SV 2050 : « Le tiers-lieu ne doit pas être la norme demain » (Vincent Cavaroc, La Halle Tropisme)
« La Halle Tropisme existera-t-elle toujours en 2050, et peut-elle tenir avec ses équilibres instables ? Clairement, non. Et je ne le souhaite pas. Le type de lieu que je représente ne doit pas être la norme demain. Car cela appauvrirait énormément le champ culturel. (…) La Halle Tropisme était un lieu où, auparavant, on réparait des poids lourds et des tanks. Ce lieu n’est intrinsèquement pas fait pour accueillir des danseurs et ne bénéficie pas des dimensions adéquates pour accueillir des spectacles classiques. S’il n’y avait que des lieux comme le nôtre dans quelques années, cela signifierait un échec des politiques culturelles », déclare Vincent Cavaroc
Directeur artistique @ Gaîté Lyrique
, directeur de La Halle Tropisme (Montpellier), lors du débat « Le tiers lieu de préférence à l’institution ? », le 16/07/2022. La rencontre était organisée dans le cadre de la 2e édition de l’événement « Quel spectacle vivant en 2050 ? Prospective à l’échelle d’une génération », par le Festival d’Avignon et News Tank Culture.
« La question de la souplesse, de la prise de risque et de la recherche d’autres outils, espaces et liens aux publics, c’est, pour une petite Scène nationale dans une petite ville comme Montbéliard, une question de survie. (…) Dans une ville où 65 % des habitants travaillent dans l’industrie automobile, où le taux de chômage est élevé et où les cadres supérieurs sont peu nombreux, se rendre dans une Scène nationale ne veut rien dire. Le défi quotidien est de faire vivre la création en réinventant et en questionnant sans arrêt les modèles. (…) Le MAgasin est l’un de ces outils. Cela incarne-t-il une “tiers-lieuisation” des Scènes nationales ? Je ne sais pas », indique Yannick Marzin
Directeur @ MA Scène nationale - Pays de Montbéliard
, directeur de MA Scène nationale - Pays de Montbéliard.
News Tank rend compte des échanges.
« Quel spectacle vivant en 2050 ? Prospective à l’échelle d’une génération »
Initiées en 2021, ces deux journées de réflexion sur l’avenir du spectacle vivant sont organisées cette année les 15 et 16 juillet à l’ISTS par News Tank Culture et le Festival d’Avignon, avec le soutien du ministère de la Culture, de l’Association pour le soutien du théâtre privé et du Pass Culture. Cette 2e édition est consacrée à la question des lieux de spectacle et questionne les nouveaux modèles en devenir.
« Chez nous, le café, le restaurant ou les privatisations ne sont pas des coquetteries » (Vincent Cavaroc)
- « Entre un CCN Centre chorégraphique national , type de structure où je travaillais auparavant, et un tiers-lieu, tout est différent. L’objectif est le même : parvenir à produire des artistes et, pour cela, trouver les moyens. C’est dans la recherche de moyens que tout diffère.
- Les labels nationaux s’inscrivent dans des politiques publiques pensées il y a longtemps, et dans des compagnonnages longs avec les tutelles. De notre côté, nous sommes dans le “one shot”, dans la recherche permanente de financements et, chaque année, nous repartons quasiment de zéro. Il faut se battre pour rechercher des appels à projets, diversifier les ressources directes…
- Chez nous, le café, le restaurant ou les privatisations ne sont pas des coquetteries : c’est moteur dans notre économie. Et, dans tout cela, il ne faut pas se perdre : ce n’est pas la pompe à bière qui doit définir notre ligne éditoriale. C’est peut-être là qu’avoir exercé auparavant dans un CCN, dans une institution, peut être utile. Si je n’avais que mon côté entrepreneurial, peut-être aurais-je perdu mes objectifs artistiques… »
Vincent Cavaroc
« MAgasin entraîne de nouveaux processus de création auprès d’artistes qui ont davantage l’habitude de travailler dans des studios » (Yannick Marzin)
- « Je n’utilise pas le mot “tiers lieu” dans ce que l’on peut faire avec MAgasin. Cette ouverture témoigne de la capacité d’une scène nationale à développer constamment son projet.
- Ces deux dernières années ont été marquées par la pandémie, par des notions d'“essentiel” et de “non essentiel”, avec des magasins ouverts mais pas les théâtres. Et puis les centres-villes des petites moyennes villes se sont vidés, notamment après la crise du Covid. Autant d’éléments qui m’ont interrogé. En voyant un magasin qui avait fermé en bas de chez moi, et qui était pourtant une institution dans notre ville, je me suis posé la question du lien avec les gens, avant de me reposer la question des publics. De là est née l’idée de reprendre un magasin pour en faire un lieu artistique.
- La question de la souplesse, de la prise de risque et de la recherche d’autres outils, espaces et liens aux publics, c’est, pour une petite Scène nationale dans une petite ville comme Montbéliard, une question de survie.
- La programmation n’est pas une fin en soi, et la Scène nationale du Pays de Montbéliard n’est pas un marqueur urbain. Dans une ville où 65 % des habitants travaillent dans l’industrie automobile, où le taux de chômage est élevé et où les cadres supérieurs sont peu nombreux, se rendre dans une scène nationale ne veut rien dire.
- Le défi quotidien est de faire vivre la création en réinventant et en questionnant sans arrêt les modèles. Cela ne peut se faire qu’avec les équipes artistiques, en se dotant d’outils permettant de répondre à la question : “que fait-on ici ?”. Le MAgasin est l’un de ces outils. Cela incarne-t-il une “tiers-lieuisation” des Scènes nationales ? Je ne sais pas. Je constate simplement que ces phénomènes existaient déjà dans d’autres pays il y a 20 ans. Notre MAgasin expose et s’expose, et entraîne de nouveaux processus de création auprès d’artistes qui ont davantage l’habitude de travailler dans des studios sans fenêtre.
- Les institutions que sont les Scènes nationales sont relativement stables dans leur financement, et ne cessent d’être créatives à l’endroit où elles ont envie de l’être, en complicité constante avec les artistes. »
Yannick Marzin
MAgasin, un « magasin éphémère » dédié aux résidences de création
« Le MAgasin est un lieu dans lequel nous invitons des artistes pour des résidences de création », indiquait Yannick Marzin à News Tank, à son ouverture, le 30/11/2021. « L’idée est de rendre visible leur travail quotidien en utilisant les codes commerciaux (vitrine, affichage, signalétique). Nous ne vendons rien. Nous invitons les passants à découvrir des processus de création et à vivre des expériences conçues par des artistes qui se succéderont et participeront à la dynamique du centre-ville au côté des commerçants. »
« De par la diversité de nos activités, nous pourrions émarger à plusieurs guichets » (Vincent Cavaroc)
- « L’ambiguïté de l’État vis-à-vis des tiers-lieux se situe à un endroit. Pourquoi un tiers-lieu tel que la Halle Tropisme est né sur ce modèle ? Ce n’était pas simplement par envie de travailler toute l’année d’arrache-pied avec peu de moyens et pour une bouchée de pain. L’envie était simplement de monter un lieu culturel qui raconte quelque chose de différent des lieux labellisés.
- Mais monter un tel lieu se fait avec les moyens du bord, c’est-à-dire pas grand-chose. Cette frugalité de moyens nous a apporté de l’agilité et de la diversité. Aujourd’hui, le modèle semble séduire tout le monde, à tel point qu’on propose aux scènes nationales, via un plan d’investissement, de bénéficier de financements pour diversifier leurs activités en ce sens. Pour moi, il y a une ambiguïté. Ce modèle ne répond pas, encore une fois, à une coquetterie, mais à un impératif qui nous permet, en fin de d’année, de sortir tout juste la tête de l’eau. Au demeurant, je trouve très intéressant et respectable qu’une Scène nationale cherche à diversifier ses formes.
- Avec les Quartiers Culturels Créatifs, le ministère de la Culture s’empare enfin de la question des tiers-lieux, là où jusqu’ici nous n’étions aidés que par l’Agence nationale de cohésion des territoires. Sur un “one shot” concernant 10 lieux, dont nous avons fait partie, nous avons reçu un peu d’argent pour favoriser le commerce culturel.
- Le tiers-lieu s’amorce dans une dimension souvent transitoire : on occupe un temps de planification urbaine. Dans notre cas, ce temps s’étale sur 12 ans, dans le cadre de la reconfiguration d’un quartier. Mais l’histoire du tiers-lieu peut aussi aller plus loin, si la collectivité, l’aménageur et les promoteurs immobiliers souhaitent pérenniser une expérimentation qui a fonctionné. C’est le cas de la Friche la Belle de Mai à Marseille par exemple, un outil né dans la transition d’une usine de tabac et qui, en trouvant sa place et son usage, a perduré.
- La Halle Tropisme existera-t-elle toujours en 2050, et peut-elle tenir avec ses équilibres instables ? Clairement, non. Et je ne le souhaite pas. Ce type de lieu que je représente ne doit pas être la norme demain. Car cela appauvrirait énormément le champ culturel. Dans la mesure où, notamment, nous sous-représentons beaucoup d’esthétiques, car nous sommes un lieu non dédié.
- La Halle Tropisme était un lieu où, auparavant, on réparait des poids lourds et des tanks. Ce lieu n’est intrinsèquement pas fait pour accueillir des danseurs, et ne bénéficie pas des dimensions adéquates pour accueillir des spectacles classiques. S’il n’y avait que des lieux comme les nôtres dans quelques années, cela signifierait un échec des politiques culturelles.
- Mon questionnement est plutôt de savoir comment on fait aujourd’hui pour que nos lieux, dans l’évolution naturelle des choses, puissent exister avec un petit peu plus de moyens. Nous pourrons commencer à travailler le jour où les collectivités arriveront à nous comprendre et à nous traiter de manière transversale, puisque, de par la diversité de nos activités, nous pourrions émarger à plusieurs guichets. »
Vincent Cavaroc - « Sur la transversalité, l’ouverture de MAgasin nous a permis de travailler avec des élus avec lesquels je n’avais jamais travaillé jusqu’à présent. De manière plus générale, je me souviens que Matignon avait lancé il y a quelques années un projet de réactivation des centres-villes : très peu de municipalités ont fait appel aux structures culturelles pour déposer des dossiers. Plus globalement, il y a danger, si nous n’arrivons pas nous insérer dans les discussions et enjeux qui dépassent nos questions de billetterie ou de jauge. »
Yannick Marzin
Yannick Marzin
Directeur @ MA Scène nationale - Pays de Montbéliard
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Parcours
Directeur général
Directeur exécutif
Responsable danse
Fiche n° 9190, créée le 24/02/2015 à 14:08 - MàJ le 26/11/2021 à 12:13
Parcours
Directeur artistique
Conseiller artistique
Directeur de production
Directeur
Directeur artistique
Producteur délégué
Fiche n° 46362, créée le 08/06/2022 à 18:09 - MàJ le 13/04/2023 à 12:08
Festival d’Avignon
• Festival dédié au spectacle vivant contemporain
• Créé en 1947 par Jean Vilar
• Dispose depuis 2013 d’un lieu permanent de résidence et de création avec la FabricA
• 78e édition : du 29/06 au 21/07/2024 (dates avancées pour correspondre à la situation liée à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024)
• Chiffres de la 77e édition : du 05 au 25/07/2023
- 114 600 billets délivrés pour les spectacles payants
- 44 spectacles et 1 exposition, pour 258 représentations
• 76e édition (du 07 au 26/07/2022)
- 105 260 billets délivrés pour les représentations payantes
- 29 000 billets entrées aux manifestations gratuites
- 47 spectacles présentés pour 270 représentations jouées
• 75 édition du 05 au 25/07/2021
- Fréquentation totale : 123 912 entrées
• 74e édition prévue du 03 au 23/07/2020 annulée
• « Un Rêve d’Avignon » du 03 au 25/07/2020 : programme numérique et audiovisuel
• « Une Semaine d’art en Avignon » du 23 au 29/10/2020 (écourtée en raison du reconfinement) : 7 spectacles (5 créations et 2 premières en France) pour 35 représentations
• Directeur : Tiago Rodrigues (depuis le 01/09/2022)
• Directeur délégué : Pierre Gendronneau (depuis février 2023)
• Contact : 04 90 27 66 50
Catégorie : Festival / Salon
Adresse du siège
20 Rue du Portail Boquier84000 Avignon France
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Fiche n° 488, créée le 27/09/2013 à 13:23 - MàJ le 12/07/2024 à 09:19
News Tank Culture (NTC)
• Média d’information indépendant et innovant, spécialisé dans l’actualité de la musique, du spectacle vivant, des musées, monuments et du patrimoine et, depuis 2023, des nouvelles images.
• Création : septembre 2012
• Proposant à la fois un fil d’actualités, des dossiers de fonds, des interviews et de grands entretiens, des data et un annuaire des professionnels et des organisations, News Tank Culture s’adresse aux dirigeants et acteurs de la culture. Il organise également chaque année Think Culture, une journée d’échange et de débat autour de l’innovation dans le pilotage de la culture, avec la volonté de décloisonner les secteurs culturels.
• Direction :
- Bertrand Dicale, directeur général
- Anne-Florence Duliscouët, directrice de la rédaction
- Jacques Renard, directeur délégué Think Culture
- Alexis Bouhelier, directeur du développement
• News Tank Culture est une filiale de News Tank Network, créée par Marc Guiraud et Frédéric Commandeur, qui a également développé :
- News Tank Sport,
- News Tank Éducation et Recherche,
- News Tank RH Management,
- News Tank Cities,
- News Tank Mobilités,
- News Tank Énergies,
- News Tank Agro.
Le groupe emploie une centaine de collaborateurs.
Catégorie : Média
Maison mère : News Tank (NTN)
Adresse du siège
48 rue de la Bienfaisance75008 Paris France
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Fiche n° 6882, créée le 03/04/2018 à 03:02 - MàJ le 17/09/2024 à 17:06
© News Tank Culture - 2024 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »