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« La valeur ajoutée d’Edeis est de mettre en place un projet territorialisé » (Martin Meyrier)

News Tank Culture - Paris - Entretien n°394296 - Publié le
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Martin Meyrier - ©  Muller production

« Notre créneau est de mettre nos expertises de délégataire de service public au service d’un territoire, uniquement si nous avons la certitude que nous sommes en mesure de proposer un projet que nous ne pourrions pas dupliquer ailleurs. Nous ne nous interdisons donc rien, dès lors que nous sommes capables de proposer un projet différenciant », déclare Martin Meyrier, co-président d’Edeis, chargé des concessions, à News Tank, le 16/04/2025. Edeis est gestionnaire de 10 sites culturels et touristiques. L’Arena du Pays d’Aix est le dernier site culturel à avoir rejoint le groupe, qui a obtenu sa gestion à compter du 01/07/2025 pour une durée de sept ans.

« Au-delà de la production de spectacles, nous proposons des expériences immersives. L’air du temps, dans ce domaine, est de diffuser de manière uniforme un produit unique. Or, nous faisons l’inverse […]. Il ne s’agit pas de transformer des sites patrimoniaux en parcs d’attractions. Nous donnons une place forte à la médiation humaine et considérons qu’il est de notre responsabilité de laisser de l’humain, que la technique et la technologie ne doivent pas s’y substituer. L’immersif est une forme d’additif », ajoute Martin Meyrier.

« Nos projets culturels sont pensés pour s’adresser à un public familial. Nous refusons de rentrer dans une dichotomie entre élitisme et grand public […]. Pour nous inscrire dans les approches des collectivités souhaitant développer un tourisme durable, nous essayons de proposer une offre permettant d’élargir les ailes de la saison touristique. Nous essayons de conquérir les mois de mai et d’avril, mais aussi de développer le tourisme d’affaires. Il s’agit d’augmenter la fréquentation annuelle, mais de manière soutenable, notamment sur des segments de l’année où l’industrie des cafés, de l’hôtellerie et de la restauration est en mesure d’absorber les flux. »

Raisons pour lesquelles le groupe Edeis s’est tourné vers la culture, synergies créées avec les territoires, abandon par le Gouvernement du projet porté avec Adim pour la reconversion de l’abbaye de Clairvaux, Martin Meyrier répond aux questions de News Tank.


Pourquoi et depuis quand le groupe Edeis s’est-il tourné vers la culture ?

Edeis est un groupe comprenant 1 200 collaborateurs et reposant sur deux branches : l’ingénierie et la concession. Edeis Ingénierie rassemble 550 collaborateurs ainsi qu’un réseau de 18 bureaux d’études maillant l’ensemble du territoire national. Edeis Concessions comprend 29 délégations de service public et concessions dans trois industries : aéroportuaire, portuaire et culturelle.

Le groupe s’est construit dans le contexte du mouvement de décentralisation durant lequel les aéroports, alors exclusivement gérés par l’État, ont été transférés en grande partie aux collectivités territoriales, qui se sont retrouvées du jour au lendemain à appréhender l’exploitation de ces infrastructures. SNC-Lavalin, devenu par la suite Edeis sur sa branche française en 2016, avait fait une offre de service auprès de collectivités devenues propriétaires de ces aéroports, pour les exploiter. Edeis s’est donc construit historiquement dans le domaine de l’aéroportuaire, mais plus encore dans la relation directe aux collectivités territoriales, en essayant d’avoir un parti pris singulier, de leur proposer des projets territoriaux à l’aune de ces marchés de concessions, et de considérer les aéroports dont il avait la gestion comme des lieux de vie.

En 2019, le groupe a fait le choix de se diversifier sur les ports. Ce faisant, il s’est rendu compte que gérer un port signifie aussi gérer une infrastructure généralement intégrée en plein cœur de ville, au contact d’enjeux de politiques publiques touristiques, souvent culturelles et associatives. Ceci a amené Edeis à candidater en 2020 pour investir le champ culturel, en considérant que ce qui faisait sa force était d’abord d’être un délégataire de service public, de nouer des relations avec les collectivités locales, avec des projets sur mesure et sortant du seul champ originel de ce pourquoi un concessionnaire est attendu. Se tourner vers la culture nécessitait des besoins d’expertises nouvelles, mais l’ADN Acide désoxyribonucléique restait le même.

