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Rencontres du Camulc : « L’avantage principal du cabaret est sa trandisciplinarité » (Jacques Renard)

Paris - Actualité n°150448 - Publié le 25/06/2019 à 10:00
©  News Tank
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« Les cabarets sont des lieux à la marge. Cette marge nous donne une liberté d’expression et de créativité formidables. Il faut que les cabarets s’approprient cette liberté et poussent encore plus loin la créativité, le discours artistique et engagent l’imaginaire et les émotions des spectateurs. C’est le moyen de faire vivre les cabarets de la plus belle des manières. C’est une force de ne pas avoir tout un poids institutionnel comme peuvent l’avoir la Comédie-Française ou l’Opéra national de Paris. Il nous faut prendre la parole et être aussi libre que possible, tout en appliquant nos savoir-faire qui sont très différents selon les lieux », indique Andrée Deissenberg, directrice générale création et développement du Crazy Horse, lors de la table ronde « Le cabaret, un espace unique de liberté et de diversité » à l’occasion des Rencontres « Culture, Diversité et Liberté : le cabaret dans tous ses états » organisées par le Camulc Syndicat des Cabarets Music-Hall et Lieux de création  au Crazy Horse (Paris 8e) le 19/06/2019.

« Aujourd’hui, les cabarets, comme les théâtres privés, se sentent négligés. Mais il faut se rappeler que les musiques actuelles ne sont, elles, entrées dans le champ du ministère de la Culture que dans les années 1980 alors que le MC Ministère de la Culture existe depuis 1958. L’histoire de la politique culturelle renvoie à des strates et hiérarchies historiques qui, petit à petit, se sont accumulées. Il y a trop de cloisonnements dans le champ culturel. Ça a des avantages car cela a permis de cibler tel ou tel champ pour moduler les interventions en faveur de telle ou telle discipline. Mais ces cloisonnements artificiels posent problème, particulièrement dans un contexte d’expressions artistiques de plus en plus transdisciplinaires. L’avantage principal du cabaret est qu’il est précisément transdisciplinaire et se moque des barrières et frontières. Le cabaret construit des ponts. Il décloisonne, il “désegmente”, il ouvre. Et c’est ce qui apparaît aujourd’hui le plus souhaitable », déclare pour sa part Jacques Renard, directeur délégué de Think Culture et ancien président du CNV Centre national de la chanson, des variétés et du jazz

News Tank rend compte des échanges.

« Historiquement, l’ADN du cabaret est d’être subversif » (Pascal Papazian)

  • « Les cabarets sont des lieux à la marge. Cette marge nous donne une liberté d’expression et de créativité formidables. Il faut que les cabarets s’approprient cette liberté et poussent encore plus loin la créativité, le discours artistique et engagent l’imaginaire et les émotions des spectateurs. C’est le moyen de faire vivre les cabarets de la plus belle des manières.
  • C’est une force de ne pas avoir tout un poids institutionnel comme peuvent l’avoir la Comédie-Française ou l’Opéra national de Paris. Il nous faut prendre la parole et être aussi libre que possible, tout en appliquant nos savoir-faire qui sont très différents selon les lieux. »

    Andrée Deissenberg, directrice générale création et développement du Crazy Horse
  • « L’art est à la marge, il est subversif par essence sinon il n’est pas. Alors le cabaret, s’il est à la marge, devrait être reconnu beaucoup plus qu’il ne l’est actuellement. Cette marge du cabaret est considérée comme quelque chose qui n’a pas l’aura de la crédibilité artistique institutionnelle.
  • Nous sommes dans une époque où la liberté de création ne se porte pas si bien que ça : on voit bien le retour d’une certaine forme de menaces sur la liberté de création provenant de pressions religieuses, politiques… De ce point de vue, le cabaret est pour l’instant resté à l’abri de ces menaces mais le sera-t-il toujours ? 
  • Je crois profondément qu’il faut qu’il y ait une très grande solidarité de l’ensemble des professionnels des secteurs culturels pour défendre en toute occasion la liberté de création qui est toujours potentiellement menacée. »

    Jacques Renard, directeur délégué de Think Culture et ancien président du CNV
  • « Historiquement, l’ADN du cabaret est d’être subversif. Les échanges sont permanents entre musique, théâtre, danse… On oublie souvent que les grands noms de la chanson française, de l’humour (Charles Aznavour, Jacques Brel, Barbara, Coluche ou Arturo Brachetti) ont fait leurs débuts dans des cabarets. 
  • Les cabarets portent aussi dans leur ADN d'être des lieux de formation. Les artistes qui se produisent sur nos scènes n’ont pas forcément une formation artistique complète. Ils se forment sur le tas. Seules la vérité de la scène et la liberté de ces lieux permettent une évolution et une maturation de l’artiste.
  • La créativité est dans l’ADN du cabaret. Il n’y a pas d’autres endroits où l’on retrouve de la chanson, des arts circassiens, du théâtre, de la magie, de l’humour. Tout cela de façon cohérente mis en scène et apportant au public une émotion. 
  • Les cabarets comme beaucoup de salles de spectacles connaissent des difficultés économiques. Pour autant, jamais ni la volonté de création ni l’investissement créatif ne sont sacrifiés. »

    Pascal Papazian, fondateur du Cabaret Artishow
  • « J’ai été directeur du CNV Centre national de la chanson, des variétés et du jazz de 2010 à 2014. Les cabarets sont entrés au CNV en 2011. C’était un désir des cabarets mais aussi des autres organisations professionnelles membres du CNV et donc du ministère de la Culture qui en assure la tutelle.
  • L’équipe que nous constituions à l’époque a bataillé pour que les cabarets entrent au CNV pour deux raisons :
    • L’extension du champ d’intervention du CNV.
    • Nous considérions que les cabarets faisaient intimement partie du champ culturel et artistique et ne devaient donc pas rester en dehors du CNV. Nous avons longuement bataillé parce qu’il y avait un problème fiscal de répartition entre la partie billetterie et la partie restauration. Ça a pris beaucoup de temps mais nous avons réussi.
  • Le problème qui demeure aujourd’hui est : Pourquoi les cabarets sont encore considérés par certain comme ne faisant pas partie du champ culturel ? Derrière cette question, on retrouve la distinction entre culture et divertissement.
  • Aujourd’hui, les cabarets, comme les théâtres privés, se sentent négligés. Mais il faut se rappeler que les musiques actuelles ne sont, elles, entrées dans le champ du ministère de la Culture que dans les années 1980 alors même qu’il existe depuis 1958. L’histoire de la politique culturelle renvoie à des strates et des hiérarchies historiques qui, petit à petit, se sont accumulées.
  • Il y a trop de cloisonnements dans le champ culturel. Ça a des avantages car cela a permis de cibler tel ou tel champ pour moduler les interventions en faveur de telle ou telle discipline. Mais ces cloisonnements artificiels posent problème, et ce dans un contexte d’expressions artistiques de plus en plus transdisciplinaires.
  • L’avantage principal du cabaret est qu’il est précisément transdisciplinaire et se moque des barrières et frontières. Le cabaret construit des ponts. Il décloisonne, il “désegmente”, il ouvre. Et c’est ce qui apparaît aujourd’hui le plus souhaitable. »

    Jacques Renard
  • « J’ai toujours été surpris du côté hétérogène des cabarets. Aujourd’hui sont associés au sein d’un même syndicat professionnel Le Lapin Agile - qui est pour moi le lieu qui représente le mieux ce que fut le cabaret à la fin du XIXe siècle - et des revues telles que le Moulin-Rouge, le Lido… Mais effectivement tous ces lieux ont des préoccupations communes et il ne faudrait pas morceler davantage ce qui l’est déjà un peu par nature.
  • Après La Commune de Paris et l’époque des bals populaires, les cabarets se sont multipliés pour répondre à un besoin de plus d’intimité, de discussion politique, artistique et philosophique. Et, bien qu’il n’ait existé qu’une quinzaine d’années, le cabaret le plus emblématique de ces établissements est Le Chat noir.
  • Outre l’aspect artistique et de communion avec le public, il y avait à l’époque une liberté d’expression considérable. C’est d’ailleurs assez surprenant quand l’on sait que la censure existait pour les chansons interprétées dans les cafés-concerts.
  • Aujourd’hui, il n’existe plus de censure de ce type. Demeure néanmoins une censure beaucoup plus insidieuse : le politiquement correct. Le politiquement correct rend impossible le débat d’idées dans le cabaret. Il n’existe aujourd’hui plus aucun cabaret lieu de débats. Il y a des cabarets de chansonniers mais qui n’ont pas des tables qui permettent de converser avec la table voisine. On est davantage face à un spectacle dans des salles qui s’apparentent à des salles de cinéma. 
  • Il faut faire connaître au public jeune ce type d’établissements qui véhiculent une culture. Pourquoi ne pas créer une “Nuit des cabarets”, à l’image de la Nuit Blanche, avec peut-être l’association de chaînes publiques ou privées. »

    Jean-Marc Tarrit, maître de conférences à la Sorbonne

« Le cabaret est beaucoup plus facilement considéré comme non inhibiteur et donc, potentiellement, comme un lieu de brassage des identités » (Jacques Renard)

  • « Il me semble qu’une des spécificités du cabaret est le brassage des identités professionnelles et sociales, beaucoup plus peut-être que dans d’autres expressions artistiques où il y a des barrières, des inhibitions qui font que très souvent des gens vont dire que le musée n’est pas pour eux, que le théâtre de création et de recherche n’est pas pour eux, etc. Le cabaret est beaucoup plus facilement considéré comme non inhibiteur et donc, potentiellement, comme un lieu de brassage des identités. 
  • Il pourrait être intéressant de réaliser des études sur les publics des cabarets pour montrer quelle est sa part de diversité par rapport à d’autres lieux culturels. Une meilleure connaissance, si tant est que ce n’est pas encore le cas, serait certainement souhaitable pour faire avancer la cause des cabarets. »

    Jacques Renard
  • « On est confronté dans le secteur du spectacle vivant à un modernisme de techniques qui permet de mettre à disposition des créateurs de plus en plus de technicité pour faire évoluer le spectacle. 
  • La jauge du cabaret permet de pouvoir évoluer dans la création à la fois de manière technique et scénographique tout en gardant cette proximité avec le public et cette empathie nécéssaire entre l’artiste et le public.
  • La diversité est aussi présente dans le public. C’est une particularité remarquable des cabarets. Il existe peu de spectacles aussi fédérateurs et intergénérationnels que le spectacle de cabaret. »

    Pascal Papazian

Syndicat des Cabarets Music-Halls Lieux de Création (CAMULC)

Organisation patronale représentative des Cabarets, Music-Halls et Lieux de Création
• Création : 2016
• Conseil d’administration :
- Philippe Lhomme : président (Crazy Horse)
- Isabelle Lichtfouse : vice-présidente (La Belle Entrée)
- Pascal Papazian : vice-président (Artishow Cabaret)
- Patrice Chevalier : secrétaire général (Le Grand Cabaret)
- Jean-Victor Clerico : trésorier (Le Moulin Rouge)
- Pierre Meyer : administrateur (Royal Palace Music Hall Kirrwiller)
- Alexandre Duvollet, administrateur (L’Ange Bleu)
- Frank Clerico : administrateur (César Palace)
- Julie Grégoire (Le Lido)
- Rodolphe Gaumin (L’Insolite)
- Ivan Rodriguez (cabaret des Belles Poules)
- Frédéric Grateau (L'Élégance)
• Délégué général : Daniel Stevens
• Tél. : 07 69 06 24 75


Catégorie : Groupement professionnel


Adresse du siège

84/86 Boulevard de Clichy
75018 Paris France


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Fiche n° 542, créée le 27/09/2013 à 13:23 - MàJ le 13/10/2021 à 10:30

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