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Think Culture 2018 : « Le monopole des GAFA pose des enjeux démocratiques » (Matthieu Pigasse)

Paris - Actualité n°127729 - Publié le 04/09/2018 à 14:21
©  Seb Lascoux
Matthieu Pigasse - ©  Seb Lascoux

« Les médias doivent faire face à trois enjeux principaux et majeurs :
- L’extrême concentration des plateformes de diffusion ou de distribution ;
- Son impact sur la diversité culturelle, qui est très négatif ;
- La nécessité, résultant de ces deux aspects, d’avoir des acteurs nationaux très forts », déclare Matthieu Pigasse Président @ Lazard Frères • Président @ Les Eurockéennes de Belfort • Copropriétaire @ Le Monde • Vice-Président @ Théâtre du Châtelet • Président @ Combat
en introduction de la 3e édition de Think Culture, organisée par News Tank Culture à l’Université Paris-Dauphine le 04/09/2018.

« Il y a trois actions nécessaires dans le domaine des industries culturelles :
- se protéger, en instaurant des quotas en matière de production et de diffusion,
- encourager la création grâce à des systèmes de type amorçage ou incubateurs et, en cassant le monopole écrasant des distributeurs,
- favoriser la distribution. », ajoute le président de la banque Lazard Frères, par ailleurs président des Eurockéennes de Belfort et des Nouvelles Éditions Indépendantes.

« Le monopole des GAFA Google, Apple, Facebook et Amazon. pose des enjeux économiques mais aussi démocratiques » (Matthieu Pigasse)

  • L’innovation numérique bouleverse tous les médias que je contrôle ou co-contrôle, qu’il s’agisse de presse (Le Monde, L’Obs, Télérama, Courrier International, Les Inrockuptibles), transformés par Internet et les réseaux sociaux, de radio (Radio Nova), bouleversée par le streaming et les playlists des plateformes en ligne, de festivals, de maison d'édition ou du label musical.

  • Les médias doivent faire face à trois enjeux principaux et majeurs à mon sens : l’extrême concentration des plateformes de diffusion ou de distribution ; son impact sur la diversité culturelle, qui est très négatif et la nécessité, résultant de ces deux aspects, d’avoir des acteurs nationaux très forts.
  • Les médias connaissent des innovations depuis très longtemps, qu’il s’agisse de la radio, du cinéma, puis de la télévision et Internet. On a chaque fois expliqué que le média nouveau tuerait les anciens, ce qui n’a en réalité pas été le cas. J’ai d’ailleurs la conviction absolue qu’ils se nourrissent et se complètent, dans un cycle de consommation des médias. Mais ce qui est sans précédent, c’est l’extrême concentration liée aux GAFA. Quelques chiffres : Google contrôle plus de 90 % des recherches en ligne dans le monde, Facebook plus de 80 % des réseaux sociaux, Amazon plus de 80 % des ventes de livres en ligne, et le tout avec un laisser-faire étonnant des autorités de contrôle de la concentration. Ces entreprises n’ont jamais été confrontées, contrairement à toutes les autres industries, à l’anti-trust. Elles se sont construites à coup d’acquisitions. Facebook achète systématiquement ses concurrents (Whatsapp, Instagram…), Google a fait 200 acquisitions au cours des 10 dernières années, tout comme Amazon.

  • En conséquence, le marché connaît un assèchement majeur, notamment au point de vue économique. Je donnerai un seul chiffre, qui concerne le marché de la publicité aux États-Unis, notamment celle qui bénéficie à la presse écrite : en 10 ans, leurs revenus publicitaires sont passés de plus de 60 milliards de dollars à moins de 15 milliards, là où les revenus de Google sont passés de 1,5 milliard de dollars à 75 milliards. Cela suscite des enjeux majeurs, pas seulement économiques mais aussi démocratiques, et il est temps que les pouvoirs publics interviennent, comme cela s’est produit avec Standard Oil aux États-Unis ou La Compagnie des Indes orientales en Grande-Bretagne, en s’assurant de l’application des règles anti-trust, en demandant l'éclatement de ces entreprises ou leur nationalisation, voire un mélange des trois.

  • Cela affecte la diversité culturelle, qui est en soi un enjeu démocratique. Avec les GAFA, on nous avait promis par la voix de Chris Anderson, en 2004, que la « long tail », la longue traîne, allait bénéficier à tous les acteurs et qu’Internet allait permettre une diffusion très large de tous les produits culturels. La réalité est très exactement inverse. Par exemple, en musique, 1 % du contenu génère plus de 80 % des revenus.

  • Cette extrême concentration s’explique par ce qu’on appelle la théorie de l’exposition, selon laquelle ce qui est le plus exposé est ce qui est le plus vendu. Spotify l’applique avec le filtrage collaboratif, qui pousse les titres connus qui fonctionnent et écarte les moins connus et nouveaux. C’est un enjeu majeur pour nous Français et nous Européens, parce que la culture est un élément essentiel du Soft power, ce qu’ont bien compris les États-Unis ou l’Angleterre.

  • Il faut d’une part se protéger, en instaurant des quotas en matière de production et de diffusion, et d’autre part encourager la création et la diffusion »

    Il y a deux actions à mener dans le domaine des industries culturelles, qui sont d’une part de se protéger, en instaurant des quotas en matière de production et de diffusion, et d’autre part d’encourager la création grâce à des systèmes de type amorçage ou incubateurs.

  • Il faut, face à cela, des acteurs nationaux forts dans le domaine de la culture. Il n’y a aucune fatalité au déclin et à la disparition. Je vais prendre un exemple parlant, celui du Monde. Lorsque j’ai acheté le journal avec Pierre Bergé et Xavier Niel, il perdait 30 millions d’euros par an. Il a gagné plus de 10 millions en 2017. Cette variation s’explique uniquement par le digital et le modèle que nous avons réussi à imposer. Pour pouvoir survivre et prospérer, il y a trois éléments essentiels, en matière culturelle comme pour les médias : une marque très forte, prescriptrice dans son domaine ; des contenus exclusifs ou premium, attachés à la marque, selon le modèle de l’abonnement ; et l’accès au capital et aux financements bancaires. Je pense que ces sujets sont une grande cause nationale.

Matthieu Pigasse, président de Lazard Frères, président des Eurockéennes de Belfort

Matthieu Pigasse


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Parcours

Lazard Frères
Président
Le Monde
Copropriétaire
Théâtre du Châtelet
Vice-Président
Combat
Président
Banque Lazard
Directeur général délégué
Banque Lazard
Associé gérant
Ministère de l'Économie, des Finances et de l’Industrie
Directeur adjoint du cabinet du ministre Laurent Fabius, chargé des questions industrielles et financières
Ministère de l'Économie, des Finances et de l’Industrie
Conseiller technique au cabinet du ministre Dominique Strauss-Kahn
Ministère de l'Économie et des Finances
Chargé de la gestion de la dette et de la trésorerie de l'État

Établissement & diplôme

Institut national du service public (INSP)
Diplômé de la promotion Antoine de Saint-Exupéry

Fiche n° 12367, créée le 05/07/2015 à 22:25 - MàJ le 05/05/2020 à 20:46


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©  Seb Lascoux
Matthieu Pigasse - ©  Seb Lascoux