il faut savoir que 80 % des distributeurs physiques qui se lancent dans la distribution numérique ne savent pas assurer la logistique digitale. Nous leur fournissons donc ce service et avons ainsi commencé en commercialisant notre technologie à Naïve, Because, Wagram, Select au Canada, Kompakt en Allemagne, Be Yourself aux Pays-Bas, Seed et Virtual eux États-Unis… C’est une activité qui fonctionne bien. Elle est marginale du point de vue du CA, mais très complémentaire avec notre activité principale de distribution.

Pascal Bittard


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Parcours

IDOL
Président-fondateur
V2 Music France
Directeur Marketing et Digital
Sony Music Entertainment France
Commercial, puis Directeur de la distribution des labels indépendants

Fiche n° 8167, créée le 05/01/2015 à 17:06 - MàJ le 06/05/2021 à 15:56

IDOL

• Distribution numérique au service de labels indépendants et prestataire technique

• Création en 2006

• Parmi les labels distribués : Tricatel, InFiné, Microqlima, Baco Records, Heavenly Sweetness, No Format, Radio France, Record Makers…
• Parmi les artistes distribués : Lomepal, Tryo, Ibrahim Maalouf, Rone, L’Impératrice, Yelle, Étienne de Crécy, La Femme, Sébastien Tellier…
• 52 collaborateurs répartis dans ses différents bureaux : au siège à Paris, à Londres, Nashville, Los Angeles, Berlin et Johannesbourg

• Chiffre d’affaires 2019-20 : 25,5 M€

• Président fondateur  : Pascal Bittard

• Tél : 09 73 87 03 62


Catégorie : Diffusion


Adresse du siège

100 rue de la Folie Méricourt
75011 Paris France


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Fiche n° 2632, créée le 07/01/2015 à 12:29 - MàJ le 11/05/2021 à 08:35


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