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« Le groupe Lifting se situe à un endroit particulier » (J.-M. Grangier, Comédie de Clermont-Ferrand)

News Tank Culture - Paris - Interview n°140538 - Publié le 22/02/2019 à 09:00
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©  Jean-Louis Fernandez
©  Jean-Louis Fernandez

« La danse peut faire peur aux néophytes mais avec le groupe Lifting nous nous situons à un endroit particulier, entre pratiques amateurs et spectacle professionnel. Les gens qui sont sur le plateau ressemblent à ceux qui sont dans la salle. La forme du spectacle est aussi soignée que pour les spectacles professionnels (nous faisons appel à des techniciens lumière, les costumes sont de qualité, etc). De plus, cela intéresse le public de se confronter au troisième âge, aux transformations du corps. C’est important de parler de notre propre corps, qui est souvent caché, nié, une question que les gens évitent », déclare Jean-Marc Grangier, directeur de la Comédie de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Scène nationale, à News Tank le 22/02/2019. Constitué de 20 femmes seniors amateurs, le groupe Lifting, qui « qui n’a pas pour objectif d’aboutir dans six mois ou un an mais de s’inscrire dans la durée », travaille avec des chorégraphes professionnels à la création de pièces qui constitueront à terme un répertoire.

Lancé en 2015, le projet a d’abord associé des jeunes et proposé la transmission d’œuvres existantes avant de trouver sa forme actuelle. Les danseuses, âgées de 65 à 86 ans, participent à des ateliers hebdomadaires et travaillent le week-end à deux créations annuelles.

Jean-Marc Grangier présente à News Tank ce projet « identitaire de sa structure » et mis en avant avec 150 autres dans le cadre de l’Effet Scènes, temps fort qui présente du 16/02 au 16/03/2019 la diversité des actions menées par les Scènes nationales sur le territoire.


En quoi consiste le groupe « Lifting » que la Comédie de Clermont-Ferrand a mis en place en 2015 et fait évoluer depuis ?

Le projet de départ consistait à engager des amateurs, jeunes et seniors, à travailler régulièrement et dans la durée, en étant encadrés par des professionnels de la danse. Il ne s’agit pas de suivre un atelier pendant un an mais de constituer un groupe pour plusieurs années. Les membres s’engagent sur un travail qu’ils découvrent, apprennent et retravaillent chaque année. À l’origine, des chorégraphes ou danseurs transmettaient des extraits de pièces du répertoire chorégraphique à ce groupe d’amateurs. Des ateliers de ce type ont été menés par Jean-Claude Gallotta et la chorégraphe hip hop Milène Duhameau. Nous n’avons pas fait passer d’auditions mais lancé un simple appel, à qui voulait participer. Personne n’avait besoin d’être expérimenté en danse. Seul le désir, la projection, la volonté de s’engager à long terme dans un atelier comptait.

Quand on met un senior sur un plateau, il arrive avec un vécu, et ce, quelles que soient ses capacités physiques »

Nous avons fonctionné un an ainsi car il nous semblait intéressant de croiser les deux générations. Mais très vite j’ai trouvé que la présence des jeunes n’était pas utile. Ils ont tellement d’offres, de propositions pour danser… Ils étaient pour beaucoup déjà élèves de cours de danse ou de conservatoires. Leur présence n’apportait rien de spécial. En revanche, la présence des seniors créait tout de suite quelque chose de différent. Quand on met un senior sur un plateau, il arrive avec un vécu, et ce, quelles que soient ses capacités physiques. Nous avons donc reconfiguré le groupe qui est désormais exclusivement composé de femmes seniors. Elles sont au nombre de vingt. Nous l’avons appelé, non sans humour, « Lifting ».

Comment fonctionne ce groupe ? 

Le groupe est dirigé par le chorégraphe Thierry Lafont (Axotolt Cie) qui s’est toujours beaucoup intéressé à la question du corps du danseur et de son vieillissement. Il anime un atelier hebdomadaire pour les membres du groupe et des chorégraphes variés viennent les faire travailler sur des œuvres, avec une exigence professionnelle. Nous avons abandonné la transmission d’extraits de pièces existantes pour nous consacrer à des créations. C’est plus intéressant car cela permet bien davantage de tenir compte des corps et de leurs capacités. Les chorégraphes créent pour et avec ce groupe.

Ainsi, Anne Martin, qui a travaillé avec Pina Bausch et est professeur au CNSMD Conservatoire National Supérieur Musique et Danse de Lyon depuis 2003, a créé une pièce, tout comme Yan Raballand. Le groupe Lifting travaille sur plusieurs pièces en même temps et y revient régulièrement. Une création avec le collectif ÈS, héritier de Jérôme Bel, est en préparation. Il y a à la fois des temps d’expérimentation et de construction du spectacle. Cette alternance permet au groupe de comprendre les démarches et les processus de création et d’en voir de différentes sortes. 

En quoi ce projet participe-t-il de l’engagement territorial de la Comédie ?

Les créations sont jouées un peu partout. Le public répond présent, surtout dans les endroits où il y a peu de danse programmée. La danse peut pourtant faire peur aux néophytes mais avec le groupe Lifting nous nous situons à un endroit particulier, entre pratiques amateurs et spectacle professionnel. Les gens qui sont sur le plateau ressemblent à ceux qui sont dans la salle. La forme du spectacle est aussi soignée que pour les spectacles professionnels (nous faisons appel à des techniciens lumière, les costumes sont de qualité, etc). De plus, cela intéresse le public de se confronter au troisième âge, aux transformations du corps. C’est important de parler de notre propre corps, qui est souvent caché, nié, une question que les gens évitent. Parmi nos danseuses, qui ont entre 65 et 86 ans, certaines ont des problèmes de santé. Cela fait écho aux préoccupations du public et en même temps chacune a trouvé son langage. C’est impressionnant sur scène. Ces endroits de travail et de réflexion apportent beaucoup. La prise en charge collective de certains maux a aussi pu améliorer la condition de certaines danseuses.

Les 20 membres du groupe n’habitent pas toutes à Clermont-Ferrand. Certaines font plus d’une heure de route pour venir chaque semaine. Il y a toujours une séance à Clermont-Ferrand mais nous allons dans d’autres lieux comme Lyon ou Brioude récemment, où il n’y a pas forcément un public de danse.

Par ailleurs, ce projet pourra peut-être à l’avenir aller dans d’autres régions ou dans d’autres Scènes nationales pour être présenté. Ce n’est pas notre priorité pour le moment mais si des lieux sont prêts ou si cela peut raisonner à d’autres endroits, nous pourrons envisager de montrer le travail effectué ou proposer des discussions autour de cette question.

Vous avez finalement abandonné la transmission d’œuvres chorégraphiques au groupe, pourquoi ?

La transmission du répertoire est intéressante pour des danseurs professionnels. Ici, nous sommes dans une démarche toute autre. Les chorégraphes partent des danseuses, de leur identité, de ce qu’elles amènent. Il y a une résonance plus forte entre leur vie et leur corps.

Il y a deux créations par an mais elles seront de nouveau dansées, travaillées chaque année. Ce programme constitue au final leur propre répertoire.

Avec ce groupe, nous nous inscrivons dans un projet de long terme, qui n’a pas pour objectif d’aboutir dans six mois ou un an »

C’est un projet qui engage fortement. Dans les programmes de sensibilisation ou de médiation, on souffre un peu de l’aspect ponctuel. Qu’a-t-on semé ? Que va-t-il se passer après ? Avec ce groupe, nous nous inscrivons dans un projet de long terme, qui n’a pas pour objectif d’aboutir dans six mois ou un an mais de durer.

Quelle est la structure économique de ce projet ?

Les danseuses, qui sont amateures et effectuent moins de six représentations par an, ne sont pas rémunérées. Les représentations sont gratuites, sauf quand il faut compenser un coût technique à l’extérieur, mais cela reste très limité. Parce que nous tenions beaucoup à ce projet, nous l’avons financé sur notre budget, dans la partie action culturelle. Par la suite, la DRAC Direction régionale des affaires culturelles s’est montrée très intéressée et elle nous accompagne désormais. Le budget est d’environ 35 à 40 000 euros par an, le poste le plus important étant les salaires des intervenants (chorégraphes professionnels, techniciens). 

Ce projet, assez unique, est identitaire de notre structure »

Ce projet, assez unique, est identitaire de notre structure. En tant que Scène nationale qui ne dispose pas pour le moment d’un lieu, nous nous baladons un peu partout. Par la suite, lorsque notre futur théâtre (en cours de construction, NDLR) sera ouvert, cela modifiera encore le travail du groupe. Il sera plus facile d’avoir des week-ends pour travailler, les danseuses habiteront ce lieu, se l’approprieront et pourront avoir des échanges directs avec les compagnies programmées. Elles pourront dialoguer avec les chorégraphes qui passeront et assister à des répétitions. Le futur théâtre, qui devrait ouvrir d’ici un an, permettra une nouvelle avancée de ce projet.

La Comédie de Clermont-Ferrand - Scène nationale

Scène nationale fondée en 1997
• Dotée d’un équipement en propre depuis le 06/07/2020
• Statut : Association loi 1901
• Salles et espaces :
- Salle de L’Horizon (878 places)
- Salle des Possibles (modulable, 336 places et jusqu’à 1 000 en configuration debout)
- studio de répétition de 230 m
- 3 salles de médiation
- 1 bibliothèque
- 1 restaurant (Les Grandes Tables de La Comédie)
• Chiffres :
- 130 représentations par saison (théâtre, danse, musique et cirque)
- 6 500 abonnés
• Présidente : Brigitte Lefèvre, depuis le 19/10/2017
• Directrice : Céline Bréant à compter du 01/09/2021
• Contact : Émilie Fernandez, chargée des relations avec les médias
• Tél. : 04 73 17 01 80 / 06 11 34 34 83


Catégorie : Théâtre


Adresse du siège

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63000 Clermont-Ferrand France


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Fiche n° 502, créée le 27/09/2013 à 13:23 - MàJ le 15/03/2022 à 12:58

©  Jean-Louis Fernandez
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