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Recherche et Création en Avignon : « L’offre culturelle devient une hyper offre » (P.-J. Benghozi)

Paris - Actualité n°125268 - Publié le 19/07/2018 à 11:00
©  ANR
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« La démultiplication de l’offre culturelle n’est pas nouvelle, simplement cette offre pléthorique devient une hyper offre. Ce ne sont plus 1 500 spectacles, comme dans le Off, qui sont accessibles en quelques clics mais des dizaines de milliers voire des millions de titres. Comment se débrouiller face à cela ? On a besoin de mécanismes qui vont permettre de trier et d’une économie qui va s’organiser autour de cette tendance », déclare Pierre-Jean Benghozi, professeur à l’École polytechnique, lors du Séminaire Recherche et Création en Avignon intitulé « Des économies, des singularités » organisé dans le cadre des Ateliers de la pensée du Festival d’Avignon le 12/07/2018.

« Cette hyper offre, cette démultiplication conduit à une économie spéculative qui a des conséquences sur la création. Les algorithmes ne visent pas seulement à faire des recommandations mais aussi à remonter sur la production et à se servir de la connaissance qu’on peut avoir des pratiques des spectateurs pour repenser la manière de produire certaines œuvres. Cette volonté de minimiser le risque s’impose beaucoup plus fortement aujourd’hui aux structures de production qu’auparavant. Cela pose aussi des problèmes de rémunération », poursuit-il.

Le rôle des intermédiaires dans la construction de la valeur des œuvres, l’évaluation des singularités dans le cas de la musique contemporaine et la production et reproduction des inégalités dans les carrières artistiques, étaient les autres grands thèmes abordés lors de la rencontre.

« Il existe en effet une surabondance de l’offre mais en parallèle on observe une intensification des pratiques culturelles et une multiplication importante du nombre de professionnels ou d’aspirants professionnels dans tous ces domaines de la culture. Ces tendances étaient amorcées avant le numérique, il les accompagne mais ces évolutions sont antérieures. Le numérique ne vient que les renforcer.  C’est plutôt une bonne nouvelle, cela montre une aspiration forte et persistante au sein de la population française », indique pour sa part Loup Wolff, chef du DEPS Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture, en conclusion des échanges.

Les Rencontres Recherche et Création sont organisées par l’ANR Agence nationale de la recherche et le Festival d’Avignon, en partenariat avec la MPSV Maison professionnelle du spectacle vivant et le ministère de la Culture.

Intervenants (1/2)
  • Cécile Rabot, sociologue, maître de conférences Université Paris Ouest Nanterre, Centre de Sociologie européenne (EHESS Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales - CNRS Centre national de recherche scientifique
  • Pierre-Jean Benghozi, professeur à l’École polytechnique - membre du Collège de l’Arcep Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse  
  • Annelies Fryberger, sociologue de la musique, post doctorante au Labex « Création art et patrimoine », membre du laboratoire « Sciences et technologies de la musique et du son » Ircam Institut de recherche et coordination acoustique/musique -CNRS Centre national de recherche scientifique -Sorbonne Université-ministère de la Culture, Centre Pompidou 
Intervenants (2/2)
  • Jeremy Sinigaglia, maître de conférences en science politique, laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernements en Europe CNRS - Université de Strasbourg 
  • Nathalie Garraud, co-directrice du Théâtre des Treize Vents, CDN de Montpellier 
  • Loup Wolff, chef du Département des études, de la prospective et des statistiques, ministère de la Culture 

Le rôle des intermédiaires dans la construction de la valeur des œuvres

« Quand on parle de valeur des œuvres, on parle de valeur économique mais surtout de valeur symbolique » (Cécile Rabot)

