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#Énergie : « L’utilisation du chapiteau devra être raisonnée » (Martin Palisse, Le Sirque)

News Tank Culture - Paris - Interview n°270264 - Publié le 17/11/2022 à 16:40
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©  Le Sirque
Martin Palisse - ©  Le Sirque

« Le Sirque s’est doté en avril 2021 d’un nouveau chapiteau permanent qui thermiquement parlant n’a rien à voir avec le précédent. Nous pouvons déjà estimer une consommation entre cinq à dix fois inférieure à ce qu’elle était avec l’ancien chapiteau. Si nous n’avions pas anticipé cette question, et si nous devions supporter la hausse du prix du gaz, qui chauffe le chapiteau, nous ne serions aujourd’hui pas en mesure de payer nos factures et de faire fonctionner le pôle », indique Martin Palisse, directeur du Sirque, Pôle national cirque de Nexon (Limousin), à News Tank le 17/11/2022.

« Le chapiteau est un outil essentiel pour le cirque, lié à l’identité profonde de cet art. Il ne peut pas disparaître, mais son utilisation devra être raisonnée. Dès l’été prochain, j’ai décidé de reculer l’horaire des spectacles à 21h30 ou 22h pour qu’en cas de canicule, le spectacle puisse avoir lieu dans des conditions raisonnables de sécurité pour les artistes et de confort pour le public. »

Il évoque également le sujet de l’inflation. « À budget constant, si je revalorise les salaires de 10 % l’année prochaine, il est très clair que j’entame le capital artistique. Pour l’instant je ne me suis pas engagé sur cette voie, et j’ai le soutien de mon équipe pour ne pas le faire, mais il sera compliqué de tenir cela deux ans. Je souhaiterais une revalorisation des financements publics aux équipements, destinée prioritairement à la revalorisation des salaires. »

Martin Palisse répond aux questions de News Tank.


Dans un contexte de hausse importante des prix de l'énergie, News Tank réalise un cycle d’interviews de dirigeants d’institutions culturelles autour des questions énergétiques et de leur impact sur la vie et l’économie des lieux de culture. Ces interviews sont aussi l’occasion d’aborder les changements de pratiques nécessaires et les possibles solutions à mettre en œuvre. 

Prévoyez-vous une hausse notable de vos coûts d’énergie ? Dans quelles proportions ? Quels sont les principaux postes de dépenses pour votre structure ?

Les impacts liés à l’augmentation des coûts de l’énergie se voient un peu partout dans notre modèle économique. Mais nous avions tout de même un peu anticipé la question. Le Sirque s’est en effet doté en avril 2021 d’un nouveau chapiteau permanent qui thermiquement parlant n’a rien à voir avec le précédent. Nous avons déjà fait diminuer notre facture de chauffage au gaz de manière assez conséquente. Nous attendons encore les données consolidées sur la base du relevé au réel, mais nous pouvons déjà estimer une consommation entre cinq à dix fois inférieure à ce qu’elle était avec l’ancien chapiteau. Si nous n’avions pas travaillé sur cette question, qui s’inscrit dans une démarche plus globale en faveur du développement durable, et si nous devions supporter la hausse du prix du gaz, nous ne serions aujourd’hui pas en mesure de payer nos factures et de faire fonctionner le pôle. 

La hausse des coûts liés aux transports nous inquiète également particulièrement »

Nous ressentons davantage la hausse du coût de l’énergie sur notre facture électrique, qui connaît une augmentation de l’ordre de 15 %. Mais là encore, nous avions anticipé les choses en remplaçant l’ensemble de notre parc de lumières à halogène par du LED diode électroluminescente . Ce changement représentera à terme une économie de l’ordre de 2/3 de notre consommation électrique globale.

La hausse des coûts liés aux transports nous inquiète également particulièrement. Je travaille en ce moment à la programmation de notre festival estival Multi-Pistes, et dans toutes les propositions de spectacles que je reçois, je constate une hausse des coûts de transport de 20 ou 30 %.

Quel impact cela a-t-il sur le budget général ? Sur la marge artistique ? Allez-vous modifier votre activité ?

