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« L’image du Zénith reste fortement associée aux musiques qu'écoutent les jeunes » (Lily Fisher)

News Tank Culture - Paris - Entretien n°325839 - Publié le 28/05/2024 à 14:00
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©  Nicko Guihal / A. Détienne
Daniel Colling et Lily Fisher - ©  Nicko Guihal / A. Détienne

« La création de nouveaux équipements a peu impacté le nombre de représentations au Zénith de Paris, qui est en moyenne de 150 par an (…). Aujourd’hui, 75 % de notre public a moins de 30 ans, c’est une proportion très importante. Alors oui, nous ne programmons pas, mais l’image du Zénith reste fortement associée aux musiques qu'écoutent les jeunes, et les producteurs viennent nous voir pour cela. Il ne faut pas oublier non plus que les jeunes artistes qui se produisent chez nous ont bien souvent été dans le public quelques années auparavant, pour assister aux concerts de leurs mentors. C’est un héritage qui nous différencie d’un équipement récent. Nous avons 40 ans d’histoire », déclare Lily Fisher, directrice du Zénith Paris-La Villette, dans un entretien à News Tank le 28/05/2024.

L'équipement, qui célèbre son 40e anniversaire avec notamment une exposition d’archives (billets, tee-shirts, pass collectors…), revendique avoir accueilli « quelque 2 600 artistes “tête d’affiche” français et internationaux, (…) 5 400 concerts et plus de 23 millions de spectateurs » depuis sa création. « Avant la création des Zénith, il n’y avait pas de grandes salles adaptées aux musiques populaires. Les concerts avaient lieu dans des salles telles que des palais des sports ou des parcs des expositions, qui n'étaient pas adaptés à l’installation du matériel son et lumière, et dont l’acoustique était souvent mauvaise », rappelle Daniel Colling, fondateur et président du Zénith Paris-La Villette.

« Au cours de ces 10 derniers années, énormément de chantiers ont été menés à bien. Nous avons augmenté la capacité de la salle, qui est passée de 6 238 à quasiment 7 000 places aujourd’hui. Puis toute “l’enveloppe” du Zénith a été refaite, notamment son isolation thermique et phonique. (…) Pour les années à venir, nous sommes toujours en recherche de transformation et d’amélioration. Nous réfléchissons notamment à de nouvelles configurations pour la salle. On a l’avantage ici d’avoir une très grande flexibilité, puisque le Zénith dispose d’une scène et de gradins qui peuvent être en partie démontés : tout est aménageable », ajoute Lily Fisher.

Évolution des typologies d’artistes programmés et des habitudes du public, occupation de la salle pendant les JOP Jeux Olympiques et Paralympiques , respect du cahier des charges et regard sur le réseau des 17 Zénith de France, tels sont quelques-uns des sujets abordés par Lily Fisher et Daniel Colling pour News Tank.


Le Zénith Paris-La Villette fête ses 40 ans. Quel regard portez-vous sur cette période ?

Daniel Colling : Rappelons qu’avant la création des Zénith, il n’y avait pas de grandes salles adaptées aux musiques populaires. Les concerts avaient lieu dans des salles telles que des palais des sports ou des parcs des expositions, qui n'étaient pas adaptés à l’installation du matériel son et lumière, et dont l’acoustique était souvent mauvaise. C’est Jack Lang, tout juste nommé au ministère de la Culture en 1981, qui m’a confié une étude relative à la réalisation de salles dédiées à nos musiques, étude qui a finalement débouché sur la création du Zénith de Paris en 1984.

En 40 ans, le Zénith de Paris n’a cessé de se renouveler au gré de l'évolution de la société et des genres musicaux. On y a accueilli de la chanson, du reggae, du rock, de la pop… Aujourd’hui, sa couleur est plus volontiers marquée par les musiques urbaines. Au fur et à mesure du temps, le Zénith a présenté quasiment tous les plus grands artistes, français et internationaux.

En 40 ans, la concurrence s’est accrue, de nombreuses salles sont apparues sur le marché parisien, notamment le POPB (devenu l'Accor Arena Salle polyvalente exploitée par la Société anonyme d’exploitation du POPB • Actionnaires principaux de la Société anonyme d’exploitation du POPB : Ville de Paris (56 %) et AEG Facilities… ), et plus récemment la Seine Musicale • Complexe musical situé sur l'Île Seguin, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) • Comprend un auditorium de 1 150 places, dédié aux musiques classiques, et une grande salle (4 000 à 6 000… ou encore l’Adidas Arena Salle dédiée à la musique et au sport située Porte de la Chapelle (Paris 18e)• Construite dans le cadre des Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024 (badminton, para-badminton, gymnastique et… . Cela a-t-il eu un impact sur l’activité du Zénith ?

Daniel Colling : Curieusement, toutes ces salles qui sont se sont créées au fil des années n’ont pas impacté significativement l’activité du Zénith. Et, à part la Seine Musicale à Boulogne, les autres salles sont des arenas, donc pas des salles de spectacles. En effet, elles accueillent du sport et sont donc conçues pour qu’on assiste à des évènements qui se déroulent en leur centre. Lorsqu’elles accueillent un spectacle, celui-ci a lieu au fond de la salle avec un public qui, en gradin, passe son temps la tête tournée pour regarder le spectacle. Ce ne sont pas des conditions optimums, à mon sens. Si l’on réclamait il y a 40 ans des salles de spectacles, c'était justement parce qu’on ne voulait plus de salles de sport !

Une forte augmentation du nombre d’artistes « zénithables » depuis la fin du Covid »

Lily Fisher : Daniel a raison, la création de nouveaux équipements a peu impacté le nombre de représentations au Zénith de Paris, qui est en moyenne de 150 par an. On peut attribuer cela à la croissance du marché du live. De ce fait, chaque salle a pris une place différente de par sa nature. Le Zénith reste la seule salle dédiée et pensée pour les musiques populaires, musiques parmi lesquelles on compte toutes celles écoutées par les jeunes. Aujourd’hui, 75 % de notre public a moins de 30 ans, c’est une proportion très importante. Alors oui, nous ne programmons pas, mais l’image du Zénith reste fortement associée aux musiques qu'écoutent les jeunes, et les producteurs viennent nous voir pour cela. Il ne faut pas oublier non plus que les jeunes artistes qui se produisent chez nous ont bien souvent été dans le public quelques années auparavant, pour assister aux concerts de leurs mentors. C’est un héritage qui nous différencie d’un équipement récent. Nous avons 40 ans d’histoire.

Ce que l’on observe, depuis la fin du Covid, c’est la forte augmentation du nombre d’artistes « zénithables ». De ce fait, oui, il y a une forte concurrence entre les salles, mais le marché est plus important aussi.

Comment expliquez-vous cette forte augmentation ?

Lily Fisher : Avant, pour faire un Zénith, il fallait être un artiste « connu », avoir un plan promotionnel solide qui passait notamment par de l’affichage ou des passages à la télévision. Aujourd’hui, pour remplir la salle, on peut simplement être un artiste qui a une communauté très engagée, bien se servir des réseaux sociaux et avoir un titre qui a acquis une petite notoriété en ligne. Ainsi, il nous arrive d’accueillir des artistes inconnus du grand public, des artistes que même nous, parfois, connaissons très peu. Et nous sommes également surpris de voir à quelle vitesse les places se vendent. C’est un phénomène vraiment nouveau. Mais avec des succès qui sont souvent, aussi, très éphémères.

On assiste également à un inversement des tendances de consommation chez les jeunes, qui viennent aujourd’hui plus volontiers dans les salles que dans les festivals. Cela tient beaucoup aux communautés. Avant, on découvrait un artiste à la radio, seul chez soi. Maintenant, on partage sur les réseaux sociaux, on se retrouve vite dans une communauté de fans de l’artiste avec laquelle on échange facilement. Ce sont des gens qui ont les mêmes codes, et qui aiment se retrouver entre eux. Cet aspect tribal est plus facile à recréer autour de l’artiste quand il vient en salle plutôt qu’en festival, où les gens n’auront pas nécessairement tous les mêmes codes.

Dans un marché du live très dynamique comme celui que vous décrivez, quelles sont les évolutions possibles pour le Zénith ?

Lily Fisher : D’abord, rappelons qu’au cours de ces 10 dernières années, énormément de chantiers ont été menés à bien. Nous avons augmenté la capacité de la salle, qui est passée de 6 238 à quasiment 7 000 places aujourd’hui. Puis toute « l’enveloppe » du Zénith a été refaite, notamment son isolation thermique et phonique. Nous avons également augmenté la capacité d’accroche du grill technique pour pouvoir nous adapter aux nouvelles productions. Nous avons donc procédé à de gros travaux pour faire en sorte que cette salle qui a 40 ans ne tombe pas en désuétude.

Pour les années à venir, nous sommes toujours en recherche de transformation et d’amélioration. Il est encore un peu tôt pour en parler mais nous réfléchissons à des projets relatifs à l’accueil des productions et du public. Et notamment à de nouvelles configurations pour la salle. On a l’avantage ici d’avoir une très grande flexibilité, puisque le Zénith dispose d’une scène et de gradins qui peuvent être en partie démontés : tout est aménageable.

Les Zénith sont régis par un cahier des charges. 40 ans après leur création, faut-il le faire évoluer ?

Le CNM devra replonger dans le cahier des charges et regarder les dysfonctionnements »

Daniel Colling : Peu de choses sont à faire évoluer, en réalité. Simplement, il faudrait sacraliser l’un de ses points centraux, à savoir qu’un Zénith ne peut être exploité par un producteur ou un diffuseur de spectacles, afin d'éviter de biaiser la concurrence : la neutralité dans l’exploitation doit rester la règle, afin que ces équipements restent accessibles à tous les producteurs. C’est essentiel et je crois que ce point n’est pas respecté dans tous les Zénith. L’Etat a confié la gestion du programme Zénith au CNV Centre national de la chanson, des variétés et du jazz puis au CNM Centre national de la musique . Ce dernier a quatre ans d’existence, dont deux pendant lesquels il a dû gérer la crise Covid. Il lui faudra à un moment replonger dans ce programme et dans le cahier des charges, et regarder de plus près les dysfonctionnements.

Le Zénith de Paris a été le premier d’un réseau qui s’est développé en province, et qui compte au total 17 salles. Quelle est votre analyse de la situation du réseau en province, vous qui exploitez également deux Zénith hors de Paris (Nantes et Toulouse), certains fonctionnant moins bien que d’autres ?

Daniel Colling : Les 17 Zénith implantés en France appartiennent aux pouvoirs publics. Ils sont en général la propriété des agglomérations, lesquelles ensuite en confient l’exploitation à un « privé » via une DSP Délégation de service public , ou bien à une SEM Société d'économie mixte . L’idée de faire un réseau est née du succès rencontré par le Zénith de Paris. Au départ, le projet était d’en implanter 20, soit un par région, et d’attirer aux spectacles un public régional. Les Zénith en province ont permis de doper le marché de la musique live. À Montpellier par exemple, en remplaçant les anciens équipements par un Zénith, on a triplé le public.

Après, la fréquentation et le nombre de spectacles proposés dans un Zénith ne dépendent que du réservoir de population. Et c’est vrai que l’implantation de certains peut être questionnée. Pau, par exemple, n’est pas très loin de Toulouse. Certains artistes préfèrent ainsi poser leur valise deux ou trois soirs de suite au Zénith de Toulouse, et faire l’impasse sur celui de Pau.

Globalement, aujourd’hui, les Zénith en régions sont visités principalement par des artistes français. Les artistes internationaux eux, passent à Paris et éventuellement par le Zénith, mais ont moins l’occasion de tourner en province. Même si cela peut exister, lorsqu’ils connaissent un succès particulièrement marqué en France, comme c’est le cas pour Muse, par exemple.

Voilà 16 ans qu’on n’a plus construit un Zénith en France, et que les collectivités locales optent plus volontiers pour des arenas, qu’on dit mieux adaptées aux contraintes d’aujourd’hui. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Avec les arenas, les élus veulent la polyvalence, le sport et le spectacle, mais cela est en réalité incompatible »

Daniel Colling : En choisissant ce modèle, les élus se trompent. Ils veulent la polyvalence, le sport et le spectacle, mais cela est en réalité incompatible. Et puis, pour les observer depuis longtemps, les collectivités locales sont très sensibles aux « modes ». L’après-guerre a été consacré aux infrastructures sportives. En 1960, tout le monde voulait son parc des expositions. En 1970, on est passé aux palais des congrès. Aujourd’hui, ce sont les arenas ! Même si le modèle peut sembler séduisant, et moins contraignant qu’un Zénith du fait de l’absence de cahier des charges, les choses ne sont pas si évidentes. Certaines arenas peinent à programmer des spectacles.

La grande différence entre le fait d’opter pour un Zénith ou une arena, c’est le financement. La construction d’un Zénith relève d’un financement 100 % public. Pour une arena, on fait entrer des acteurs privés qui exploitent le lieu sous forme de concession pour amortir leur investissement. C’est cela qui peut séduire les collectivités, dans une période contrainte en termes de financement.

Toutefois, on peut se satisfaire de compter 17 Zénith en France, ce qui n’est pas très loin de l’objectif initial. D’ailleurs, dans quelle région pourrait-on en implanter un nouveau ? Bordeaux dispose désormais de son arena, qui en réalité n’accueille pas de sport et ressemble plus à un Zénith qu’autre chose. Et Marseille a le Dôme, qui a un temps eu le label Zénith.

Comment le Zénith de Paris va-t-il être exploité pendant les JOP ?

Lily Fisher : Nous devions être site olympique dans les premiers plans des Jeux, mais pour des questions budgétaires, cela n’a finalement pas été le cas. En définitive, nous allons accueillir la TeamNL, soit l'équivalent néerlandais du CNOSF Comité National Olympique Sportif Français . Ils vont notamment y délocaliser leurs radios et télévisions nationales, mais aussi y accueillir les athlètes pour la célébration des médailles, et plus largement le public pour la retransmission des événements et les fêtes qui y seront organisées. La TeamNL va donc occuper le Zénith pendant toute la durée des Jeux. Cela ne va pas contraindre notre agenda, puisque nous accueillerons des concerts jusqu’au 10/07/2024, comme habituellement les autres années.

La venue de la TeamNL s’inscrit dans un projet plus large porté par Didier Fusillier Président @ GrandPalaisRmn (RMNGP) • Directeur artistique @ Les Berges de Seine à Paris
lorsqu’il était président de l’EPPGHV Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette , qui souhaitait que tout le site soit impliqué dans les Jeux et puisse réunir un maximum de pays. Ainsi la maison des athlètes français sera située sur le Parc, mais aussi celle du Brésil, du Canada, etc. Cela va donc faire de La Villette un site très fort en termes de fans zones.

Lily Fisher


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Parcours

Zénith Paris - La Villette
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Zénith Paris - La Villette
Directrice adjointe
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Le Printemps de Bourges
Communication / Responsable du développement des outils multimédias / Coordination promo - presse
Mosaik aux Mureaux
Communication / production

Fiche n° 766, créée le 15/11/2013 à 10:33 - MàJ le 24/05/2024 à 11:36

Daniel Colling


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Parcours

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Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV)
Président
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Codirecteur

Fiche n° 119, créée le 02/10/2013 à 15:56 - MàJ le 24/05/2024 à 11:35

Zénith Paris - La Villette

Salle de spectacles située dans le Parc de la Villette (Paris 19e)

• Inauguration : le 12/01/1984, avec Jacques Higelin, Zéro de Conduite, Renaud et Charles Trenet

• Capacité d’accueil : jusqu'à 7 000 places

• 150 représentations par an

• Exploitant : Colling & Cie, jusqu’au 30/06/2030

• Président : Daniel Colling

• Directrice : Lily Fisher


Catégorie : Salle


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Fiche n° 129, créée le 27/09/2013 à 13:23 - MàJ le 28/05/2024 à 12:02

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Daniel Colling et Lily Fisher - ©  Nicko Guihal / A. Détienne