Demandez votre abonnement gratuit d'un mois !

Plus grand musée de France : « Le mobilier est le parent pauvre du patrimoine » (P. de Poncheville)

News Tank Culture - Paris - Interview n°243146 - Publié le 01/03/2022 à 15:30
- +
©  Cédric Doux
Anne Teffo et Pauline de Poncheville - ©  Cédric Doux

« La campagne du Plus grand musée de France a été lancée en 2013 pour venir en aide au patrimoine mobilier. Elle part d’un constat un peu triste, celui que lorsqu’une collectivité a restauré son château, son église, sa mairie, il ne lui reste généralement plus de budget pour restaurer ce que ces édifices contiennent et notamment les œuvres d’art. Le mobilier est le parent pauvre du patrimoine », indique Pauline de Poncheville, responsable du programme du Plus grand musée de France pour la Fondation La Sauvegarde de l’Art Français, à News Tank le 01/03/2022.

Créée en 2013, la campagne du Plus grand musée de France a été initiée avec des étudiants et poursuivie avec des salariés de la Fondation d’entreprise Michelin. Elle vise à repérer des chefs d'œuvres du patrimoine mobilier dispersés sur le territoire, afin de procéder à leur restauration.

« En 2016-2017, nous avons débuté le programme avec trois sites Michelin (Boulogne-Billancourt, Vannes et Saint-Doulchard). L’idée était de proposer à nos collaborateurs de sélectionner, dans leur département, des œuvres qui leur sont chères, puis d’effectuer un vote entre elles. L’œuvre gagnante recevait ensuite un don de 8 000 euros pour sa restauration (…) En 2020-2021, nous avions huit sites et cette année nous en comptons 14 », ajoute Anne Teffo, déléguée générale adjointe de la Fondation d’Entreprise Michelin.

« Nous n’imposons pas d’être le seul financeur. Il peut y avoir des subventions en parallèle, notamment pour les œuvres d’art inscrites ou classées au titre des Monuments historiques. Nous encourageons vivement les mairies à faire le nécessaire pour mettre en œuvre un financement croisé. En alliant subventions publiques et mécénat privé, nous arrivons à atteindre de très jolis montants permettant d’assurer des restaurations d’envergure », déclare encore Pauline de Poncheville.

Anne Teffo et Pauline de Poncheville répondent aux questions de News Tank.


Quelle est la genèse de ce projet, comment a-t-il été conçu ?

Pauline de Poncheville : La campagne du Plus grand musée de France a été lancée en 2013 pour venir en aide au patrimoine mobilier. Elle part d’un constat un peu triste, celui que lorsqu’une collectivité a restauré son château, son église, sa mairie, il ne lui reste généralement plus de budget pour restaurer ce que ces édifices contiennent et notamment les œuvres d’art. Le mobilier est le parent pauvre du patrimoine.

Dans un premier temps, l’objectif de la campagne était de s’appuyer sur la jeunesse, de permettre à des étudiants de s’approprier ce patrimoine qui appartient à tous. Nous avons travaillé à la fois avec des étudiants en histoire de l’art et issus de formations plus généralistes. Nous avons formé les jeunes à des missions de mécénat et de communication pour leur permettre de mener à bien une campagne de levée de fonds. À la fin de l’année universitaire, nous pouvions remettre à la mairie, propriétaire de l’œuvre, un chèque d’un montant compris entre 5 000 et 10 000 euros qui avaient été récoltés par l’étudiant.

À partir de 2015, des entreprises et fondations d’entreprise se sont intéressées à nos actions, c’est le cas de la Fondation d’Entreprise Michelin. Cette dernière nous a d’abord soutenus sur les campagnes étudiantes avec la remise du Prix étudiant de la Fondation d’Entreprise Michelin. Il s’agissait d’un prix de 10 000 euros qui venait récompenser l’une des cagnottes de nos étudiants. Assez vite, en 2016-2017, la Fondation d’Entreprise Michelin a eu envie d’impliquer ses salariés. Nous lui avons alors proposé un projet sur mesure.

Proposer à nos collaborateurs de sélectionner, dans leur département, des œuvres qui leur sont chères »

Anne Teffo : L’opération menée avec les étudiants a tellement bien fonctionné que nous avons souhaité l’étendre à nos usines en France. En 2016-2017, nous avons débuté le programme avec trois sites Michelin (Boulogne-Billancourt, Vannes et Saint-Doulchard). L’idée était de proposer à nos collaborateurs de sélectionner, dans leur département, des œuvres qui leur sont chères, puis d’effectuer un vote entre elles. L’œuvre gagnante recevait ensuite un don de 8 000 euros pour sa restauration. En 2017-2018, nous avons continué l’opération avec un nouveau site à Roanne (en plus de Vannes et Saint-Doulchard). En 2020-2021, nous avions huit sites et cette année nous en comptons 14.

Pourquoi l’opération gagne-t-elle en ambition cette année avec une extension à six nouveaux sites ? Quel niveau d’adhésion le projet remporte-t-il ?

PdP : La recette du succès repose sur les salariés qui se sont vraiment approprié la campagne. Pour les usines en province, il s’agit d’une occasion de s’ancrer encore davantage dans les territoires, puisque les salariés vont, notamment, à la rencontre des maires. Cette campagne leur permet, ainsi qu’aux directeurs de sites et au groupe en général, d’être des acteurs de la vie locale.

Nous nous inscrivons vraiment dans le territoire avec une logique de patrimoine de proximité »

Nous nous inscrivons vraiment dans le territoire avec une logique de patrimoine de proximité. Les salariés sont très fiers d’être des ambassadeurs de leur entreprise. Lorsqu’ils vont voir le maire d’une collectivité pour lui proposer un budget de 8 000 euros, ils sont généralement accueillis à bras ouverts. Cela permet aussi de créer de l’interaction entre les différentes usines

AT : À la suite du Covid, nous avons tous pu ressentir un besoin de rencontre, de solidarité, de projets partagés. Nous communiquons régulièrement sur le projet et ce sont les collaborateurs des huit nouveaux sites qui ont demandé à participer à l’opération, qui ont éprouvé ce besoin de mise en œuvre d’un projet commun.

Cette opération suscite de l'émulation dans les usines et de la solidarité entre les collaborateurs. Par ailleurs, lorsque cela est possible, nous proposons aux salariés, comme nous avons pu le faire pour « Le Christ en croix » d’une Église de Saint-Cloud à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), de visiter l’atelier de restauration et d’en apprendre davantage sur la profession.

Comment le processus fonctionne-t-il concrètement ? Comment le système de vote se structure-t-il ?

AT : Pour la première année, le vote pour départager les œuvres avait été réalisé par un jury comprenant le président de la Sauvegarde de l’art français, Olivier de Rohan Chabot, un conservateur du patrimoine mobilier du Musée du Louvre • Ancien palais des rois • Création en 1793• Antenne : - Louvre-Lens, inauguré le 04/12/2012 dans le département Pas-de-Calais par le Président de la République François… , le directeur d’usine et moi-même. Dès la deuxième année, nous avons décidé de faire voter toute l’usine, ce que nous poursuivons en ligne depuis le Covid.

Classer les propositions en fonction de leur faisabilité »

Pour ce qui est du processus, la Fondation d’Entreprise Michelin présente le projet aux directeurs d’usines et aux collaborateurs des sites par le réseau des communicants en interne. Les salariés se lancent ensuite dans une chasse aux trésors pour rechercher des œuvres (de janvier à mars 2022 cette année). Pour chaque site participant, un jury est organisé. Le vote est hiérarchisé, afin de conserver un intérêt réel en matière de restauration et de classer les propositions en fonction de leur faisabilité. La remise du prix et le départ en restauration ont lieu sur les mois de mai-juin. Nous organisons également de petits événements une fois la restauration terminée, ainsi qu’au retour de l’œuvre sur son site d’origine.

