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Think 2021 : « Les outils d’accompagnement des tiers-lieux émergent en dehors du MC » (J.-C. Levassor)

News Tank Culture - Paris - Actualité n°227568 - Publié le 09/09/2021 à 10:20
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©  Seb Lascoux
« L’émergence et l’innovation artistiques : quelle prise en compte, quel accompagnement ? » - ©  Seb Lascoux

« Les lieux comme la Condition Publique à Roubaix - qui à la base est un EPCC Établissement public de coopération culturelle mais penche du côté des tiers-lieux - ne sont pas accompagnés par l’État, et ce n’est pas par manque d’intérêt puisque le ministère de la Culture s’intéresse à nous et à ce que nous faisons. Pour autant, les outils pour nous accompagner n’émergent pas. Par contre, ces outils se mettent en place du côté de l’ANCT Agence nationale de la cohésion des territoires (…) ou du ministère de l’Agriculture. (…) Il est temps que le MC Ministère de la Culture trouve les outils pour travailler avec nous sinon il va se faire “voler des pépites” », déclare Jean-Christophe Levassor Directeur de la culture @ Département du Morbihan
, directeur de la Condition Publique, dans le module consacré à l’émergence et l’innovation artistiques et leur accompagnement par l’État dans le cadre du thème « Le ministère de la Culture et ses modalités d’intervention : un modèle à revoir ? », à l’occasion de la 6e édition de Think Culture au Centre Pompidou • Établissement public culturel pluridisciplinaire ouvert en 1977.• Réunit le MNAM (Musée national d’art moderne), le CCI (Centre de création industrielle), le DCC (Département culture et création)… le 07/09/2021. 

« Je trouve que la création de la délégation aux Territoires, à la Transmission et à la Démocratie culturelle est un très bon signe qui montre qu’il y a, au MC, la préoccupation d’imaginer des lieux différemment », indique Cathy Bouvard Directrice @ Ateliers Médicis
, directrice des Ateliers Médicis • Lieu de recherche, de création et de partage artistique et culturel situé à Clichy-sous-Bois et Montfermeil • Accueille en résidence des artistes de toutes les disciplines • EPCC créé début… . « Cette délégation laisse l’espoir d’une approche qui ne soit plus en silos artistiques - même si je tiens à réaffirmer que les labels monodisciplinaires sont très importants. Si l’on veut pouvoir permettre à des approches innovantes d’émerger dans les territoires, il faut qu’il y ait une vision un peu matricielle. C’est ce que promet la DG2TDC Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle  », ajoute Jean-Christophe Levassor.

News Tank rend compte des échanges.


« Le lien à l’autre est central pour toute une nouvelle génération d’artistes » (Cathy Bouvard)

  • « La Condition Publique La Condition Publique se veut comme une manufacture culturelle, où la création occupe une place importante au sein de la programmation. Elle se caractérise par sa pluridisciplinarité : spectacle… est un lieu situé dans un ancien site de l’industrie textile dans un quartier populaire de Roubaix. Elle s’est construite par strates successives depuis 2004 (avec Lille Capitale européenne de la culture). Elle est aujourd’hui un EPCC Établissement public de coopération culturelle de la Région Hauts-de-France, la métropole européenne de Lille, la Ville de Roubaix, et est accompagnée dans son programme d’activités par le Département du Nord. 
  • Notre travail, depuis 2016, est de créer les conditions pour que ce lieu pluridisciplinaire s’ouvre sur de nombreuses thématiques différentes telles que le social, l’architecture ou l’urbanisme. Et avec à la fois l’envie d’être le plus ouvert possible sur la population et de mettre en place un certain nombre de dispositifs pour permettre à cette population de participer à la vie du lieu et de se former. La CP Condition Publique à Roubaix accueille par ailleurs une vingtaine de structures dans le secteur culturel et social qui disposent de bureaux, d’ateliers de production et auprès desquelles nous mettons en place de l’ingénierie pour leurs projets.
  • Enfin, on est en capacité de réaliser, quand on en a les moyens, un certain nombre de projets qui peuvent atteindre une certaine exposition, mais aussi d’accueillir la programmation d’autres lieux, en écho avec ce qui se passe chez nous.
  • La question de la présence des artistes consiste pour nous à pouvoir inviter des créateurs à travailler dans le contexte que l’on a créé, à venir interagir avec lui, activer un certain nombre de liens qui leur permettraient, peut-être, de créer un projet qu’ils n’auraient pas l’habitude de proposer. C’est à cet endroit que nous agissons de manière spécifique. »

