SV 2050 : « Le livestream vise les Français qui sont devant la télé ou devant Netflix » (P. Delmas)
« Beaucoup de spectateurs de stand up ou de one man show découvrent un artiste en une minute ou deux sur les réseaux sociaux. Si on ne va pas directement le voir en salle, on peut commencer par le regarder un soir dans son salon en famille. Et finalement prendre un billet quand il repasse quelques mois plus tard dans sa ville. J’en parle souvent avec d’autres producteurs : sur 60 millions de Français, à peine huit millions vont au spectacle. On peut aller chercher ceux qui sont devant la télé ou devant Netflix tous les soirs », déclare Philippe Delmas
Directeur associé @ Apollo Théâtre • Directeur @ Le Palace (Avignon) • Président @ Artistic records
, directeur associé de l’Apollo Théâtre (Paris 11e), lors du débat « Le tiers lieu de préférence à l’institution ? », le 16/07/2022. La rencontre était organisée dans le cadre de la 2e édition de l’événement « Quel spectacle vivant en 2050 ? Prospective à l’échelle d’une génération », par le Festival d’Avignon et News Tank Culture.
Quant à la rémunération des artistes, « les revenus générés par les visionnages de la captation sont remontés au producteur du spectacle, qui rétribue les artistes. Deuxièmement, nous avons des accords avec la SACD
Société des auteurs et compositeurs dramatiques
et la Sacem
Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
, et nous discutons avec l’Adami
Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes
pour mettre en place des accords-cadres de gestion collective », poursuit Sébastien Tézé
Co-fondateur @ OPSIS TV • Producteur @ Les Films d’un Jour
, co-fondateur d’Opsis TV, producteur aux Films d’un Jour.
News Tank rend compte des échanges.
« Quel spectacle vivant en 2050 ? Prospective à l’échelle d’une génération »
Initiées en 2021, ces deux journées de réflexion sur l’avenir du spectacle vivant sont organisées cette année les 15 et 16 juillet à l’ISTS par News Tank Culture et le Festival d’Avignon, avec le soutien du ministère de la Culture, de l’Association pour le soutien du théâtre privé et du Pass Culture. Cette 2e édition est consacrée à la question des lieux de spectacle et questionne les nouveaux modèles en devenir.
« Nous essayons de réinventer l’approche de l’adaptation audiovisuelle du spectacle » (Sébastien Tézé)
- « Au début du confinement, nous disposions déjà de caméras, installées à l’origine pour réaliser des captations. En trois semaines, nous avons adapté le système de manière à rendre un public aux artistes qui n’avaient plus personne dans les salles, avec des écrans dans les sièges, sur lesquels ils voyaient des gens du monde qui assistaient au spectacle en direct avec une interaction. Environ 70 000 personnes ont assisté à une soixantaine de spectacles - essentiellement de la musique, du one man show et du stand up - dont 35 % de spectateurs hors Hexagone, soit des expatriés, soit des francophones. Nous avons aussi constaté que les gens revenaient plusieurs fois.
- Je ne suis pas seulement directeur de théâtre : je suis producteur de spectacles, avec une trentaine d’artistes en tournée et je ne pense vraiment pas qu’on puisse supplanter le spectacle vivant. Mais le livestream événement en ligne et en direct peut apporter une plus-value. Lors des livestreams que nous avons proposés, le public avait accès aux loges, l’artiste lui parlait, il y avait des possibilités de contrôle de l’angle de vue. Quand M. Pokora a fait son livestream avec 28 000 billets vendus, la partie tournée dans les loges était très importante.
- Nous nous en servons aussi pour des étrangers jouant à Paris, comme des stand-uppers américains de renommée mondiale qui ont voulu aussi une diffusion en livestream, ou pour des captations classiques d’artistes qui veulent les diffuser plus tard, par exemple sur Opsis TV…
- Pour le livestream, il faut une récurrence dans les diffusions. Les réseaux sociaux ont une grande importance. Quand un artiste cumule trois millions de personnes dans sa communauté, il est relativement facile d’en réunir 1 000 ou 2 000 qui viendront physiquement, les autres pouvant suivre un livestream. Donc nous sommes en train de travailler à proposer cette régularité pour 2023. Le spectateur saura qu’il a, par exemple tous les vendredis ou tous les samedis, un spectacle disponible en direct par livestream. »
Philippe Delmas
- « Il y a un avant et après le Covid en termes d’usage et d’habitudes, sur la la vidéo à la demande par abonnement et le livestreaming. Pour Opsis TV, il est vrai que nous avons bénéficié d’un avantage de communication dès le moment où les théâtres ont fermé. Les médias, notamment, ont cherché les offres alternatives, et donc de streaming. Beaucoup de gens ont découvert l’existence d’Opsis TV dans Le Figaro ou Le Monde, ce qui a déclenché immédiatement un certain nombre d’abonnements.