• Les voix des salariés comptent pour 50 % du résultat final ;
• La voix de la Fondation d’Entreprise Michelin compte pour 25 % ;
• La voix du conservateur compte pour 25 % ;
• En cas d’égalité, la Sauvegarde de l’Art Français est chargée de trancher.

PdP : Nous suivons pas à pas, chaque étape du projet. Nous nous tenons aussi à la disposition des salariés s’ils ont des doutes sur la potentielle éligibilité d’une œuvre. J’ai un interlocuteur, appelé parrain ou marraine, sur chacun des sites qui m’assiste dans la diffusion des informations auprès des collaborateurs.

Quels sont les critères formels qui interviennent dans la sélection ?

PdP : Nous n’avons qu’un seul critère obligatoire : que les œuvres soient accessibles à tous gratuitement. Nous sommes une fondation d’intérêt général, reconnue d’utilité publique, nous ne voulons donc pas que l’argent soit un critère discriminant. Il ne faut pas qu’un problème de budget empêche le grand public d’accéder au patrimoine. Ensuite, nous sommes ouverts à tous les types de propositions tant qu’il s’agit de mobilier. La typologie s’étend de la statuaire, aux tableaux, en passant par l’orfèvrerie, les tissus, les véhicules anciens, etc. Toutes les époques peuvent être représentées.

Quels sont les objets qui suscitent de l’intérêt ? Certaines œuvres sont elles particulièrement populaires ou bien ce mode opératoire encourage-t-il la diversité des objets sélectionnés ?

Une vraie diversité dans les œuvres proposées du fait du nombre de collaborateurs impliqués »

AT : Nous constatons une vraie diversité dans les œuvres proposées du fait du nombre de collaborateurs impliqués. Sur le site de Blanzy (Saône-et-Loire), par exemple, 17 œuvres ont été proposées par les collaborateurs. Il s’agissait de neuf statues, deux pièces de tissu, une pièce de menuiserie, trois pièces de mobilier et deux vitraux. Les objets sélectionnés étaient ceux qui comptaient pour les collaborateurs et qui peuvent être des marqueurs du territoire. À Roanne, un métier à tisser a été sélectionné, à Vannes, il s’agissait d’un ex-voto marin.

PdP : Dès qu’une œuvre touche à la mobilité, cela a aussi tendance à plaire beaucoup chez Michelin.

• Depuis le lancement de la campagne en 2013, la Sauvegarde de l’Art Français a récolté 1 300 000 euros pour la restauration de 200 œuvres partout en France.

• Via le partenariat avec la Fondation d’Entreprise Michelin, 29 œuvres d’art ont pu être restaurées. Dans le cadre de la campagne en cours, 14 projets s’ajouteront à cette liste « d’ici le mois d’avril ».

Le montant de 8 000 euros alloué pour chaque œuvre est-il un montant figé ? Peut-il connaître des adaptations et éventuellement une redistribution plus souple des fonds de manière à la rendre la plus pertinente possible ?

PdP : Nous n’imposons pas d’être le seul financeur. Il peut y avoir des subventions en parallèle, notamment pour les œuvres d’art inscrites ou classées au titre des Monuments historiques. Nous encourageons vivement les mairies à faire le nécessaire pour mettre en œuvre un financement croisé. En alliant subventions publiques et mécénat privé, nous arrivons à atteindre de très jolis montants permettant d’assurer des restaurations d’envergure. En apportant 8 000 euros, nous pouvons, par exemple, procéder à une restauration qui en coûtera plutôt 30 000, grâce à la participation de l’État, des Départements, des Régions.

Notre objectif (…) est de diminuer le reste à charge des mairies »

Nous avons une œuvre dont la restauration vient de s’achever. Il s’agit d’une grande toile du 18e siècle, protégée au titre des Monuments historiques. La restauration coûtait un peu plus de 20 000 euros, mais c’est finalement une opération blanche ou presque pour la mairie, puisqu’elle avait le droit en parallèle à des subventions étatiques. Notre objectif, avec la Fondation d’Entreprise Michelin, est de diminuer le reste à charge des mairies. Pour les objets ou les édifices, elles n’ont pas le droit de dépasser plus de 80 % de financement public. Les mécènes privés viennent donc diminuer les 20 % restants.

Par ailleurs, si la somme de 8 000 euros est trop importante pour l’œuvre concernée, nous offrons le reliquat à l’œuvre arrivée en deuxième position dans les suffrages des salariés. Nous sommes toujours attentifs au podium pour éventuellement repêcher le numéro deux. C’est ce qui s’est passé récemment pour le site de Bourges (Cher). L’œuvre arrivée à la première place était classée au titre des Monuments historiques et a bénéficié de subventions assez importantes de la part de la DRAC Direction régionale des affaires culturelles . Nous avons donc pu offrir un peu plus de 2 000 euros à une autre mairie.

Anne Teffo


Consulter la fiche dans l‘annuaire

Parcours

Fondation d’Entreprise Michelin
Déléguée générale adjointe
Michelin Travel Partner
Directrice de la collection « Le Guide Vert »
Michelin
Responsable de la collection « Voyager Pratique »
Michelin
Responsable de la mise à jour de la collection « NEOS »
Michelin
Responsable de la cartographie des guides touristiques « NEOS »
Indépendante
Cartographe
Air France
Adjointe du responsable du service cartographie
Air France
Responsable de la composition des manuels techniques d’utilisation (avion)
Air France
Responsable du bureau de cartographie au sein du service navigation et infrastructures

Fiche n° 22514, créée le 25/04/2017 à 12:54 - MàJ le 25/02/2022 à 17:50

Pauline de Poncheville


Consulter la fiche dans l‘annuaire

Parcours

Fondation pour La Sauvegarde de l’Art Français
Responsable du Plus grand musée de France
Fondation pour La Sauvegarde de l’Art Français
Cheffe de projet en charge des restaurations d'édifices

Fiche n° 45428, créée le 25/02/2022 à 17:55 - MàJ le 25/02/2022 à 18:00

Fondation pour La Sauvegarde de l’Art Français

• Fondation reconnue d’utilité publique (par décret du 27/11/2017) œuvrant pour la conservation du patrimoine français.

• Mission :
Mécène des églises et chapelles de France, la Fondation consacre chaque année « plus d’un million d’euros » à financer des travaux dans plus de 100 édifices en danger.

• Date de création : 1921 (association reconnue d’utilité publique en 1925)

• Chiffres 2021 (derniers disponibles) :
• Dons reçus : 603 395 €
• Édifices aidés : 120
• Œuvres restaurées : 33

• Président : Olivier de Rohan Chabot
Contact
 : 01 48 74 49 82


Catégorie : Divers Public


Adresse du siège

22 Rue de Douai
75009 Paris France


Consulter la fiche dans l‘annuaire

Fiche n° 839, créée le 16/01/2014 à 04:33 - MàJ le 03/10/2023 à 09:36

Fondation d’Entreprise Michelin

Fondée en 2014, la Fondation d’Entreprise Michelin vise à organiser les opérations de mécénat du groupe Michelin en France et à l’international.

Elle est présente dans 23 pays et son mécénat s’oriente sur cinq axes :
- protection de l’environnement
- mobilité durable
- santé et sport
- éducation et solidarité
- patrimoine et culture

• Chiffres-clés 2020  :
-
98 projets soutenus
- 18,4 M€ affectés aux projets

• Nombre de projets financés : 467 en sept ans

• Président : Florent Menegaux
• Contact : Florence Marchand, responsable de l’information


Catégorie : Mécène


Consulter la fiche dans l‘annuaire

Fiche n° 13130, créée le 25/02/2022 à 16:57 - MàJ le 01/03/2022 à 11:21

©  Cédric Doux
Anne Teffo et Pauline de Poncheville - ©  Cédric Doux