Petit Train de la Mure (Isère), 2017-2048
Pic du Jer (Hautes-Pyrénées), 2021-2033
Monuments romains de Nîmes (Gard), 2021-2032 : les Arènes, la Maison Carrée, la Tour Magne, la Maison Saurel
Monuments romains d’Orange (Vaucluse), 2022-2031 : le Théâtre antique, l’Arc de triomphe, le Musée d’Art et d’Histoire
Cité de la Mer (Cherbourg, Manche), 2024-2030
Arena du Pays d’Aix (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône), 2025-2032

La gestion de l’Arena du Pays d’Aix vous a été confiée récemment. Cette concession diffère des sites patrimoniaux que vous gérez par ailleurs. Avez-vous une volonté de diversification dans le domaine culturel ?

Notre créneau est de mettre nos expertises de délégataire de service public au service d’un territoire, uniquement si nous avons la certitude que nous sommes en mesure de proposer un projet que nous ne pourrions pas dupliquer ailleurs. Nous ne nous interdisons donc rien, dès lors que nous sommes capables de proposer un projet différenciant.

Pour l’Arena du Pays d’Aix, nous avons considéré que nous avions une bonne connaissance du territoire d’Aix-en-Provence car nous y avons un exploitant aéroportuaire. De plus, nous avions développé des expertises dans le champ culturel. Nous gérons en effet des sites patrimoniaux, dans lesquels nous proposons une programmation, y compris des productions de spectacles dans certains sites. Nous capitalisons sur les compétences acquises au gré des sites qui nous sont confiés et des projets que nous portons. Nous ne nous serions pas tournés vers une Arena si l’on ne s’était pas lancé depuis deux ans dans de la production ou coproduction de spectacles.

Cette diversité vous met-elle face à des défis spécifiques ?

Oui, par définition. Notre valeur ajoutée est de mettre en place un projet territorialisé. Nous ne faisons pas le même métier que d’autres entreprises dupliquant des produits et utilisant des sites territoriaux comme des lieux de diffusion.

Utiliser nos moyens technologiques comme des outils »

Au-delà de la production de spectacles, nous proposons des expériences immersives. L’air du temps, dans ce domaine, est de diffuser de manière uniforme un produit unique. Or, nous faisons l’inverse. Par exemple, le Théâtre antique d’Orange était auparavant un lieu de prouesses techniques : le choix de la pierre et l’utilisation de l’eau sous la scène permettaient une résonance et une portance du son sans équivalent il y a 2 000 ans. Lorsque nous avons souhaité utiliser l’immersion comme un outil, l’enjeu était de garder cette identité. Nous avons donc proposé une expérience autour du son, car cela faisait écho à l’histoire du lieu et à notre mission de transmission de son héritage aux visiteurs. Nous avons ainsi produit une expérience autour de l’avant-garde du son, avec un son binaural, intitulée « L’Odyssée Sonore » et primée au CES Consumer Electronics Show Innovation award de Las Vegas en 2024. Il s’agit d’un clin d’œil à l’histoire. Cette expérience n’aurait aucun sens sur nos autres sites à Cherbourg, à Nîmes, ou ailleurs. Notre stratégie est d’utiliser nos moyens technologiques comme des outils, mais ne devant pas effacer la singularité du lieu.

Souhaitez-vous continuer à développer des expériences immersives ?

Oui, mais uniquement si elles se mettent au service d’un projet de territoire. Il ne s’agit pas de transformer des sites patrimoniaux en parcs d’attractions. Nous donnons une place forte à la médiation humaine et considérons qu’il est de notre responsabilité de laisser de l’humain, que la technique et la technologie ne doivent pas s’y substituer. L’immersif est une forme d’additif. C’est un ingrédient supplémentaire, permettant de mieux appréhender une partie du message que nous souhaitons transmettre aux visiteurs.

Créez-vous des synergies avec les autres organisations culturelles des territoires dans lesquels vous vous implantez ?

Oui, nous le faisons à partir du moment où l’on devient un acteur du développement culturel et touristique d’un territoire. Si l’on prend l’exemple de Nîmes, la ville comprend un office du tourisme et un comité régional du tourisme, le musée de la Romanité géré par une société publique locale, ainsi qu’un futur Palais des Congrès en construction, qui élargira les ailes de la saison et positionnera le territoire sur un nouveau segment touristique. Nous avons une opportunité à saisir, mais plus encore un rôle à jouer, pour que les futurs congressistes trouvent une résonance auprès de la Maison carrée et des Arènes de Nîmes, durant leur séjour, avec des offres sur mesure. À chaque fois que nous arrivons dans un territoire, nous intégrons un écosystème différent. Nous essayons de trouver une place et de devenir un acteur à part entière aux côtés des autres.

Quels sont vos objectifs en matière de typologie des publics et de fréquentation de vos sites ?

Nos projets culturels sont pensés pour s’adresser à un public familial. Nous refusons de rentrer dans une dichotomie entre élitisme et grand public. Nous considérons qu’en exploitant un patrimoine public, notre responsabilité est de proposer une médiation culturelle s’adressant à l’ensemble de ces publics. Cet élément fort se retrouve dans la tarification avantageuse pour les familles, afin que la culture soit la plus accessible pour tous.

Élargir les ailes de la saison touristique »

Nous souhaitons poursuivre nos engagements, pris auprès des collectivités, de progression de la fréquentation de chacun des sites qui nous sont confiés. Cette progression doit néanmoins se faire de manière raisonnée. Pour nous inscrire dans les approches des collectivités souhaitant développer un tourisme durable, nous essayons de proposer une offre permettant d’élargir les ailes de la saison touristique. Nous essayons de conquérir les mois de mai et d’avril, mais aussi de développer le tourisme d’affaires. Il s’agit d’augmenter la fréquentation annuelle, mais de manière soutenable, notamment sur des segments de l’année où l’industrie des cafés, de l’hôtellerie et de la restauration est en mesure d’absorber les flux. L’idée n’est pas de proposer une programmation culturelle concentrée sur les moments déjà très attractifs ou faisant l’objet d’une hyperfréquentation.

Comment vous adressez-vous aux publics locaux ?

Si l’on reprend l’exemple de Nîmes, la tarification de nos sites peut être adaptée aux locaux. Nous essayons aussi de renouveler régulièrement la programmation pour s’adresser à ces publics locaux. C’est notamment le cas à la Cité de la mer à Cherbourg, où nous nous adressons d’abord à des habitants et à des familles du territoire.

Vous proposez aussi une programmation culturelle dans certains ports ou aéroports gérés par Edeis. Pourquoi ?

Nous essayons de transformer chaque infrastructure qui nous est confiée en lieu de vie. Au-delà des retombées économiques permises par ces programmations pour le territoire, cette démarche répond à l’obligation de s’assurer que l’infrastructure soit acceptée. Sortir l’infrastructure de sa vocation originelle, qu’elle se transforme en lieu de spectacle et de concert, s’ouvre vers les habitants, permet de répondre à cette vocation. Étant donné que nous développons nos compétences dans ce domaine, nous sommes en mesure de proposer aux collectivités une offre de service globale. Nous organisons par exemple un festival de musique à Calais, qui permettra au port de vivre et d’être approprié par ses habitants.

Transformer chaque infrastructure qui nous est confiée en lieu de vie »

Dans le même esprit, nous organisons le Festival de la Liberté à la Cité de la mer. Il s’agit d’un festival de musique pour l’anniversaire du D-Day. Il nous permet d’être en cohérence avec l’histoire du territoire, mais aussi d’accueillir une fréquentation plus jeune, plus éloignée de ce lieu. Ces publics poussent ainsi les portes de la Cité de la mer pour autre chose que sa programmation habituelle. Il s’agit de leur donner envie d’y revenir.

Le Gouvernement a abandonné fin 2024 le projet porté par Edeis et Adim pour la reconversion de l’abbaye de Clairvaux. Est-ce que l’on pourrait imaginer que vous proposiez un second projet pour ce site culturel ?

L’État se prononcera sur le sujet. Assurer la reconversion de l’Abbaye de Clairvaux mérite des moyens publics colossaux. Dans un contexte budgétaire compliqué, avec des besoins sur l’ensemble des champs de politique publique et singulièrement sur le champ culturel, je comprends que l’État souhaite prendre du temps et réfléchir sur ses capacités.