- La plateforme existait déjà sur un modèle d’abonnement sans engagement à 4,90 euros par mois sans les live et 5,99 euros par mois avec des événements en direct. Ce modèle rassemblait une petite communauté, multipliée par dix en quelques jours.
-
Le théâtre jeunesse fonctionne extrêmement bien sur Opsis TV, grâce à des parents ou des grands-parents prescripteurs »
Depuis la fin des confinements, nous avons pu maintenir un niveau d’abonnements satisfaisant. L’enjeu pour une plateforme de SVOD service de vidéo à la demande par abonnement sur abonnement est de maintenir une proposition éditoriale permettant de faire grandir la plateforme. Nous y proposons aujourd’hui plus de 500 spectacles, de théâtre, opéra et danse. Nous essayons de couvrir l’ensemble des champs théâtraux - théâtre contemporain, jeunesse, patrimonial - pour que tout le monde puisse s’y retrouver. Mais en termes d’usage et de public, nous voyons par exemple que le théâtre jeunesse fonctionne extrêmement bien sur la plateforme, notamment grâce à des parents ou des grands-parents prescripteurs. Au lieu de mettre un dessin animé le week-end ou le mercredi, ils proposent un spectacle de théâtre aux enfants, ce qui, en outre, permet d’aller chercher des nouveaux publics.
- Nous travaillons avec les créateurs sur des nouveaux formats pour qu’il n’y ait pas seulement des captations pures et simples de spectacles. Par exemple, nous avons capté Une télévision française de Thomas Quillardet au Théâtre de la Ville • Théâtre subventionné par la Ville de Paris • Deux salles : Théâtre de la Ville - Sarah Bernhardt (place du Châtelet, Paris 4e) et Théâtre des Abbesses (Paris 18e)• Fermeture du théâtre pour des… . Regarder un spectacle de trois heures en streaming est compliqué et, en accord avec le producteur, nous avons choisi de retravailler la captation sur un mode de feuilleton théâtral, en quatre épisodes de 45 minutes avec les codes de la série Netflix. Et ça marche très bien.
- Nous essayons de réinventer l’approche de l’adaptation audiovisuelle du spectacle. Dans une salle, le point de vue est unique. L’expérience est différente quand on filme un spectacle à six ou douze caméras. Là, je pense qu’il y a une grande différence entre ce que propose Philippe Delmas, notamment avec des one man shows, et nos livestreams de spectacles théâtraux. Nous faisons moins appel à la communauté d’un artiste sur les réseaux sociaux, et plus à la communication et au marketing sur un événement particulier.
- Le livestream pour nous doit rester événementiel, préparé en amont avec les artistes. Ils doivent s’en emparer, dépasser la notion de captation, chercher de nouveaux formats. Et, alors, le livestream leur procure une forme d’excitation particulière parce que c’est du direct. Ils ne maîtrisent pas forcément la salle qui est devant eux, ne savent pas devant qui ils vont jouer. Souvent, ils demandent à des proches de regarder le livestream et ont tout de suite un retour sur la performance. Et c’est toujours très positif : on a vu des plans serrés, une proximité impossible en salle. »
Sébastien Tézé
« Le modèle que j’ai vécu est en train de disparaitre » (Philippe Delmas)
- « Il y a 15 ans, quand on proposait aux artistes d’être diffusés en télé, ils refusaient par peur de “griller” leurs spectacles. Or, ils se sont aperçus qu’une fois qu’ils étaient diffusés, ils étaient beaucoup plus vus dans les salles. Aujourd’hui, on voit une réticence face au risque d’être posté sans contrôle sur les réseaux sociaux, par exemple. Mais je pense qu’il va falloir affronter dans le spectacle quelque chose du genre de ce qui arrive au cinéma, dont la fréquentation a reculé de 40 % depuis la crise. La question est de trouver de nouvelles sources de revenus.