    Jean-Christophe Levassor
  • « Les Ateliers Médicis sont un lieu en train de se construire mais leur ADN est d’être la maison de la transmission et de la résidence. À ce titre, la question du lien entre les jeunes artistes et leur chemin professionnel est central dans la construction de notre maison. Elle se caractérise selon deux axes :
    • La prise en main de la professionnalisation des jeunes artistes, et en particulier ceux qui n’ont pas eu la chance de développer une trajectoire professionnelle reconnue dans les réseaux publics. Nous sommes en train de mettre en place un certain nombre de formations (en lien avec la chorégraphe Bintou Dembélé ou l’Ensatt • Création en 1941 • Installation sur la colline de Saint Just, à Lyon, en 1997• 10 formations proposées : jeu, administration du spectacle vivant, conception costume, conception lumière… par exemple) ainsi qu’un incubateur pour aider des artistes à mener leurs projets. Sur place, on étaye aussi un certain nombre de projets d’artistes qui sont, pour la plupart, autodidactes.
    • Les Ateliers Médicis sont certes à Clichy-Montfermeil mais ils rayonnent partout en France à travers le dispositif “Création en cours”, créé par le MC Ministère de la Culture il y a 5 ans pour permettre à de jeunes artistes sortant des écoles supérieures d’art de se professionnaliser au travers de la transmission. “Création en cours” met en résidence plus d’une centaine d’artistes dans des classes de CM2, en particulier en milieu rural.
  • Cathy Bouvard - ©  D.R.
    Nous avons, enfin, créé un festival, “Transat”. Il propose des résidences artistiques dans des lieux non culturels (Ehpad Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes , structures sociales). L’idée de voir comment des artistes pour qui la question du lien à la population est centrale dans leur œuvre, vont agir dans des structures.
  • Notre conviction, ce qui structure notre travail, c’est qu’un artiste issu d’un territoire à qui l’on donne les chances de s’insérer sur ce territoire, va modifier ce territoire et verra son œuvre modifiée elle aussi. 
  • Il y a trente ans, lorsque j’ai débuté ma carrière professionnelle, la question de l’action culturelle était marginale. Aujourd’hui, il existe toute une jeune génération d’artistes pour qui le lien à l’autre, aux habitants et à ceux vers qui leurs œuvres vont être tournées, est centrale. C’est sur cette centralité que porte notre travail. »

    Cathy Bouvard

« Il est temps que le ministère de la Culture trouve les outils pour travailler avec des lieux comme la Condition Publique sinon il va se faire “voler des pépites” » (Jean-Christophe Levassor)

  • « Les Ateliers Médicis sont, au départ, une créature politique. C’est Frédéric Mitterrand qui, quelques années après les émeutes urbaines de 2005, déclare vouloir requalifier une vieille tour de bureaux désaffectée à Clichy-Montfermeil pour en faire la “Villa Médicis des banlieues du monde”.
  • De fait, nous sommes très accompagnés par le ministère de la Culture - mais aussi par la métropole du Grand Paris et par la Région Île-de-France.
  • Nous sommes encore dans une phase de de structuration et d’expérimentation. Le 15/092021, nous lançons le concours d’architecture pour notre lieu définitif qui devrait voir le jour fin 2025-début 2026. Il sera un outil à l’échelle de ce que l’on est en train de développer. »