Malgré tout le travail réalisé pour être plus performant sur la question énergétique, nous continuons à chasser toutes les consommations inutiles pour contenir le plus possible les hausses et ne pas impacter la marge artistique.

Nous demandons aux artistes en résidence d’éteindre la lumière ou le chauffage quand ça n’est pas nécessaire. Nous surveillons aussi avec plus d’insistance la température de travail à l’intérieur du chapiteau que nous allons chauffer dès cet hiver à 18°, contre 20° habituellement.

Nous continuons à chasser toutes les consommations inutiles pour contenir les hausses »

Nous avons également renégocié à la baisse beaucoup des contrats liés au fonctionnement du lieu (Internet, bureautique, etc.). Nous faisons des achats groupés avec des structures du territoire et avec la mairie de Nexon. Nous réfléchissons, aussi, à supprimer un certain nombre de nos partenariats avec des titres de presse nationaux dans le cadre du festival Multi-Pistes. Ce ne sont pas des enveloppes énormes mais quand on les additionne les unes aux autres, cela représente une certaine somme. La visibilité dans des médias nationaux apporte un peu de prestige au festival, mais il est très difficile de dire si elle nous permet véritablement d’attirer du public à Nexon.

À l’heure où se pose la question de l’efficience des deniers publics, je mets tout en balance, je réduis ou annule toutes les petites dépenses que je considère comme superflues. Je suis très vigilant à ce que l’ensemble de nos moyens soient consacrés à faire travailler les artistes et à mettre du public en face car la conquête du public, qui n’est pas encore totalement de retour dans les lieux de culture après la crise du Covid, reste un combat.

Qu’attendez-vous des pouvoirs publics dans l’immédiat (moyens financiers, soutien énergétique, conseils, solutions durables, mutualisation des ressources…) ? 

Si je devais attendre quelque chose des pouvoirs publics, ce serait une revalorisation de nos financements publics destinée prioritairement à la revalorisation des salaires. Nos lieux arrivent à tourner parce que nous avons un personnel très engagé, mais cet engagement a une limite lorsque l’inflation est de 10 %.

À budget constant, si je revalorise les salaires de 10 % l’année prochaine, il est très clair que j’entame le capital artistique. Pour l’instant je ne me suis pas engagé sur cette voie, et j’ai le soutien de mon équipe pour ne pas le faire, mais ça va être compliqué de tenir cela deux ans. Et je ne crois pas que le versement d’une prime inflation, comme proposé par le Gouvernement, soit une solution pérenne.

Tous les secteurs subissent la crise énergétique. C’est une situation exceptionnelle, mais qui semble amenée à durer car liée à un conflit militaire qui n’a pas l’air de se régler. À situation exceptionnelle, nous devons avoir des comportements exceptionnels. Sur la prochaine édition du festival, je vais travailler avec des lieux partenaires pour organiser des tournées régionalisées. J’envisageais d’accueillir un grand spectacle sous chapiteau, mais la compagnie vient de m’apprendre qu’elle ne pourrait pas faire une tournée coordonnée dans notre région car elle a une date à Prague. Je ne juge aucunement ce choix, mais dans ce contexte je ne l’accueillerai pas et programmerai un autre spectacle.

Le chapiteau de cirque a parfois mauvaise réputation car il est considéré comme une passoire thermique. De nouvelles techniques et technologies se font jour pour améliorer l’outil, notamment sur la conception de la toile. Mais la situation énergétique actuelle, couplée à la crise écologique, peut-elle faire évoluer son usage ?

Le chapiteau peut être très vertueux écologiquement car quand il est à l’arrêt - ce qui est le cas dès lors qu’il n’accueille ni spectacles ni artistes en résidence -, il ne consomme rien et n’émet donc aucun gaz à effet de serre. La question qui se pose est celle de son utilisation. Depuis des années, nous utilisions le chapiteau dans une société riche et abondante, où nous avions des moyens économiques et des ressources en énergie, et où on ne souciait pas beaucoup des enjeux écologiques. Ces trois facteurs ont changé et nous obligent à tout repenser, à revoir nos comportements, à chercher des solutions pour être vertueux, à quantifier et mesurer nos dépenses et donc à assumer des choix qui peuvent être difficiles.

Reculer l’horaire des spectacles sous chapiteau l'été à 21h30 ou 22h »

Le chapiteau est un outil essentiel pour le cirque, lié à l’identité profonde de cet art. Il ne peut pas disparaître, mais son utilisation va devoir être raisonnée. Dès l’été prochain, j’ai décidé de reculer l’horaire des spectacles à 21h30 ou 22h pour qu’en cas de canicule, le spectacle puisse avoir lieu dans des conditions raisonnables de sécurité pour les artistes et de confort pour le public.

Il va aussi falloir arrêter de chauffer les chapiteaux en hiver, ou alors réduire drastiquement les choses. La compagnie Rasposo réfléchit depuis longtemps à la viabilité et la longévité de l’outil chapiteau face à la crise climatique. Lorsqu’elle tourne l’hiver, la compagnie a fait le choix de chauffer le chapiteau 1h30 avant le spectacle et pendant le spectacle uniquement. Dans ces conditions, le chapiteau n’est pas plus dispendieux énergétiquement qu’un grand théâtre.

Le public, qui est sensible aux enjeux écologiques, va de toute façon imposer les choses. Quand il verra qu’il fait 40° sous un chapiteau, même s’il est climatisé, il ne viendra pas. Lorsqu’on explique aux gens que tous les éclairages extérieurs ne sont pas allumés ou que la température à l’intérieur du chapiteau est plus basse, ils le comprennent très bien.

Vous évoquiez la démarche engagée au Sirque en faveur du développement durable. Comment se traduit-elle concrètement ?

Elle se situe à plusieurs endroits. Déjà, nous n’émettons presque plus de déchets lors du festival Multi-Pistes ; nous avons jeté environ 200 kg de déchets à la poubelle lors de la dernière édition, ce qui est plutôt très raisonnable pour un événement de dix jours. Pour atteindre ce résultat, nous avons notamment privilégié l’usage de vaisselle (en partie récupérée auprès des habitants), plutôt que des couverts jetables ou recyclables. À un autre niveau, l’équipe technique s’organise pour anticiper et rationaliser nos commandes de matériel sur trois périodes clés de l’année, afin d'éviter de multiplier les transports à vide.  

Martin Palisse


Artiste jongleur, metteur en scène et cofondateur avec Elsa Guérin de la compagnie BangBang.


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Parcours

Le Sirque, pôle national des arts du cirque de Nexon Limousin
Directeur
Compagnie Bang Bang
Co-fondateur
Le Sémaphore, scène conventionnée de Cébazat (Puy-de-Dôme)
Artiste associé
Théâtre de Cusset (Allier)
Artiste associé

Fiche n° 1027, créée le 12/12/2013 à 12:42 - MàJ le 16/11/2022 à 18:06

Le Sirque

Pôle national cirque Nexon Région Nouvelle-Aquitaine
Créé, à l’origine, pour permettre la tenue des stages d’initiation aux arts du cirque de l'École nationale du cirque Annie-Fratellini en 1987.
• 1992 : création des Arts à la Rencontre du Cirque par Marc Délhiat et Guiloui Karl afin de mettre en place une programmation artistique liée au thème du cirque pendant la période des stages
• 1999 : création juridique de l’association Les Arts à la Rencontre du Cirque pour la mise en place du pôle cirque.
• 2007 : Les Arts à la Rencontre du Cirque devient Le Sirque.
• 2011 : obtention du label PNC
• 2021 : évolution du festival estival La Route du Sirque (qui existait depuis 2001), renommé « Multi-Pistes »
• Directeur : Martin Palisse
• Contact : Cynthia Minguell, communication et relations publiques
• Tél. : 05 55 58 30 07


Catégorie : Salle


Adresse du siège

Château de Nexon
BP 20 
87800 Nexon France


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Fiche n° 773, créée le 12/12/2013 à 01:02 - MàJ le 17/11/2022 à 15:35


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