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Think Culture 2020 : « La crise du Covid-19 a rendu les tiers-lieux plus crédibles » (Stéphane Vatinel)

News Tank Culture - Paris - Actualité n°192331 - Publié le 15/09/2020 à 11:00
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©  Seb Lascoux
Les tiers-lieux, quel rôle dans la politique culturelle ? - ©  Seb Lascoux

« La crise du Covid-19 est un mal qui a fait progresser les tiers-lieux beaucoup plus vite que ce que nous pouvions espérer depuis des années. Un certain nombre d’engagements que nous défendons se retrouvent aujourd’hui sur le devant de la scène : l’écologie, la biodiversité, les circuits courts, la mixité des publics, la réduction des déplacements quotidiens, etc. À la REclyclerie (Paris 18e) et à la Cité fertile à Pantin (Seine-Saint-Denis), nous avons dû arrêter notre activité lucrative de boisson/restauration le 13/03/2020, et tout d’un coup la partie invisible de l’iceberg est apparue : nos lieux accueillent des associations de terrain, nous participons à la cohésion du territoire. À la sortie du confinement, nous étions devenus des partenaires crédibles pour nombre d’élus ou d’établissements traditionnellement conservateurs », déclare Stéphane Vatinel Directeur général @ Sinny & Ooko (Sinny&Ooko)
, directeur général de Sinny & Ooko, lors du débat « Les tiers-lieux, quel rôle dans la politique culturelle ? » organisé par News Tank Culture, dans le cadre de la 5e édition de Think Culture au Centre Pompidou (Paris  4e) le 08/09/2020.

« Les tiers-lieux sont de formidables partenaires du développement culturel d’une ville. Il faut arrêter de penser que l’institution est essoufflée, sclérosée, voire morte, aujourd’hui elle se repense. Elle le fait parfois en s’inspirant des tiers-lieux qui ont indiqué le chemin d’une convivialité, d’une architecture, d’un accueil nouveaux, qui ont favorisé les résidences d’artistes ponctuelles au détriment de saisons qui reproduisent parfois les mêmes schémas à l’aune d’une direction artistique un peu trop labellisée ; parfois en partenariat avec les tiers-lieux. Les organismes se repensent finalement les uns vis-à-vis des autres, en connivence et coopération », indique Laurence Dupouy-Veyrier Vice-présidente @ Association des directrices et directeurs des affaires culturelles d’Ile-de-France • Directrice de la Culture @ Ville de Nanterre
, directrice de la culture de la Ville de Nanterre et vice-présidente de l’ADAC-IdF Association des Directrices et Directeurs des Affaires Culturelles d’Île-de-France chargée de la métropole et des territoires. 

Juliette Bompoint Directrice @ Périféeries 2028 - candidature capitale européenne de la culture
, directrice de l’association Mains d’œuvres, participait aussi au débat modéré par Léa Lootgieter, responsable de la rubrique musées, monuments et patrimoine de News Tank Culture.


« La culture est bien plus large que la création et la diffusion artistique stricto sensu » (Stéphane Vatinel)

  • Stéphane Vatinel - ©  Seb Lascoux
    « La définition du “tiers-lieu” ne nous appartient pas puisqu’elle a été déterminée par le sociologue américain Ray Oldenburg, dans son livre The Great Good Place sorti en 1989. L’ouvrage faisait écho à la suburbanisation processus d’extension des zones proches de l’urbanisation urbaine et à l’abandon des centres-villes. Ray Oldenburg a développé l’idée qu’il y avait un certain nombre de lieux que nous occupions en dehors de nos espaces d’habitation et de travail. Il les envisageait comme “The Third Place” ou encore des lieux de destination choisis. J’aime beaucoup cette définition, ce lieu qui fait sens, qui fait lien, qui fait cohésion, un endroit où vous serez inévitablement moins individualisé. 
  • Chez Sinny & Ooko, nous avons adopté ce concept de “destinations choisies”, en lui enjoignant une deuxième définition, pour distinguer les tiers-lieux d’une épicerie ou d’un cinéma par exemple. Nous avons donc précisé leurs fonctions : il s’agit d’espaces dans lesquels une multitude d’activités sont développées et exprimées sur ce même lieu, créant des liens de convergence entre des populations qui se ne seraient jamais retrouvées si elles avaient été dans des lieux de monoculture.
  • Le modèle économique des tiers-lieux fait débat et je le regrette profondément. Le tiers-lieu peut ou doit être en marge d’un certain nombre d’institutions publiques. Mais il faut se défendre d’être manichéen, car il y a plusieurs territoires complexes (quartiers prioritaires de la ville par exemple) qui ont besoin d’être accompagnés par les financements des collectivités. 
  • Chez Sinny & Ooko, nous défendons un modèle privé de tiers-lieux qui s’appuie sur une recette assez basique : l’accès totalement gratuit au lieu, la vente de boissons, la restauration et la privatisation de certains espaces pour des entreprises privées. Les recettes issues de nos activités commerciales doivent être gérées de façon extrêmement rigoureuse pour nous permettre de financer, par exemple, les 700 événements annuels programmés à la REcyclerie (Paris 18e).  
  • À la REcyclerie ou à la Cité fertile à Pantin (Seine-Saint-Denis), un atelier de conversation en français avec des personnes issues de l’immigration et des étudiants de la Sorbonne a autant d’importance qu’un atelier de bricolage ou une conférence sur l’environnement. Notre modèle économique a un avantage : nous pouvons nous implanter partout, même dans des villes qui n’auraient aucune volonté de développer ce type d’espace axé sur l’éducation populaire. De plus, nous nous échappons de la coupe un peu réglée des élus qui, au détour d’une volonté politique, vont décider de couper ou non leurs subventions, donnant parfois un coup d’arrêt à des lieux historiques. 
  • Le foncier peut, bien entendu, être un problème dans les agglomérations très denses telle l’Île-de-France. Mais il y a énormément d’agglomérations, de villes et de villages qui ont des fonciers totalement abandonnés qui ne valent presque plus rien. Bizarrement, il y a beaucoup moins de candidats pour installer leurs tiers-lieux là-bas. Nous nous tournons de plus en plus vers ces zones territoriales “abandonnées”. La question est de savoir si, à partir de ces lieux, nous pouvons créer une valeur foncière, totalement fictive d’une certaine manière puisqu’elle représentera uniquement l’intérêt que les habitants auront à aller dans un endroit jusqu’alors délaissé. 
  • Par ailleurs, les aménageurs sont dans une forte demande vis-à-vis des tiers-lieux, parfois ils craignent que leurs projets soient rejetés s’ils n’en intègrent pas un. Et ils font appel à nous, car s’ils savent construire des bureaux et des logements, ils se trouvent démunis pour concevoir des meubles, proposer des enseignes de restauration et une programmation innovantes, etc. Il y a beaucoup d’opportunités de ce côté-là. 
  • La culture est bien plus large que la création et la diffusion artistique stricto sensu. La REcyclerie et la Cité fertile embrassent de nombreux éléments qui ne sont pas définis comme culturels mais qui font culture : le féminisme, la mixité sociale, les pratiques artisanales, etc. 
  • D’ailleurs, si ministère de tutelle il devait y avoir pour les tiers-lieux, ce qui n’est pas forcément souhaitable, ce ne serait surtout pas le ministère de la Culture. De par sa vision transversale, le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales semble plus approprié. De fait, il s’engage depuis plusieurs années sur le sujet. L’association France Tiers-Lieux recensait en 2019 près de 1 800 tiers-lieux. Parmi eux, une infime minorité était considérée comme “culturelle”, peut-être car un certain nombre d’institutions ont été classifiées comme équipements culturels plutôt que comme tiers-lieux. 
  • Je milite pour que les tiers-lieux de travail (fab lab, maker space, espace de coworking, pépinière d’entreprises, etc.) viennent mettre une dose de poésie, de lyrisme dans leurs espaces, car il est presque indigeste de voir que tous ces espaces, qui pourraient recevoir du public et créer du lien, aient les mêmes heures d’ouverture que des bureaux classiques. Il faut bien avoir en tête que plus de 50 % de la population française ne travaille pas. Il est indispensable que les tiers-lieux, quels qu’ils soient, soient accessibles pour tous, avec une grande amplitude de plages horaires. 
  • La crise du Covid-19 est un mal qui a fait progresser les tiers-lieux beaucoup plus vite que ce que nous pouvions espérer depuis des années. Un certain nombre d’engagements que nous défendons se retrouvent aujourd’hui sur le devant de la scène : l’écologie, la biodiversité, les circuits courts, la mixité des publics, la réduction des déplacements quotidiens, etc. À la REclyclerie et à la Cité fertile, nous avons dû arrêter notre activité lucrative de boisson/restauration le 13/03/2020, et tout d’un coup la partie invisible de l’iceberg est apparue : nos lieux accueillent des associations de terrain, nous participons à la cohésion du territoire. À la sortie du confinement, nous étions devenus des partenaires crédibles pour nombre d’élus ou d’établissements traditionnellement conservateurs. 
  • Nous avons monté le campus des tiers-lieux pour répondre à des demandes de formation émanant de collectivités, de porteurs de projets et de structures physiques ou morales. Dans un premier temps, nous avons conçu un module de formation de 40 heures sur six semaines qui s’attarde sur les aspects juridiques, administratifs, programmatiques, de communication, de management et de réglementation générale - un florilège des activités auxquelles nous sommes confrontés en tant que tiers-lieux. 
  • Cela a tellement bien marché que nous venons de lancer, le 07/09/2020, un incubateur des tiers-lieux, financé par la Banque des territoires, Grand Paris Aménagement et BNP Paribas. Nous avons sélectionnés 12 candidats sur l’ensemble du territoire français qui avaient déjà les clés d’un lieu pérenne et nous les accompagneront sur six mois pour que leurs projets aboutissent. Il y a, à la fois des tiers-lieux totalement privés et des tiers-lieux émanant d’une collectivité territoriale. 
  • Le nom et l’aménagement sont capitaux dans notre conception de tiers-lieux. Nous ne laissons surtout pas aux autres le choix d’en décider. Le nom touche un inconscient dans l’esprit des gens, il va déterminer à 99,99 % l’arrivée physique des publics. Pour la REcyclerie, nous nous adressions en priorité aux gens sensibilisés aux problèmes environnementaux, pour la Cité fertile, nous voulions trouver un nom qui englobe l’écologie, la mixité sociale et la défense des minorités. Nous associons, en revanche, les usagers (associations, publics) dans un deuxième temps, pour construire la programmation.
  • Nous ne sommes pas issus de la culture squat, nous utilisons donc peu, ou alors en les recouvrant, des palettes qui sont l’objet emblématique, le signe de reconnaissance pour un certain nombre de tiers-lieux. Nous préférons construire des décors qui vont être un écrin particulier. Nous faisons appel à des décorateurs extérieurs, souvent via des appels sur les réseaux sociaux, nous leur faisons un brief sur l’esprit du lieu et leur laissons ensuite carte blanche. Nous avons amené plusieurs personnes à émerger ainsi sur des compétences d’aménagement, dont elles ne se croyaient pas forcément capables. »

    Stéphane Vatinel, directeur général de Sinny & Ooko

Stéphane Vatinel


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Parcours

Sinny & Ooko (Sinny&Ooko)
Directeur général
Le Comptoir Général
Directeur d’exploitation
Le Divan du monde
Président et directeur
GLAZ’ART
Créateur et directeur général

Fiche n° 39476, créée le 13/05/2020 à 12:48 - MàJ le 03/09/2020 à 11:30

« Penser les tiers-lieux culturels dans une histoire et une mémoire des lieux intermédiaires et indépendants »  (Juliette Bompoint)

  • Juliette Bompoint - ©  Seb Lascoux
    « Nous souhaitons déterminer les contours d’un “tiers-lieu culturel” au sein d’un grand groupe de tiers-lieux qui, effectivement, peut aller de tout à n’importe quoi, avec un certain nombre de dangers sur le volet commercialisation. L’idée est de penser les tiers-lieux culturels dans une histoire et une mémoire des lieux intermédiaires et indépendants, qui sont allés des friches culturelles aux théâtres de l’art, en passant par les fabriques de culture.
  • Il doit s’agir d’un lieu qui fabrique et produit, à partir d’une grande diversité d’usagers, une proposition artistique pour la ville, qui en fait son objet principal et qui permet, dans un environnement de droits culturels, une ouverture de la culture au plus grand nombre. Lorsque nous regardons une cartographie des tiers-lieux actuels, la culture n’est effectivement pas le premier objet qui sort. Pour les politiques et les acteurs culturels, il y a un véritable enjeu à réussir à déterminer ce qu’est un tiers-lieu.
  • Le fait qu’un tiers-lieu soit porté par une association loi 1901 ou une société commerciale n’est pas comparable, les enjeux ne sont pas les mêmes, les bénéficiaires finaux ne sont pas les mêmes. Évidemment, les deux versions peuvent coexister, mais il y a des risques majeurs à vouloir se substituer entièrement à une politique publique, il faut donc faire attention à la proportion qu’occupe chacun. Dans nos métiers, nous savons qu’un objet de création artistique est fondamentalement déficitaire et l’apport de financements publics expriment des engagements, une capacité à produire et à rémunérer les artistes. 
  • Ce qui séduit souvent les collectivités quand elles parlent de tiers-lieux est le fait qu’elles considèrent ces espaces comme des lieux “à bas prix“. À Mains d’œuvres, nous recevons 100 000 € de chacun de nos partenaires, ce qui est, en effet, peu par rapport aux millions d’euros que coûtent les établissements publics. Certains pensent donc qu’il suffit de verser une petite somme pour l’investissement et que les tiers-lieux vont ensuite se débrouiller pour les frais de fonctionnement.
  • Mais comment peut-on concevoir des ateliers de médiation culturelle, envoyer des artistes dans les hôpitaux, en prison, dans les écoles, sans moyens ? Il est dangereux de ne pas penser l’impact que nous pouvons avoir sur l’ensemble du territoire. Si les tiers-lieux finissent par ne faire que des activités commerciales, ils ne pourront plus se revendiquer comme des acteurs de l’aménagement du territoire et de son fonctionnement. 
  • Je suis contre les tiers-lieux transitoires. Il y a quelque chose d’insensé à imaginer que l’on peut prendre des acteurs culturels pour les installer là où il y a un peu de place, puis les faire déménager un an après, puis les déplacer à nouveau deux ans après, de préférence toujours un peu plus loin dans la Grande couronne, etc. C’est un manque de considération totale pour les personnes qui font un travail immense pour concevoir ces lieux, cela conduit à l’épuisement des équipes. De surcroît, il s’agit d’une perception qui laisse la ville seulement à ceux qui ont les moyens d’y vivre. C’est pourquoi en tant que directrice de Mains d’œuvres, je me suis battue pour que pour l’association reste à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et j’ai accompagné plusieurs initiatives transitoires pour qu’elles s’ancrent dans une pensée plus durable. 
  • Nous remettons au cœur du débat un sujet resté longtemps tabou, mais qui devient d’autant plus essentiel que la pression immobilière est forte : la question du foncier. Il faut repositionner la place du propriétaire au centre des usagers, en inventant des outils qui leur donnent les moyens de se réapproprier leurs enjeux culturels et donc leurs lieux, en devenant copropriétaires. C’est une réflexion qui existe aussi dans d’autres secteurs comme celui de la permaculture.  
  • Pour ce faire, nous avons créé une société coopérative d’intérêt collectif, La Main 9.3-0, pour mettre en place ces nouvelles formes d’acquisition du foncier, réunissant collectivités, associations et usagers. Nous étions au départ une centaine, nous espérons bientôt être plusieurs milliers. Dans un premier temps, nous mettons en commun un certain nombre de compétences, notamment commerciales, gestionnaires (le fait de s’occuper d’un restaurant constitue une véritable mutation de nos métiers artistiques), etc. Nous espérons étendre l’initiative sur l’ensemble du territoire métropolitain.
  • Il y a une avancée certaine dans la prise en compte des tiers-lieux au ministère de la Culture et Mains d’œuvres a plusieurs interlocuteurs de choix. Néanmoins, nous restons attentifs à ce que l’administration prenne un véritable positionnement à leur égard et que sa voix soit tout autant présente que celle des autres ministères dans le Conseil national des tiers-lieux. 
  • La question des services pouvant financer les tiers-lieux en son sein est encore à discuter : actuellement nous sommes soutenus par la DRAC Direction régionale des affaires culturelles , nous avons un temps été soutenus au titre de la formation professionnelle, mais cela aurait tout aussi bien pu être par la DGMIC Direction générale des médias et des industries culturelles . Il va falloir continuer à structurer, à imaginer ensemble quels types de partenariats peuvent s’envisager. 
  • Durant le confinement, nous avons fabriqué des masques, des visières, tisser des systèmes de solidarité… La crise du Covid-19 a une nouvelle fois montré notre capacité d’adaptation, la souplesse fabriquée dans les tiers-lieux, la conception en temps réel d’objets qui répondent à des sujets de société. 
  • À l’inverse de Sinny & Ookonous avons étroitement associé les futurs usagers à l’aménagement et la décoration du lieu : les chaises ont été amenées par les artistes, les habitants, les services civiques, etc., qui pensaient qu’elles devaient se trouver là. Le slogan de La Main 9.3-0 est d’ailleurs : “Les lieux culturels dont tu peux être le héros“. Ce sont les propositions des usagers, leurs désirs, leurs imaginations qui fabriquent le lieu au final. Quant au nom “Mains d’œuvres“, nous l’avons choisi car il rappelle l’histoire ouvrière du lieu et encourage chacun à être l’ouvrier de sa vie. »

    Juliette Bompoint, directrice de l’association Mains d’œuvres

Juliette Bompoint


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Parcours

Périféeries 2028 - candidature capitale européenne de la culture
Directrice
Le Carreau du Temple
Adjointe au directeur général
Mezzanine Spectacles
Directrice de production
Ensemble baroque de Toulouse
Administratrice
Entrez sans frapper
Chef de projet « La déroute » - Nicolas Simarik
Terre des hommes France
Chargée de mission Amérique Latine

Établissement & diplôme

Sciences Po Grenoble (IEP Grenoble)
DESS Direction de projets culturels
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Maitrise d’Économie internationale - Politique de développement

Fiche n° 3630, créée le 05/05/2014 à 08:25 - MàJ le 12/11/2021 à 16:27

« Il est rare que les projets de tiers-lieux tiennent plusieurs années sans aucune subvention publique » (Laurence Dupouy-Veyrier)

  • Laurence Dupouy-Veyrier - ©  Seb Lascoux
    « Le tiers-lieu est par définition ce qui est en marge de l’institution, à la périphérie du système. Il y a deux générations de tiers-lieux : 
    • ceux qui, depuis le début des années 2000, nous ont surpris, parfois gênés, parfois posés des problèmes, mais qui ont sans conteste enrichi le cadre de vie et l’environnement des habitants,
    • ceux qui, depuis peu, s’inscrivent dans des dispositifs d’appels à projet, de commandes publiques ou privées dans l’optique d’enrichir les politiques culturelles existantes. 
  • La bascule a eu lieu grosso modo dans les années 2010. Il y a un changement de stratégie totale entre les premiers qui se sont inventés avec l’autorisation, ou en tous cas la “permissibilité” offerte par certains territoires et les seconds qui sont englobés dans les politiques culturelles du territoire. 
  • À Nanterre, qui est par définition une ville périphérique, métropolitaine, nous avons les deux générations de tiers-lieux (de la Ferme du Bonheur au château de Nanterre) et trois tiers-lieux en construction qui sont totalement différents (Le Twist, le 3e Lieu, Vive les Groues !)
  • Les porteurs d’un projet de tiers-lieu - et plus généralement de tout projet culturel - ont comme interlocuteur premier le maire de la Ville et non le directeur de la culture. Je le regrette, car le service des affaires culturelles d’une Ville est le seul pôle ressource qui permet d’avoir une vision globale d’un projet culturel de territoire, qui connaît l’héritage de la ville, qui porte ses valeurs, et surtout qui n’a pas l’intérêt immédiat du mandat. 
  • L’élu n’a pas cette vision d’ensemble. Il se trouve souvent face à une offre très séductrice pour son territoire : une personne ou un organisme qui lui propose d’occuper une friche, un lieu délaissé, de la réhabiliter avec des moyens extrêmement modestes, d’en faire un lieu d’animations, le tout avec une autonomie financière totale. 
  • Mais la réalité est souvent plus compliquée et il est rare que les projets tiennent plusieurs années sans aucune subvention publique. Ce qui m’intéresse est le moment où le dialogue s’engage plus précisément avec les porteurs de projet : le tiers-lieu répond à une attente et je suis capable de calculer le coût de cette attente, puisque la plupart du temps elle correspond à ce que je n’ai pas mis en œuvre, par manque de moyens ou de forces vives. Je peux ainsi accompagner le projet d’implantation sur le territoire et le défendre auprès des élus, en leur disant que les missions publiques portées par ces tiers-lieux sont une chance formidable et valent bien plus que la promesse d’un autofinancement complet. 
  • Les tiers-lieux sont de formidables partenaires du développement culturel d’une ville. Il faut arrêter de penser que l’institution est essoufflée, sclérosée, voire morte, aujourd’hui elle se repense. Elle le fait parfois en s’inspirant des tiers-lieux qui ont indiqué le chemin d’une convivialité, d’une architecture, d’un accueil nouveaux, qui ont favorisé les résidences d’artistes ponctuelles au détriment de saisons qui reproduisent parfois les mêmes schémas à l’aune d’une direction artistique un peu trop labellisée ; parfois en partenariat avec les tiers-lieux. Les organismes se repensent finalement les uns vis-à-vis des autres, en connivence et coopération. 
  • C’est le cas avec le Twist, dont l’ouverture est prévue en 2024 dans le quartier des Groues. Le projet est venu avec un aménageur qui a proposé un équipement culturel, dénommé aujourd’hui “espace citoyen de création artistique”. Ce dernier comporte trois innovations : 
    • il réunit trois porteurs de projet : Mains d’œuvres, la Ville de Nanterre et Creative Valley, une start-up issue du numérique, 
    • il s’agit de la première fois que plusieurs services de la Ville - jeunesse, culture, seniors, action sociale -, vont cohabiter dans un même espace, 
    •  le lieu sera géré en coopération et coproduction entre Nanterre et Mains d’œuvres, ce qui veut dire que nous allons transférer les moyens techniques et humains d’un équipement culturel de la Ville bientôt obsolète dans cette nouvelle structure.
  • Il y a encore un énorme effort de désectorisation à faire, tant du côté des collectivités territoriales que du ministère de la Culture. Il faut avoir une vision territoriale de la politique culturelle. Il ne doit pas y avoir d’un côté les tiers-lieux et de l’autre les établissements culturels, l’offre doit s’analyser dans sa globalité. Il faut repenser cette offre culturelle, la relier et la remettre en cohérence. 
  • La crise du Covid-19 a remis l’espace public, les équipements de proximité au cœur du développement culturel d’une ville. Elle appelle à de nouvelles pratiques, de nouvelles façons d’envisager la contribution du public lorsqu’un projet se créé. Ce n’est plus la Ville qui décide seule et les tiers-lieux ont toute leur place dans cette approche renouvelée. »

    Laurence Dupouy-Veyrier, directrice de la culture de la Ville de Nanterre et vice-présidente de l'ADAC-IdF Association des Directrices et Directeurs des Affaires Culturelles d’Île-de-France chargée de la métropole et des territoires

Laurence Dupouy-Veyrier


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Parcours

Association des directrices et directeurs des affaires culturelles d’Ile-de-France
Vice-présidente
Ville de Nanterre
Directrice de la Culture
ASDAC IDF
Présidente
Ville de Saint-Denis
Directrice de la Culture
Ville de Nanterre
Direction adjointe en charge de l’action territoriale
Ville de Nanterre
DDC- Responsable saison jeune public
Ville de Nanterre
DDC-Responsable des relations publiques
Théâtre Romain Rolland (TRR)
Relations publiques
Malakoff Scène nationale
Chargée d’action culturelle

Établissement & diplôme

OPC Grenoble
Master 2- Direction de projets culturels

Fiche n° 40231, créée le 25/08/2020 à 10:48 - MàJ le 25/08/2020 à 16:20

News Tank Culture (NTC)

• Média d’information indépendant et innovant, spécialisé dans l’actualité de la musique, du spectacle vivant, des musées, monuments et du patrimoine et, depuis 2023, des nouvelles images.
• Création : septembre 2012
• Proposant à la fois un fil d’actualités, des dossiers de fonds, des interviews et de grands entretiens, des data et un annuaire des professionnels et des organisations, News Tank Culture s’adresse aux dirigeants et acteurs de la culture. Il organise également chaque année Think Culture, une journée d’échange et de débat autour de l’innovation dans le pilotage de la culture, avec la volonté de décloisonner les secteurs culturels.

• Direction :
- Bertrand Dicale, directeur général
- Anne-Florence Duliscouët, directrice de la rédaction
- Jacques Renard, directeur délégué Think Culture
- Alexis Bouhelier, directeur du développement

• News Tank Culture est une filiale de News Tank Network, créée par Marc Guiraud et Frédéric Commandeur, qui a également développé :
- News Tank Sport,
- News Tank Éducation et Recherche,
- News Tank RH Management,
- News Tank Cities,
- News Tank Mobilités,
- News Tank Énergies,
- News Tank Agro.

Le groupe emploie une centaine de collaborateurs.


Catégorie : Média
Maison mère : News Tank (NTN)


Adresse du siège

48 rue de la Bienfaisance
75008 Paris France


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Fiche n° 6882, créée le 03/04/2018 à 03:02 - MàJ le 17/09/2024 à 17:06


© News Tank Culture - 2024 - Code de la propriété intellectuelle : « La contrefaçon (...) est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Est (...) un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. »

©  Seb Lascoux
Les tiers-lieux, quel rôle dans la politique culturelle ? - ©  Seb Lascoux