Nous sommes disposés à réfléchir. Nous sommes honorés de la confiance qui nous a été faite de pouvoir travailler notre projet et d’échanger avec le ministère de la Culture • Création : 1959 • Missions : - rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France ; - conduire la politique de sauvegarde, de protection et de… . Pour un acteur qui n’était pas culturel il y a cinq ans, échanger et construire un projet avec l’État a été source d’enrichissement et de montée en compétences.

Quel est le modèle économique d’Edeis ?

Il s’agit du modèle classique d’une concession. Une redevance est adressée à la collectivité, sur laquelle nous prenons un risque, avec un niveau d’investissement plus ou moins important et des recettes liées à la billetterie. Le chiffre d’affaires d’Edeis Concessions s’élève à près de 110 M€, dont 30 % sont concentrés sur la culture.

Vous êtes co-président d’Edeis depuis janvier 2025, dans le cadre d’une réorganisation du groupe. Ces changements ont-ils eu un impact sur l’activité et la stratégie d’Edeis ?

Non, au contraire. Le nouvel actionnariat, Trévise Participations, a fait le choix d’une présidence bicéphale, l’une sur l’ingénierie et l’autre sur les concessions. Ce nouvel actionnaire est un fonds d’investissement, mais détenu par une fondation reconnue d’utilité publique. L’ensemble de la valeur que nous créons sert les activités de cette fondation. Que les dividendes répondent à des enjeux de mécénat, principalement à but médico-social, a du sens pour nous.

Au-delà de ce qui a déjà été dit, quelles sont la stratégie et les ambitions d’Edeis dans le domaine culturel, pour l’avenir ?

Nous souhaitons poursuivre la croissance conséquente du groupe, mais de manière raisonnée, c’est-à-dire en ayant toujours la certitude que nous sommes en mesure de délivrer les engagements que nous avons pris, dans les temps, avec la même qualité que celle à laquelle nous nous sommes engagés. Obtenir une nouvelle concession n’est pas le tout. L’enjeu est ensuite d’emporter des collaborateurs dans un ADN de groupe, mais plus encore d’être au rendez-vous des engagements pris. De plus, comme nous l’avons fait avec l’Arena d’Aix, il s’agit de ne rien nous interdire dès lors que nous avons un projet territorial différenciant, et de faire valoir nos expertises.

Martin Meyrier


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Parcours

Edeis
Président Edeis Concessions
Edeis
Directeur général Edeis Concessions
Edeis
Directeur général adjoint et développement concessions
Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse
Directeur de cabinet du recteur de Mayotte
Région Bretagne
Vice-président, développement économique et innovation
Tourisme Bretagne
Premier vice-président
Breizh Up
Président du conseil de la stratégie
Région Bretagne
Conseiller régional, président de la commission Économie, Agriculture, Mer et Europe

Fiche n° 53928, créée le 16/04/2025 à 10:52 - MàJ le 16/04/2025 à 11:34

Edeis

Groupe spécialisé dans les solutions d’ingénierie, d’exploitation et de construction pour l’avenir.

• Activités culturelles du groupe  :
- la diffusion de spectacles,
- l’organisation d’événements,
- la gestion de monuments historiques,
- la gestion de sites touristiques.

• Sites culturels exploités :
- Les Arènes de Nîmes (Gard)
- La Maison Carrée à Nîmes
- La Tour Magne à Nîmes
-
Le Théâtre antique d’Orange (Vaucluse)
-
L’Arc de triomphe d’Orange
-
Le Musée d’art et d’Histoire d’Orange
-
La Cité de la mer à Cherbourg-en-Cotentin (Manche)
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Le Funiculaire du Pic du Jer à Lourdes (Hautes-Pyrénées)
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Le petit train de la Mure (Isère)
- L’Arena du Pays d’Aix à Aix-en-Provence à partir du 01/07/2025 (
Bouches-du-Rhône)

Chiffre d’affaires  : 120 M€

Fréquentation des
lieux culturels et patrimoniaux gérés par Edeis Culture  : 1 367 378 visiteurs en 2024

• Présidence : Martin Meyrier (concessions) et Albert Selosse (ingénierie) depuis janvier 2025

• Contact : Amandine Blier, directrice communication groupe et développement culturel

• Tél. : 01 56 20 50 00


Catégorie : Divers Privé


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Fiche n° 15508, créée le 22/03/2024 à 10:12 - MàJ le 16/04/2025 à 11:31

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