  • « Quand on parle de valeur des œuvres, on parle de valeur économique mais surtout de valeur symbolique. Cette valeur est d’abord définie par leur réputation. Cette réputation se fonde sur la qualité des œuvres mais tient aussi à leur visibilité et à la reconnaissance dont elles font l’objet.
  • Le catalogue des 1 538 spectacles présentés dans le festival Off d’Avignon m’a interpellé : comment les spectateurs vont-ils déterminer la valeur de ces spectacles et faire leur choix ? Comment déterminer la valeur de ce qu’on ne peut pas expérimenter ? C’est ce qu’on nomme les biens d’incertitude, les biens dont on ne peut juger de la valeur qu’en les expérimentant. Ce phénomène est présent ici en abondance.
  • Le spectateur est alors contraint de rechercher des indices de valeur. Ceux qui construisent ces indices sont essentiels. Ce sont les intermédiaires : les professionnels et les institutions. 
  • En observant les affiches des spectacles joués dans le Off pour observer ces indices de valeur, on peut relever :
    • Les spectacles reposant sur des œuvres qui ont fait l’objet d’un processus de classicisation (textes d’auteurs classiques comme Racine par exemple). Le spectacle bénéficie de la valeur de l’auteur classique, à laquelle peut s’ajouter l’idée d’appropriation, de remise à jour, d’œuvre revisitée.
    • La communication, avec toutes les ressources du graphisme, donne aussi des indices de valeur.
    • Ensuite, on retrouve souvent une forme minimale de critique, avec des extraits qui n’argumentent pas mais donne seulement la conclusion (“drôle”, “à voir absolument”, etc). Ces mentions recouvrent le rôle de prescripteur culturel (mention de Télérama par exemple). Il s’agit de la même logique avec la référence d’une nomination ou d’une récompense aux Molières, autre instance de légitimation.
  • Il y a ainsi un mélange de prescriptions qui viennent se cumuler.
    • Cela se trouve aussi sur d’autres textes, plus contemporains, et c’est d’autant plus important quand ces textes ne sont pas des classiques. La critique est réduite, on n’utilise pas ses arguments sur l’intérêt de l’œuvre mais seulement les qualificatifs.
    • Pour ce type de spectacles, on a d’autant plus besoin de mettre en avant le rôle des prescripteurs.
    • Ce peuvent être d’autres prescripteurs institutionnels comme une citation de l’historien Patrick Boucheron dont on sait généralement qu’il officie au collège de France ou des noms d’auteur avec un capital symbolique propre, comme Wajdi Mouawad par exemple. 
    • Le rôle des résidences peut aussi être souligné et, avec lui, celui des politiques publiques qui viennent soutenir la création.
    • Dans d’autres cas, la compagnie présente tout un ensemble d’acteurs qui contribuent à faire exister leur pièce : théâtres avec différents labels, une commande publique (par France Culture par exemple), un partenariat avec un musée, un texte édité. C’est ce sont tous ces acteurs de légitimation qui participent à produire la valeur de l’œuvre.
  • La création, ce n’est donc pas seulement les artistes, mais aussi des institutions, des soutiens publics, des mécènes. La diffusion est essentielle, elle permet de construire la visibilité et la communication, qui permettent relais et bouche à oreille.
  • Cette construction de la visibilité a un rôle crucial. Quand elle est acquise, le spectacle peut espérer obtenir une forme de légitimation qui passe par les critiques, les récompenses, les sélections puis la prescription. Et c’est la légitimation qui permet ensuite de nouveau la création. C’est parce que l’on a obtenu une certaine légitimité que l’on va obtenir des soutiens pour créer autre chose. »

    Cécile Rabot

« S’affranchir de l’obsession de la valeur symbolique et marchande des objets, c’est-à-dire des spectacles » (Nathalie Garraud Codirectrice (avec Olivier Saccomano) @ Théâtre des 13 Vents - CDN Montpellier • Fondatrice et Directrice artistique @ Compagnie du Zieu
• Metteure en scène • Entre 2003 et 2005, après une…
)