-
300 billets physiques et 2 000 livestreams, c’est forcément mieux que 300 billets seulement »
Nous proposons le livestream à des artistes en fonction de leur capacité à réunir son public. S’il a déjà une grosse communauté sur les réseaux sociaux, pas besoin d’attendre ! À l’Apollo, la plus grande des quatre salles fait 300 places. Donc 300 billets physiques et 2 000 livestreams, c’est forcément mieux que 300 billets seulement. Et comme aujourd’hui les artistes bénéficient tous d’un partage des bénéfices, ils y ont intérêt.
- Dans les spectateurs des livestreams, il y a des gens qui ne sont jamais allés de leur vie dans une salle de spectacle, qui sont habitués à rester devant leur télé ou ne sortent que deux fois par an à la fête du village. Quand nous faisons des scores de 10 000 personnes par soir, on est face à des gens qui ont choisi de ne pas regarder de film à la télé ou sur Netflix, et pas seulement face à des habitués des spectacles.
- J’ai fait des grosses tournées dans les Zénith avec énormément de monde. Quand un artiste dispose d’une communauté de quatre ou cinq millions de personnes sur ses réseaux, et rassemble 100 000 personnes dans les salles, on se dit qu’il y a quelque chose à faire pour les 98 % qui n’ont pas pris de billet, qu’elles habitent en France ou pas.
- Beaucoup de spectateurs de stand up ou de one man show découvrent un artiste en une minute ou deux sur les réseaux sociaux. Si on ne va pas directement le voir en salle, on peut commencer par le regarder un soir dans son salon en famille. Et finalement prendre un billet quand il repasse quelques mois plus tard dans sa ville. J’en parle souvent avec d’autres producteurs : sur 60 millions de Français, à peine huit millions vont au spectacle. On peut aller chercher ceux qui sont devant la télé ou devant Netflix tous les soirs. Le prix moyen du billet des livestreams payants de l’Apollo était de 10 €, contre environ 30 € en salle. »
Philippe Delmas
-
Une nouvelle génération a grandi avec les réseaux sociaux et avec les images, et sait naturellement les intégrer à ses spectacles
»
« Aux États-Unis, de gros tourneurs comme Live Nation se sont emparés du livestream. Cela va plus loin que les gros plans qu’on voit sur des écrans dans les grandes salles : ils travaillent sur les coulisses, sur des compléments préparés en amont et intégrés au flux live. D’ailleurs, des jeunes troupes nous proposent des choses dans la manière de filmer et, si on se met dans la perspective de 2050, je crois qu’une nouvelle génération a grandi avec les réseaux sociaux et avec les images, et sait naturellement les intégrer à ses spectacles. »
Sébastien Tézé
- « Il faut bien avoir en tête que le monde a changé et que nos clients de 18 ou 20 ans sont élevés aux réseaux. Le modèle que j’ai vécu, depuis vingt-cinq ans que je produis des spectacles dans les théâtres à Paris, est en train de disparaitre. Longtemps, on louait un théâtre du mardi au dimanche avec un spectacle ; aujourd’hui, c’est seulement le vendredi et le samedi. Quand on est directeur, il est question de le remplir du lundi au jeudi.
- Pour les livestreams, des spectateurs étaient en Guyane, à Los Angeles, au Japon, en Afrique noire, au Maghreb, en Thaïlande… C’est un public qui de toute façon ne fera pas des milliers de kilomètres pour venir dans nos salles. Alors c’est à ces communautés que créent les artistes que nous devons nous adresser. »
Philippe Delmas
« Le schéma de remontée de droits est déjà en place » (Sébastien Tézé)
- « En ce qui concerne le livestream gratuit comme Arte Concert, le modèle économique est complètement différent. Pour une plateforme payante telle que la nôtre, la rémunération des artistes se fait de deux manières. Quand nous coproduisons une œuvre audiovisuelle, en l’occurrence une captation de spectacle, le producteur du spectacle apporte les droits artistiques ; les revenus générés par les visionnages de la captation sont remontés au producteur du spectacle, qui rétribue les artistes.