    Cathy Bouvard
  • « Les Ateliers Médicis et la Condition Publique sont à des moments très différents. Alors que les Ateliers Médicis sont encore dans une phase de préfiguration, la CP dispose d’un lieu, de programmes que l’on a déjà pu mettre en place, etc.
  • La question qui se pose pour nous, c’est notre capacité à gérer sereinement des programmes et résidences d’artistes, étant donné que nous avons souvent la confirmation d’un budget une fois la résidence débutée ou même terminée. 
  • Économiquement, nous n’avons pas de marge artistique. Nous avons des financements qui permettent de couvrir des frais de structure. Pour tous nos projets, nous devons aller chercher des financements ad hoc, sachant que nous ne faisons pas de billetterie puisque tout est gratuit.
  • Ces financements proviennent donc uniquement du mécénat, de l’aide au projet, des constructions de partenariats avec des labels locaux, etc. Cela suppose d’avoir une très grande ingénierie financière, ce qui occupe une grande partie de notre temps lorsque l’on doit mener des projets avec les artistes.
  • Les lieux comme la CP - qui à la base est un EPCC mais penche du côté des tiers-lieux - ne sont pas accompagnés par l’État, et ce n’est pas par manque d’intérêt puisque le MC s’intéresse à nous.
  • Pour autant, les outils pour nous accompagner n’émergent pas. Par contre, ces outils se mettent en place du côté de l’ANCT Agence nationale de la cohésion des territoires  (par lequel nous sommes labellisés “Fabrique de territoire”), du ministère de l’Agriculture (avec lequel nous avons reçu une subvention pour travailler sur un projet autour de l’alimentation dans les quartiers populaires et dans le cadre duquel nous avons fait intervenir un artiste), etc.
  • Mais, ces ministères ne nous financent pas pour le travail artistique à proprement parler. Cela a pour conséquence de nous éloigner de l’artistique. Il est pourtant nécessaire d’agir justement à cet endroit d’équilibre entre l’artistique et l’agriculture, l’alimentation, etc. Il est temps que le ministère de la Culture trouve les outils pour travailler avec nous sinon il va se faire “voler des pépites”.
  • Nous sommes bien conscients qu’il ne s’agit pas d’inventer un nouveau label et que les marges de manœuvre pour venir soutenir en fonctionnement de manière massive sont difficiles à réunir. Mais c’est quand même paradoxal que, depuis mon arrivée en 2016, nous ayons reçu plus de financements de la part du ministère de l’Agriculture que du ministère de la Culture… »

    Jean-Christophe Levassor

« La nouvelle délégation du ministère de la Culture laisse l’espoir d’une approche qui ne soit plus en silos artistiques » (Jean-Christophe Levasssor)

  • « Il se trouve que j’ai précédemment travaillé dans un autre lieu de fabrique, Les Subsistances Laboratoire international de création artistique consacré aux nouveaux langages du spectacle vivant (danse, théâtre, cirque…) • Créé en 2003 par Guy Walter et Cathy Bouvard • Chiffres-clés 2022… à Lyon, et il est vrai que le ministère de la Culture n’arrivait pas à bien nous identifier car nous étions pour eux un objet à la croisée des chemins et, dès lors, impossible à faire entrer dans une case.
  • J’imagine que c’est ce qui se passe aujourd’hui pour la Condition Publique.
  • Je trouve toutefois que la création de la nouvelle délégation aux Territoires, à la Transmission et à la Démocratie culturelle est un très bon signe. Cela constitue un moment où, au MC, il y a je crois la préoccupation d’imaginer des lieux différemment.
  • Nous travaillons beaucoup avec cette délégation qui est, elle aussi, en train de se construire. Il faut lui laisser le temps de voir comment elle va travailler. »

    Cathy Bouvard
  • « Ce qui est intéressant avec cette nouvelle délégation, c’est justement qu’elle redonne une valeur à la question des territoires. Les lieux de création qui se mettent dans une situation de marge sont forcément définis par le territoire dans lequel ils s’inscrivent, pas par un label fixé par décret.
    Jean-Christophe Levassor - ©  Seb Lascoux
  • Cette délégation laisse l’espoir d’une approche qui ne soit plus en silos artistiques - même si je tiens à réaffirmer que les labels monodisciplinaires sont très importants. Si l’on veut pouvoir permettre à des approches innovantes d’émerger dans les territoires, il faut qu’il y ait une vision un peu matricielle. C’est ce que promet la DG2TDC Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle . Et celle-ci doit pouvoir s’appuyer sur l’expertise de terrain de son réseau, pas sur des décrets de labels qui fixeraient les choses dans le marbre.
  • Le MC dispose, via ses DRAC Direction régionale des affaires culturelles et ses conseillers, d’un réseau de gens qui sont en capacité de développer une expertise sur un territoire. Peut-être que la nouvelle délégation va permettre de retrouver des marges de manœuvre pour des approches plus territorialisées du ministère de la Culture.
  • Car nous avons besoin de ce ministère. On peut travailler avec lui sur les questions de création “pure” et de légitimité de la création de manière différente de ce que l’on peut faire avec des collectivités qui sont dans des logiques d’élections récurrentes. Il faudrait donc arriver à une expertise du MC qui viendrait en complément d’une expertise de territoire émanant des collectivités. »

    Jean-Christope Levassor 

« La pratique est beaucoup plus transdisciplinaire que ne le sont les réseaux institutionnels » (Cathy Bouvard)

  • « La question de cette nécessité de vouloir normer fait que l’on se retrouve dans des trucs complètement immobilisés. Partout nous avons des interlocuteurs passionnés par la culture et qui comprennent les engagements que l’on a et ce que l’on fait. Il faut libérer les mains des gens qui travaillent dans l’administration.
  • La pratique est beaucoup plus transdisciplinaire que ne le sont les réseaux institutionnels. C’est vrai qu’il y a un gap entre la pratique des jeunes artistes qui est très transdisciplinaire et la façon dont ils sont obligés d’instruire leur intégration dans les réseaux.
  • Certes, aujourd’hui dans les DRAC, on retrouve des conseillers transdisciplinaires, mais il y a tout un travail à faire pour que les choses évoluent encore davantage. »

    Cathy Bouvard

« Nous avons fait évoluer un établissement public culturel en regardant ce qui se jouait dans les dynamiques de tiers-lieux » (Jean-Christophe Levassor)

  • « La structure juridique dans le secteur culturel ne fait pas tout. Pas mal de CDN sont des SARL Société à responsabilité limitée , la Condition Publique est un EPCC, les Scènes nationales sont souvent des associations, etc. 
  • Quand je suis arrivé en 2016, il y avait un vrai enjeu à réinventer l’objet Condition Publique qui connaissait un certain nombre de déboires. Mais je n’ai pas changé la structure juridique pour autant.
  • La question a été de savoir comment on faisait évoluer un établissement public culturel en regardant ce qui se jouait dans les dynamiques de tiers-lieux. 
  • On a mis du temps pour réinventer les choses et trouver les endroits où l’on pouvait transformer notre manière de travailler. La première décision a été que je ne prenne pas le rôle de directeur artistique. Dès lors que l’on est sur une logique de coopération, je me vis beaucoup plus comme un coordinateur que comme un DA directeur artistique .
  • Nous avons aussi fait évoluer l’équipe en interne en faisant émerger un pôle programmation-production et un autre consacré au développement et à l’innovation sociale. Celui-ci a pris la suite du service dédié à la médiation, comme on peut en trouver dans les schémas classiques des labels monodisciplinaires. 
  • Ce pôle consiste à monter des programmes qui vont survivre à la programmation artistique. On a par exemple créé un espace médias pour les jeunes, un fablab, etc. Cela se fait main dans la main avec l’autre pôle qui a, lui, la charge de programmer des spectacles, des expositions.
  • Tout l’enjeu, après, est de créer la réconciliation de ces deux univers. C’est là où l’artistique, au sens de résidence, va faire le lien.  
  • L’artiste peut devenir le point de jonction de nombre de dynamiques différentes. C’est pour cela que je regrette beaucoup qu’il me manque les moyens de planifier sereinement et à l’avance les résidences artistiques. C’est notamment là que l’État peut nous aider. »

    Jean-Christophe Levassor

Cathy Bouvard


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Parcours

Ateliers Médicis
Directrice
Les SUBS
Codirectrice
Théâtre de la Croix-Rousse
Secrétaire générale et programmatrice

Fiche n° 3119, créée le 20/03/2014 à 09:31 - MàJ le 16/11/2023 à 12:24

Jean-Christophe Levassor


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Parcours

Département du Morbihan
Directeur de la culture
Métropole européenne de Lille (MEL)
Directeur culture
Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC MCC)
Responsable du bureau du secteur audiovisuel public

Fiche n° 630, créée le 05/11/2013 à 10:09 - MàJ le 01/02/2024 à 17:38

©  Seb Lascoux
« L’émergence et l’innovation artistiques : quelle prise en compte, quel accompagnement ? » - ©  Seb Lascoux