  • « En prenant la direction du CDN de Montpellier avec Olivier Saccomano Co-directeur (avec Nathalie Garraud) @ Théâtre des 13 Vents - CDN Montpellier • Directeur artistique @ Compagnie du Zieu
    • Auteur de pièces théâtrales et d’essais philosophiques. • Conçoit avec…
    , nous nous sommes demandé en quoi le fait d’être artiste allait modifier notre pratique de la programmation. Comment, en tant qu’artistes, allions-nous travailler et nous épanouir au sein d’une institution ?
  • Nous avons pris la décision de dire qu’en matière de programmation, nous allions nous affranchir de la question de la sélection des objets et donc de l’obsession de la valeur symbolique et marchande des objets, c’est-à-dire des spectacles. Nous essayons de travailler dans un rapport non pas à l’objet mais à l’œuvre. Pour moi, une œuvre n’est pas un spectacle. Un spectacle, c’est un temps dans une œuvre en train de se construire. Nous n’invitons pas un spectacle mais un artiste. Sans décider nous-mêmes quel spectacle il présentera.
  • Sur une saison, nous proposons un mois de présence au théâtre à 8 artistes, dont 15 jours de représentations et 15 jours de recherche, répétitions, rencontres, stages, etc. La toute première étape est de poser la situation d’ensemble : les moyens, les conditions matérielles, les spécificités du territoire, du lieu, du public. Et on demande à l’artiste ce qu’il peut et veut faire avec ça. Quelle est la nécessité à ce moment-là pour la compagnie ? Comment construit-on pour le public et les artistes une œuvre et pas un spectacle ?
  • On se rend compte dans les expériences que nous pouvons faire que c’est un basculement de la logique extrêmement violent, pour les artistes comme pour nous. Même si en tant qu’artistes, c’est ce dont on rêve. 
  • Ce n’est pas du tout conforme avec les logiques de présélection et de prescription qui sont celles de notre milieu professionnel. Un certain nombre de directeurs de lieux tentent des expériences et tendent justement à se libérer de cette logique de prescription et de construction de valeur ajoutée.
  • On ne choisit pas des objets, on invite des artistes. C’est un renversement des choses. On essaye de partir d’une idée et pas d’un objet. On partage des hypothèses avec le public La situation est étonnante même pour les artistes. Nous ne savons pas ce que cela donnera en termes de fréquentation du public mais au moins il y a quelque chose qui s’opère dans la rencontre. »

    Nathalie Garraud

Les industries culturelles à l’âge du numérique : économie de la créativité, économie de la technologie ou économie de l’intermédiation ?  (Pierre-Jean Benghozi)

  • « L’organisation et l’écosystème de la culture doivent en permanence affronter une tension entre plusieurs dynamiques :
    • la première étant celle de l’économie de la création et de la singularité, l’économie du “nobody knows” (on ne sait jamais le succès que l’on va avoir, et le spectateur ne sait jamais ce qu’il va voir). Cette économie de la création est toujours une construction collective, où chacun va apporter sa pierre à l’édifice. Cette question de l’organisation de la création va être très structurante pour la nature des œuvres qui sont produites et la manière dont elles sont diffusées. Elle amène aussi des question de droits et de répartition de la rémunération entre ses différents collaborateurs. Se posent donc des problèmes de coopération, de risque économique et d’incertitudes. 
    • Le 2e élément de l’écosystème qui est en tension, c’est l’économie de l’intermédiation et de la prescription. Il y a derrière, à la fois, les recommandations, les éléments de signaux, mais aussi de plus en plus des prescriptions qui s’appuient sur des recommandations en matière de diffusion et de distribution. Cette partie d’intermédiation rajoute une couche différente de la manière dont se produisent les œuvres.
    • Enfin, le 3e élément, qui est souvent oublié dans le monde de la culture, c’est la question de la technologie. Les grandes transformations actuelles dans le secteur culturel, les modalités d’usage et de circulation des œuvres sont portées par la technologie (par exemple la diffusion des œuvres vidéo via Netflix). Les modalités de production (tournages, captations) sont aussi rendues possibles par la technologie (smartphones, etc).
  • Pourquoi insister sur cette tension entre création, intermédiation et technologie ?
  • Cette démultiplication de l’offre culturelle n’est pas nouvelle (voir la rentrée littéraire), simplement cette offre pléthorique devient une hyper offre. Ce ne sont plus 1 500 spectacles, comme dans le Off, qui sont accessibles en quelques clics mais des dizaines de milliers voire des millions de titres. Comment se débrouiller face à cela ? On a besoin de mécanismes qui vont permettre de trier et d’une économie qui va s’organiser autour de cette tendance.
  • Ces tensions existaient depuis longtemps mais elles deviennent extrêmement importantes.
  • La valeur est dans le contenu et le contenu est roi. Il n’y a pas de prix de référence, de coût acceptable pour produire une œuvre. C’est une économie particulière où la valeur symbolique est plus importante que la valeur d’usage.
  • Cette hyper offre, cette démultiplication conduit à une économie spéculative qui a des conséquences sur la création. Les algorithmes ne visent pas seulement à faire des recommandations mais aussi à remonter sur la production et à se servir de la connaissance qu’on peut avoir des pratiques des spectateurs pour repenser la manière de produire certaines œuvres. Cette volonté de minimiser le risque s’impose beaucoup plus fortement aujourd’hui aux structures de production qu’auparavant. Cela pose aussi des problèmes de rémunération.
  • Grâce aux technologies, apparaissent de nouveaux modes de production : le crowdsourcing, l’amateur peut se produire directement en ligne, comme les youtubeurs. Le remix, le travail sur les œuvres, le sampling, interpellent aussi les formes de production.
  • Les supports de la détermination sont, au-delà de la recommandation, aussi l’agrégation des contenus, la diffusion, la distribution des œuvres. De nouveaux acteurs se créent autour de ces fonctions d’agrégation, de référencement ou de diffusion comme intermédiaires entre artistes et publics, avec des effets nouveaux : poids des plateformes, transformation des modèles de paiement des œuvres…
  • Il y a une dimension cachée dans l’économie de la culture, c’est l’innovation technique. Les grandes transformations sont toujours venues de l’extérieur. Jusqu’alors les acteurs de la technologie qui transformaient l’économie de la culture se fondaient ensuite à l’intérieur. Sony quand il invente le walkman ou le CD se transforme finalement en label musical. Apple non, il disrupte l’industrie de la musique mais ne se transforme pas en producteur de musique. En revanche, il change complètement les règles du jeu. 
  • Les nouvelles formes de spectacle portées par ces technologies amènent à repenser le cadre de l’action publique. Comment équilibrer le poids respectif des soutiens des différents composants de la chaîne de valeur ? 
  • Il est difficile de cumuler risque artistique et risque de la R&D Recherche et développement pour les acteurs culturels. 
  • Les acteurs porteurs de l’innovation ne cherchent pas du tout à s’inscrire dans les filières culturelles. Ils proposent des modèles très disruptifs, en opposition aux modèles classiques de la culture, et qui ont des conséquences sur la production et l’économie culturelle.
  • C’est, je pense, le modèle de la musique qui va s’imposer. La différenciation se fait sur l’ergonomie, le tarif éventuellement, mais l’offre, le portefeuille est à peu près le même. Le modèle n’est plus celui d’une concurrence par les contenus mais celui d’Auchan, Carrefour et Leclerc qui se concurrencent par les prix et la proximité de la localisation. »

    Pierre-Jean Benghozi

Évaluer les singularités : entre inspiration et entrepreneuriat. Le cas de la musique contemporaine (Annelies Fryberger)

  • « Dans les productions culturelles, la singularité est prisée avant tout. 
  • Mais leur évaluation est incertaine et donc difficile surtout pour l’individu lamdba. 
  • On est face à des objets singuliers et donc incomparables. La difficulté vient aussi du fait qu’il y a une multiplicité de comparaisons possibles. On peut comparer des éléments factuels (mise en scène, rapport musique-texte, questions formelles, utilisation de l’espace, nombre de musiciens ou de choristes, etc).
  • Dans les jurys d’évaluation de projets, les membres sont amenés à comparer ces éléments incomparables.
  • Ma question est : sur quoi met-on son attention et pourquoi ? 
  • L’incertitude dans l’évaluation se manifeste par le désaccord entre les évaluateurs. Je constate que la majorité du temps consacré à la discussion concerne les dossiers placés au milieu. Les mieux et moins bien classés ne demandent pas beaucoup de discussion. Il y a un consensus silencieux pour eux, une certitude dans l’évaluation.
  • J’ai voulu regarder de plus près les zones grises, où on trouve un mélange d’indifférence et de désaccord chez les évaluateurs. On y trouve des éléments contrastants.
  • Dans l’évaluation des Américains, sont prioritaires les qualités entrepreneuriales (capacité à documenter un budget, à toucher de nouveaux publics, à nouer de nouveaux contacts, le professionnalisme dans la présentation du projet).
  • Ces critères sont bien sûr présents dans les deux pays mais dans les zones grises, ces éléments sont plus mis en avant aux États-Unis quand il y a une situation d’incertitude.
  • En France, prédominent les notions d’authenticité et d’inspiration, l’idée de génie, de nécessité de la création. Ce sont elles qui vont faire pencher la balance en cas d’incertitude.
  • Autre différence : la façon dont on gère la subjectivité inhérente à ces évaluations. Tous s’accordent sur le fait que c’est hautement subjectif. Il faut trouver une façon de contenir cette subjectivité pour la rendre objective. 
  • On peut chercher des critères objectifs utilisés pour noyer la subjectivité (nombre de reprises d’une pièce, carrière du compositeur, budget de la production, etc) mais derrière ces critères comptables la subjectivité demeure.
  • Si le désaccord est subjectif, l’accord atteint le statut d’objectivité.
  • Une autre manière de contrer la subjectivité serait de demander aux évaluateurs de voter à bulletin secret en leur âme et conscience, avec des critères objectifs.
  • Concernant les personnes qui composent les jurys, la parité est une tradition aux États-Unis alors qu’elle n’est réglementée que depuis 2013 en France. Ce changement dans la composition des jurys n’a pas d’effet immédiat sur les résultats. Les femmes lauréates ne sont pas nettement plus nombreuses excepté en 2015. »

    Annelies Fryberger

Production et reproduction des inégalités dans les carrières artistiques (Jeremy Sinigaglia)

  • « Comment les artistes prennent-ils conscience de la place qu’ils occupent dans un espace professionnel et que passe-t-il à partir de là ? Comment réagit-on à la domination ?
  • Certains abandonnent, d’autres sont exclus mais perçus comme s’auto-excluant, d’autres encore parviennent à se faire une place, à se maintenir.
  • Pour brosser les choses à grands traits, la singularité est un luxe et, parce que c’est un luxe, chacun n’y a pas accès. Tout le monde ne peut pas se payer le luxe d’être singulier.
  • La question de la singularité peut s’envisager comme : 
    • une émanation de propriétés ou de qualités intrinsèques à certains individus, que l’on peut rapprocher de la notion de “talent”
    • le produit d’un travail réalisé dans certaines conditions matérielles ou symboliques particulières. 
  • Il existe aujourd’hui une forme d’injonction à la singularité.
  • Cette injonction à la singularité est souvent liée à la nécessité pour de nombreux artistes de passer par la multi-activité, à la démultiplication de soi. Cette conjugaison des deux est assez paradoxale : singularité artistique et nécessité de démultiplication de soi pour pouvoir vivre de son art. 
  • Lors de l’entrée en carrière, les artistes sont confrontés à une addition d’épreuves, parfois d’échecs, de difficultés mais c’est une période importante qui amène un processus de réduction et d’ajustement des aspirations. L’artiste prend conscience de sa place et de celle à laquelle peut aspirer. Se fait alors un ajustement entre aspirations et opportunités.
  • Plusieurs stratégies peuvent être mises en place face à ces épreuves. L’artiste va jouer le jeu de différentes manières : 
    • Multiplier ses engagements professionnels en gardant une cohérence dans sa démarche artistique, se permettre de refuser des choses. Mais cela demande des ressources. Certains vont pouvoir faire des choix radicaux car ils évoluent dans un environnement aisé (socialement, financièrement, etc). Dans ce cas, cela ne fait pas obstacle à l’impératif de singularité.
    • Diversifier ses engagements. Cela est pratiqué par des artistes plus faiblement dotés en ressources, plus précaires. Ils vont s’adapter ou proposer des projets pouvant s’adapter aux lieux qui peuvent les accueillir. Je pense par exemple à la Cie TGV Est (Théâtre à géométrie variable) qui adapte la forme de ses spectacles aux lieux, et leur donne plusieurs formats. C’est un problème pour l’emploi des musiciens intervenants mais pas pour l’artiste qui porte la création.
    • Développer des projets artistiques très différents. Cela permet de multiplier les réseaux de diffusion et les opportunités. Mais l’identité artistique est diluée. Ceux qui adoptent ce fonctionnement ne se sentent pas artistes et ne sont pas perçus comme tels. Cela nuit à la construction de leur identité singulière.
  • Le contexte dans lequel ils évoluent pèse donc très fort sur la capacité des artistes à se présenter comme singuliers, et ce bien au-delà de la question de leurs capacités personnelles. »

    Jeremy Sinigaglia

« il semble que nos concitoyens aient une appétence particulière pour la consommation des biens culturels de masse. Et ce n’est pas seulement lié aux algorithmes. » (Loup Wolff)

  • « Il existe en effet une surabondance de l’offre mais en parallèle on observe une intensification des pratiques culturelles et une multiplication importante du nombre de professionnels ou d’aspirants professionnels dans tous ces domaines de la culture. Ces tendances étaient amorcées avant le numérique, il les accompagne mais ces évolutions sont antérieures. Le numérique ne vient que les renforcer. 
  • C’est plutôt une bonne nouvelle, cela montre une aspiration forte et persistante au sein de la population française. 
  • En revanche, des points posent question : la restructuration économique de ces secteurs, la consolidation de grands groupes ou de “stars”. Les premières analyses sur les usages du numérique sont un peu inquiétantes car il semble que nos concitoyens aient une appétence particulière pour la consommation des biens culturels de masse. Et ce n’est pas seulement lié aux algorithmes.
  • Malgré tout, la diversité offerte et disponible semble profiter quand même à un certain nombre qui ont une appétence pour la nouveauté, la découverte.
  • Quelles solutions peut proposer le MC Ministère de la Culture  ? Je ne sais pas si c’est au politique de résoudre cela, si c’est à ce niveau-là que se jouent réellement les enjeux dont on discute.
  • Tout ce qui est en jeu dans le rapport à la culture relève d’une relation très intime de chacun avec les productions culturelles, et ça ne se réglemente pas ou mal.
  • La réponse me semble plutôt devoir venir du côté des acteurs culturels.
  • Nous surveillons de près l’aspect démographique des choses, avec une interrogation assez forte sur la notion d’espace public qui semble être assez ancrée chez une génération donnée, celle des baby-boomers, qui a investi les espaces publics et a pu entretenir la sortie dans les lieux de culture. Nous nous posons la question pour les générations suivantes qui ne se sont pas autant approprié les espaces publics, peut-être en raison du développement de la culture de chambre, qui peut offrir des alternatives dans lesquelles ces générations peuvent s’enfermer. Il y a un enjeu. La génération qui sortait dans les lieux publics de culture est en train de vieillir.  Cela amène des interrogations sur le renouvellement des publics. »

    Loup Wolff

Festival d’Avignon

• Festival dédié au spectacle vivant contemporain

• Créé en 1947 par Jean Vilar

• Dispose depuis 2013 d’un lieu permanent de résidence et de création avec la FabricA

• 78e édition : du 29/06 au 21/07/2024 (dates avancées pour correspondre à la situation liée à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024)

• Chiffres de la 77e édition : du 05 au 25/07/2023

- 114 600 billets délivrés pour les spectacles payants
- 44 spectacles et 1 exposition, pour 258 représentations

• 76e édition (du 07 au 26/07/2022)
- 105 260 billets délivrés pour les représentations payantes
- 29 000 billets entrées aux manifestations gratuites
- 47 spectacles présentés pour 270 représentations jouées

• 75 édition du 05 au 25/07/2021
- Fréquentation totale : 123 912 entrées

• 74e édition prévue du 03 au 23/07/2020 annulée

• « Un Rêve d’Avignon » du 03 au 25/07/2020 : programme numérique et audiovisuel

• « Une Semaine d’art en Avignon » du 23 au 29/10/2020 (écourtée en raison du reconfinement) : 7 spectacles (5 créations et 2 premières en France) pour 35 représentations

• Directeur : Tiago Rodrigues (depuis le 01/09/2022)

• Directeur délégué : Pierre Gendronneau (depuis février 2023)

Contact : 04 90 27 66 50


Catégorie : Festival / Salon


Adresse du siège

20 Rue du Portail Boquier
84000 Avignon France


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Fiche n° 488, créée le 27/09/2013 à 13:23 - MàJ le 12/07/2024 à 09:19

Henry Marie
Chargée de la coordination
« Rencontres Recherche et Création »
01 73 54 81 70
marie.henry@agencerecherche.fr


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