- Deuxièmement, nous avons des accords avec la SACD et la Sacem, et nous discutons avec l’Adami pour mettre en place des accords-cadres de gestion collective. Nous reversons donc chaque année un pourcentage auprès des sociétés d’auteurs qui font remonter ces droits auprès des artistes. C’est modeste par rapport aux chaînes de télévision mais le schéma de remontée de droits est déjà en place. »
Sébastien Tézé
- « ll en est exactement de même pour nous. »
Philippe Delmas
Sébastien Tézé
Co-fondateur @ OPSIS TV
Producteur @ Les Films d’un Jour
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Parcours
Co-fondateur
Producteur
Fiche n° 46363, créée le 08/06/2022 à 18:15 - MàJ le 17/07/2022 à 17:24
Philippe Delmas
Directeur associé @ Apollo Théâtre
Directeur @ Le Palace (Avignon)
Président @ Artistic records
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Parcours
Directeur associé
Directeur
Président
Fiche n° 46495, créée le 20/06/2022 à 16:38 - MàJ le 17/07/2022 à 17:23
Festival d’Avignon
• Festival dédié au spectacle vivant contemporain
• Créé en 1947 par Jean Vilar
• Dispose depuis 2013 d’un lieu permanent de résidence et de création avec la FabricA
• 78e édition : du 29/06 au 21/07/2024 (dates avancées pour correspondre à la situation liée à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024)
• Chiffres de la 77e édition : du 05 au 25/07/2023
- 114 600 billets délivrés pour les spectacles payants
- 44 spectacles et 1 exposition, pour 258 représentations
• 76e édition (du 07 au 26/07/2022)
- 105 260 billets délivrés pour les représentations payantes
- 29 000 billets entrées aux manifestations gratuites
- 47 spectacles présentés pour 270 représentations jouées
• 75 édition du 05 au 25/07/2021
- Fréquentation totale : 123 912 entrées
• 74e édition prévue du 03 au 23/07/2020 annulée
• « Un Rêve d’Avignon » du 03 au 25/07/2020 : programme numérique et audiovisuel
• « Une Semaine d’art en Avignon » du 23 au 29/10/2020 (écourtée en raison du reconfinement) : 7 spectacles (5 créations et 2 premières en France) pour 35 représentations
• Directeur : Tiago Rodrigues (depuis le 01/09/2022)
• Directeur délégué : Pierre Gendronneau (depuis février 2023)
• Contact : 04 90 27 66 50
Catégorie : Festival / Salon
Adresse du siège
20 Rue du Portail Boquier84000 Avignon France
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Fiche n° 488, créée le 27/09/2013 à 13:23 - MàJ le 12/07/2024 à 09:19
News Tank Culture (NTC)
• Média d’information indépendant et innovant, spécialisé dans l’actualité de la musique, du spectacle vivant, des musées, monuments et du patrimoine et, depuis 2023, des nouvelles images.
• Création : septembre 2012
• Proposant à la fois un fil d’actualités, des dossiers de fonds, des interviews et de grands entretiens, des data et un annuaire des professionnels et des organisations, News Tank Culture s’adresse aux dirigeants et acteurs de la culture. Il organise également chaque année Think Culture, une journée d’échange et de débat autour de l’innovation dans le pilotage de la culture, avec la volonté de décloisonner les secteurs culturels.
• Direction :
- Bertrand Dicale, directeur général
- Anne-Florence Duliscouët, directrice de la rédaction
- Jacques Renard, directeur délégué Think Culture
- Alexis Bouhelier, directeur du développement
• News Tank Culture est une filiale de News Tank Network, créée par Marc Guiraud et Frédéric Commandeur, qui a également développé :
- News Tank Sport,
- News Tank Éducation et Recherche,
- News Tank RH Management,
- News Tank Cities,
- News Tank Mobilités,
- News Tank Énergies,
- News Tank Agro.
Le groupe emploie une centaine de collaborateurs.
Catégorie : Média
Maison mère : News Tank (NTN)
Adresse du siège
48 rue de la Bienfaisance75008 Paris France
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Fiche n° 6882, créée le 03/04/2018 à 03:02 - MàJ le 17/09/2024 à 17:06
© News Tank Culture - 2024 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »